14 novembre 2008

Obama Beach



ou du débarquement de la rhétorique de la diversité en territoire déjà occupé...

Un noir à la Maison blanche : D day, J + 10. Opération Overlordiversité still in progress. « Les sanglots longs des violons de l’automne » sont de sortie et de saison ! Instruments à cordes, corde sensible, pathos et bêtes à cornes. Bête à pleurer…
Tandis que les chantres mondiaux du marketing se sont dégotés une nouvelle égérie pour vendre T-shirts, mugs, masques en latex et licenciements humanistes, une nouvelle effigie, un nouveau Ché mec ! soit un nouveau symbole libertaire opératif au niveau mondial entièrement dédié à la promotion de l’idéologie libérale, la petite République française bascule toujours plus avant dans l’ineptie, l’insanité, l’obscène rhétorique de la promotion de la diversité et de l’égalité des chances. C’est avec délectation, du lactose plein les circonvolutions corticales, après une longue nuit à chasser en mode nyctalope entités et ombres suant sang, que je me suis assoupi sur les infos matinales estampillées Vivendi, écholalie en tête : « Nomination du premier préfet noir de France, Pierre N’Gahane. » CRAN d’arrêt sur info…
Le 12 novembre 2008 est donc un autre de ces jours à marquer d’une pierre blanche pour la France, ce sinistre pays à la botte, celle n’écrasant plus même sa bouche, pour paraphraser Orwell, car il est bien inutile de vouloir faire taire un muet… Un muet à la langue bien pendue, soit la voix de son maître…

La grande question qui intéresse les journalistes français, cabots d’une idéologie voulant nous vendre toujours plus de progrès d’apparat pour mieux nous fourguer ses parures aliénantes et cacher la misère de ses conséquences fâcheuses car humainement rétrogrades : « Cette nomination est-elle le fait de l’effet Obama ? »
Nouveau signe de la décadence ambiante que cette question incontournable et non contournée. Soyons lucide : nos journalistes font consciencieusement leur travail de publicitaires ; nos gouvernants, consciencieusement leur travail de sape du réel.
Après des semaines de peopolisation du candidat Obama, jusque dans nos bras, nous n’avions rien à attendre d’autre que l’intensification pathologique de cette propagande festive et dégoulinante. Au lendemain de son élection, la question qui agitait nos neurasthéniques du bocal n’était-elle pas : « La France est-elle prête pour un Président noir ? »

De grandes questions qui méritaient d’être posées… De grandes questions qui devaient être posées par nos mignons en laisse, tant on veut nous donner l’image d’une France à la traîne, encombrée qu’elle est par toute sa clique d’arriérés réacs, racistes et nostalgiques de leur passé colonial, j’ai nommé le petit peuple français, et tant la France, et c’est valable pour les autres pays du bloc des développés, a droit à sa part du gâteau festif qu’est l’élection de Barack Obama, incarnation réalisée de l’espoir libéral, visage ultime du progrès en mouvement, potentiel performatif (terminal ?) des lendemains lilibobo… Obama c’est Restore Hope et Heal the World à la fois ! Le vrai bull de Chicago… Pour nous, le vrai bal des horreurs en kaléidoscope… Casse la Barack Obama !


La colombe de la paix est noire !


Et aux images de liesse des noirs américains ont répondu les images de liesse de nos français « issus de la diversité », criant à qui mieux mieux qu’ils avaient gagné. Apparemment, après des années de martelage idéologique à grand renfort de séries TV et films puritains pseudo engagés, l’afroaméricanité est devenue transfrontalière… Un précipité révélateur du niveau de rancœur ambiant, résultat d’une manipulation d’envergure tendant à fragmenter le peuple, en alimentant notamment les sentiments victimaires des communautés, à terme, devant immanquablement virer virulentes et revanchardes… Que les afroaméricains prennent le progrès de cette élection au pied de la lettre est très compréhensible à l’aune de l’histoire d’un pays qui s’est construit sur la ségrégation. Pour le reste, c’est une nouvelle preuve de la désagrégation de la Nation française... Que Joséphine Baker est loin…


Obama au plus haut des cieux


Tout le monde en croque du Obama ! Au bas mot… Faut dire qu’il est séduisant, beau même ! Il plaît à tous : les femmes, les gays, les noirs, les arabes, les jaunes, enfin tout le gratin des communautés uniformisées par le label « opprimé par l’homme blanc », et les bobos et prolos en prime ! Interrogez-les sur sa politique et vous aurez droit au même argument repoussoir : Obama est noir et son élection constitue une progression indéniable. Mais Obama, c’est pas l’Olabama. On dirait qu’y a méprise…
En somme, l’expression même de la réduction de la politique au tout à l’ego, selon l’expression consacrée par Régis Debray. La postmodernité n’a jamais vu pareil outil marketing. Sa puissance est extraordinaire. Son champ d’action est mondial. Ce Président des Etats-Unis n’est plus seulement le Président du monde libre : il est le Président du Monde, le cinquième élément. Et il arrive en pleine fausse crise identitaire du capitalisme. Le rédempteur est dans la place. Le tour de force est tout simplement inconcevable d’habileté. Pensiez-vous réellement que le sosie du docteur Denfer avait la moindre chance ? Mordez-vous encore au simulacre des suffrages et à l’illusion de l’alternance ? Pensez-vous toujours que le capitalisme ait manqué de capituler ? De quoi sourire de toutes ses dents en crocs…

Revenons-en à nos tristes jongleurs et joueurs de djembé conceptuels locaux, nos obscurantistes jouant si bien sur notre théâtre des opérations de leur poursuite dégénérée, mais toujours aveuglante, héritée des Lumières : « La France est-elle prête pour un Président noir ? » nous demandent-ils, ou plutôt, se demandent-ils entre eux… A savoir, la France est-elle enfin disposée à progresser ? La France est-elle prête à cesser de rabâcher son passé colonial ? Est-elle prête à tout offrir aux enfants des enfants des enfants de ses enfants naturels, quand elle baisait à tout va, au bon vieux temps de l’Empire ? Les enfants des enfants des enfants des enfants des colons oppresseurs vont-ils enfin s’acquitter de leurs dettes, de ces fautes transmises par la seule couleur de peau ? L’homme blanc de France va-t-il enfin expier ses péchés ? Adjurer à la fucking fin ?! Voici en filigrane les questions réellement posées. L’empire colonial, c’est un peu notre chute laïque du jardin d’Eden… Et quel est leur enjeu ? Diviser la masse aliénée en culpabilisant les uns et en apprenant aux autres à pratiquer la politique du dû. Une technologie de division pour le contrôle imparable… On opprime toujours mieux du côté du manche humanisto-progressiste... Sentez-vous la bonne odeur de caution ? Vous met-elle en appétit ? Les journalistes font encore une fois la preuve de leur soumission totale à leurs grands patrons. Véritables petits kapos…
Nouvelle illustration avec cette fameuse question au sujet de la nomination de Pierre N'Gahane, posée à Rachidati, notre alibi maison en matière de promotion de l’égalité des chances, notre symbole le plus abouti de l’intégration professionnelle des minorités par le mérite, dont la réponse a été relayée dans tous les médias : « Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy ait compté sur un quelconque effet en quoi que ce soit et de quiconque pour pouvoir faire ces actions volontaristes pour que l'élite, pour que la France d'en haut ressemble à la France d'en bas. C'est une politique volontariste d'intégrer une population qui au départ de la vie a plus de difficultés, c'est d'aider beaucoup plus ceux qui ont beaucoup moins au départ. Regardez son gouvernement, je crois qu'on semble l'oublier. Peut-être qu'Obama s'est inspiré du gouvernement français. »
Nous passerons sur l’incurie crasse de Rachida Dati, qui, voulant faire un bon mot et courtiser son Sire (alexandrin, in your face), ne fait au mieux que mettre en exergue ses propres lacunes en matière de droit constitutionnel américain (en insultant au passage la souveraineté de tout un peuple), et au pire, nous révéler la réalité du simulacre de la Démocratie à la sauce libéraliste… En revanche, nous ne passerons pas sur ce que sa pratique impeccable de la communication ne lui a pas fait réaliser : qu’elle entérine par sa réponse la pratique de la discrimination positive en France. Rien d’anormal à cela. Elle-même en est le produit éclatant et tapageur. La nomination de Pierre N’Gahane est-elle le fait de l’effet Obama ? En distordant un peu la question : Pierre N’Gahane a-t-il été nommé parce qu’il est noir ? En distordant un peu plus : a-t-il été nommé parce qu’il répond au profil obamiste d’ouverture et de progressisme ? A-t-il été nommé pour que notre Président et sa cour puissent récolter les fruits du buzz médiatique obamesque ? Rachida Dati, gardienne des sceaux de la République, ne fait pas autre chose que répondre par l’affirmative (Action !) à ces questions sous-jacentes, certainement non appréhendées, à sa décharge, par l’encarté du 4ème pouvoir… Comment répondre à des questions qui n’étaient pas posées mais qui réellement se posaient. Pauvre bichette…


Rachida Dati drapée dans la dignité de sa fonction


Il faut dire qu’elle est au diapason de tous les techniciens du néo secteur de la promotion de la diversité et de l’égalité des chances. Tous se prennent toujours les pieds dans le tapis de la discrimination positive. C’est inéluctable : cette promotion est par essence discriminatoire…

Qu’est-ce que la promotion de la diversité ? C’est un concept, fils au vocable édulcoré de la lutte contre la discrimination. Une sorte de lutte contre la discrimination à bac + 2… Quant à définir l’égalité des chances… Cette expression a de quoi vous laisser coi.
Nous ne flashbackerons pas vers les 80ies, marche des beurs, SOS Racisme et tutti quanti. Nous ne nous étendrons pas non plus sur la dernière génération des mécanismes institués en la matière, telle la haute autorité administrative indépendante créée tout spécieusement pour elle (HALDE)…La rhétorique de la promotion de la diversité et de l’égalité des chances est aujourd’hui partout. Notamment dans le secteur des RH ; l’année même de la création de la Halde, une Charte de la diversité fut réalisée. Elle compte à ce jour 1 500 entreprises signataires dont l’élite du CAC. Une signature qui engage, assurément et leur permet probablement plus sûrement de continuer leur petite cuisine nauséabonde à l’abri de quelques actions d’éclat. La diversité est avant tout une question d’image. La diversité, c’est un business.

La première loi du libéralisme est : « Là où il y a un marché, il y a un business. » C’est aussi con que ça la promotion de la diversité, une fois qu’on l’a dépouillée de ses colifichets humanistes et de ses guirlandes compassionnelles.
La preuve ? Les forums pour l’emploi et les cabinets de recrutement spécialement dédiés à la diversité se multiplient (APC Recrutement qui s’est divisé en sainte trinité : Mozaïk RH et RHDI), avec à leur tête, des businessmen qui sont là pour occuper le terrain, prendre leur part de marché, et faire progresser leurs petites causes individuelles (Karim Zéribi, créateur d’APC recrutement après son passage à l’Intérieur, et chargé de l’égalité des chances auprès de la direction de la SNCF, n’était-il pas sur la liste PS de Guérini, lors des dernières élections municipales à Marseille ? Yamina Benguigui n’est-elle pas devenue l’adjointe au maire de Paris chargée de la lutte contre toute forme de discrimination après avoir considérablement exploité le filon de la discrimination, et notamment à l’embauche, dans son film Le plafond de verre ?).


Une femme intégrée


Le fait est que les hérauts de la diversité sont à double face, charognards bien en place dans le système qui, non contents de s’arroger le droit de parler pour toute une population, alimentent sa stigmatisation par des discours pathologiques et paternalistes (cf la réponse de Dati aux relents de conte de Grimm) prônant la discrimination positive comme seul expédient envisageable pour lui offrir une issue, ne lui permettant ainsi jamais de sortir la tête de l’eau, la rejetant toujours plus avant dans une perception de soi victimaire, assistée et communautaire, en somme dans le repli reptilien, avec en potentiel pour corollaire, la non adhésion aux valeurs de la République française, leur rejet même.
La promotion de la diversité et de l’égalité des chances n’est ni plus ni moins qu’un instrument de division qui légitime par son existence même la discrimination. Créer les outils ad hoc de lutte contre la discrimination, c’est lui faire allégeance, reconnaître que « c’est comme ça » comme on dit, que c’est une fatalité. Mais les consciences n’ont pas attendu tout cela pour évoluer. Cela prend du temps certes, mais ça avance. Et bientôt les champions de la diversité viendront récolter leurs lauriers aux tribunes…
Il est plaisant de voir et lire les techniciens de la diversité se défendant de faire de la discrimination positive. Il est jouissif de les voir s’empêtrer dans leurs fumeuses et vaines argumentations, de les voir tenter l’impossible. Tous disent vouloir « remettre les compétences au premier plan » et affirment que « le talent n’a pas de couleur » à l’instar de Yamina Benguigui. En effet. Mais comment ces justes déclarations peuvent-elles se concilier avec leurs actions positives en faveur des profils issus de la diversité ? Double bind. En quoi l’assertion qu’une entreprise doive ressembler à sa clientèle cosmopolite, multiethnique, multiculturelle, recoupe-t-elle parfaitement leur déclaration de bonne intention de remettre les compétences au premier plan ? Double bind.
Mis devant leurs contradictions, pas un n’échappe au recours statistiques, ultime rempart de leur hypocrisie. Oui, les jeunes issus de la diversité connaissent un taux de chômage effroyablement supérieur aux autres. Mais que prouvent ces stats ? Prouvent-elles la discrimination ? Incontestablement. Prouvent-elles leur compétence ? Assurément non. Faire parler les stats comme des cowboys un six coups est certes un atavisme de communiquant, mais que nous racontent ces stats ? Prennent-elles en compte des paramètres tels que la construction d’une personnalité selon les bases d’une idéologie victimaire impliquant le dû, doublée d’une inconscience d’encore croire qu’un diplôme universitaire à bac + 5 vous ouvre en grand les portes du marché du travail, qu’il vous fournit des bases rhétoriques suffisantes pour affronter le monde du travail, impliquant un dû à l’exposant du dû ? Leur crise est avant tout sociale.

Dans le traitement de la publicité qui nous intéresse, les scribouillards ont eux-mêmes assuré le show discriminatoire, l’effective promotion de la diversité, ne mettant en avant que les origines camerounaises et la couleur de Pierre N’Gahane. Qu’il soit docteur ès sciences de gestion n’est pourtant pas anecdotique… Et qu’il ait été promu dans un premier temps préfet délégué à l’égalité des chances dans les Bouches-du-Rhône par Nicolas Sarkozy en 2007, alors premier flic de France, poste créé pour rappel au lendemain des émeutes de 2005, l’est encore moins. Manipulation et opportunisme… Opportunisme, et la réception un ou deux jours avant la nomination d’N’Gahane de l’ami Lozès à l’Elysée, Président du Conseil Représentatif des Associations Noires. Comme on fait son trou on s’couche… Le manichéisme deviendrait pour un peu machiavélique…

C’est dur pour les profils issus de la diversité, oui, certes. Mais c’est dur pour tout le monde, et au premier qui cite Coluche, je sors mon révolver… C’est dur pour tout le monde et ça n’ira qu’en s’intensifiant…

Les néons éclairant le néant de notre société marchande ne donnent à voir que ces vers de Baudelaire : « Et hue donc ! bourrique ! Sue donc, esclave ! Vis donc, damné ! » L’égalité réalisée.

11 commentaires:

  1. En voilà une entrée en fanfare!!!

    Putain de merde, ce texte est bon!
    Il me fait penser à du feu Christ-Off.

    Je ne te parle même pas du Grenelle de la diversité...

    Babeth a aussi écrit là-dessus.

    http://www.causeur.fr/le-prefet-etait-en-noir,1312

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  2. Bel instantané de la situation actuelle.

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  3. Bienvenue Lé(s)tat!
    Et tout de suite, une remarque: j'ai mieux compris les milliers de mots de ton article introductif -très bon par ailleurs)que le seul mot formant ton nom...

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  4. Jeu de mot entre l'état et Lestat, le vampire cocorico de la gothique Anne Rice... Je me trompe?

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  5. merci à tous pour l'accueil. Quant à mon pseudo, Monsieur K, vous êtes dans le vrai.
    En sus, vous m'avez trouvé une gentille épitaphe, qui ne tardera pas à veiller sur mes diurnes nuits.

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  6. Ce qu'il faut critiquer c'est moins obama que l'obamania. Voici pour discuter contre l'obamania quelques arguments : destextes.monblogue.branchez-vous.com

    AA

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  7. Avant de proposer de discuter, aie la décence de lire les textes que tu commentes. C'est pas une critique d'Obama cet article. Encore moins une critique de l'Obamania. C'est une critique de la promotion de la diversité.

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  8. A mon avis ce triste sire est déjà parti coller sa pub un peu plus loin.

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  9. on sait enfin avec quelles informations et garanties N'Gahane est ressorti de l'Elysée : les statistiques ethniques et un commissaire à l'égalité des chances !
    Et Sarko qui nous dit monter au front de la lutte contre la discrimination, avec ses quotas, en se défendant de promouvoir la discrimination positive...
    Quitter ce pays de merde! Oui, c'est entendu, mais pour où ?

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  10. Un commissaire politique... et dire qu'on avait Boudarel sous la main, c'était un vrai pro lui.
    Dommage qu'il soit mort, il aurait pu aider au triomphe de la France d'après.

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  11. Boudarel ? On se rappellera donc que depuis lui, les crimes contre l'humanité sont inamnistiables...

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