28 juin 2008

Eurominority


Comment? Vous ne connaissez pas le site "Eurominority"? C'est le portail des Nations sans État et des minorités européennes.

Les esprits éclairés et progressistes d'Eurominority (titre anglais, c'est pas minoritaire tout ça) n'ont pas supporté la sage décision du Sénat. En effet, les sénateurs ont voté à la majorité de 216 voix contre 103 un amendement demandant le retrait de la référence aux langues régionales dans l'article 1 de la Constitution.

Alors, Eurominority financée par l'Euroland est en colère contre ces fachos de francophones. Contre l'Académie française, le sénateur Jean-Pierre Fourcade et surtout François Taillandier, qui a analysé dans une tribune récente les revers de la médaille d'une cause prétendument "sympa":





Langues régionales : l'arrière- plan d'une cause «sympa»



François Taillandier, écrivain, auteur d'«Une autre langue» s'interroge sur cette tentation d'accorder un statut constitutionnel aux langues régionales. Il prône au contraire un encouragement de la francophonie.

On peut espérer que le vote des députés visant à entériner dans la Constitution l'existence des langues régionales sera une affaire enterrée après le refus du Sénat. Provisoirement du moins, et c'est pourquoi il faut y revenir : car les pressions exercées en ce sens ne cesseront pas, et le comportement de nos élus en cette affaire a donné une pénible impression d'irresponsabilité, pour ne pas prononcer un mot plus grave. Tout s'est passé comme si, en évitant soigneusement de préciser à quoi l'on s'engage, on s'était à la fois dédouané et donné les coudées franches, au moyen d'une formule apparemment innocente, mais qui tient de la boîte de Pandore ou de la bombe à retardement.

Un sondage, réalisé pour Ouest-France, révèle que 68 % des Français sont favorables à la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales. On voit bien comment joue ici le caractère «sympa» d'une telle mesure, toute revendication minoritaire étant désormais affectée a priori d'un coefficient de légitimité irréfragable. On voit aussi comment la cause est entendue avant d'être étudiée. Le Sénat et l'Académie, avec la complicité souriante du média qui en rend compte, sont présentés comme des «assemblées de Gérontes». La stigmatisation âgiste, gentiment odieuse, sert opportunément à ne pas examiner leurs arguments.

Nos 68 % de compatriotes (dont il est évident que pas un sur cent ne pratique une desdites langues) ne se demandent pas pourquoi ils jugent si progressiste et novatrice cette reviviscence des pittoresques disparités de l'Ancien Régime, qu'ils honnissent tant par ailleurs, voire des rêves pastoraux du Maréchal. Ils ne se demandent pas de quelles revendications futures elle est porteuse, ni quelles conséquences pourrait avoir une officialisation des langues régionales dans le fonctionnement de l'administration et de la justice. Ni (comme l'a souligné le sénateur J.-L. Mélenchon) quelles autres «reconnaissances» de toutes sortes d'identitarismes et de communautarismes s'en autoriseront.

Ils ne se demandent pas non plus ce qui se profile derrière cette revendication. On ne peut pas leur en vouloir, mais on a le droit de dire qu'ils sont mal informés. Or l'information existe. Dans un essai intitulé «La Bataille des langues en Europe» (Bartillat, 2001), Yvonne Bollmann a décrit une politique ethniciste, qui remplace la citoyenneté par l'héritage de la terre et du sang. Il faut savoir que les idéologues de cette tendance font leurs comptes (tant de Basques, tant d'Auvergnats…) et n'hésitent pas à mettre les juifs à part.

Je n'ignore pas qu'il existe de sincères défenseurs de langues que la modernité (et pas seulement en France) voue à mourir. Il est tout à fait nécessaire d'aider ceux qui veulent les conserver, les étudier, et surtout créer dans ces langues, faute de quoi elles ne seraient qu'objets de musée.

Oui, il faut des associations, des bibliothèques, des programmes universitaires. Il faut l'exercice concret de libertés. Pas des principes abstraits. Donnera-t-on demain au basque, au catalan, au breton ces heures d'enseignement, ces postes que l'on s'obstine à retirer au latin et au grec deux langues anciennes qui constituent le socle historique et culturel de la maison Europe ? Faut-il constitutionnaliser le grec et le latin ? Si l'on veut aller par là, ils le mériteraient bien autant.

Singulier paradoxe d'une opinion autoproclamée progressiste qui ne cesse de flétrir le repli et le chauvinisme et veut à tout prix nous inclure dans des micro-identités ! Si nos élus veulent mener une politique linguistique à la hauteur des enjeux du temps, donnons-leur de meilleures idées. Une France qui voudrait se relier au monde commencerait par renforcer les liens de la francophonie. M. Hervé Bourges a récemment fait à ce sujet des propositions qu'il faudrait approfondir, discuter, utiliser. Ensuite, elle mènerait une vigoureuse promotion des langues étrangères. Tout jeune Français devrait apprendre une des langues de l'Union, ainsi qu'une des grandes langues véhiculaires (l'espagnol, l'anglais). La France du XXIe siècle aura également un besoin vital de gens qui parlent, par exemple, le chinois ou l'arabe.

Nous avons la chance immense d'avoir ici des immigrés provenant de ces langues, ô combien porteuses d'histoire, de culture et d'actualité. Leur proposer une intégration linguistique efficace devrait aller de pair avec la reconnaissance de la richesse qu'ils détiennent. Pour cela, nous avons besoin d'une langue française s'affirmant sans complexe, c'est-à-dire sans mépris ni ressentiment. Allons, Messieurs les parlementaires, vous avez du travail !

3 commentaires:

  1. Très bon texte. On rêve en pensant à des députés qui, au lieu de foutre le paquet sur l'apprentissage des langues étrangères (des vraies!), pondent une loi TF1 sur le parler de nos putains d'ancêtres! "Lou pescadou" au lieu de "le poisson", tu parles d'un programme! Affaiblissant la francophonie depuis son centre, ces imbéciles contribuaient encore plus au morcellement de l'unité nationale, à l'ethnicisme, au racialisme, au communautarisme langagier. Quand deux associations d'aigris auraient obtenu que la patois breton soit utilisé en Bretagne, on aurait bientôt eu droit au chinois dans le XIIième arrondissement de Paris, au yiddish dans le Marais, à l'italien sur les quais de Grenoble.
    On n'aurait plus parlé français qu'ici, au CGB !

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  2. Les résultats de ce sondage illustrent plus d'une profonde méconnaissance des fonctions d'une langue nationale qu'un effet de la Com. La plupart de nos compatriotes n'ont aucune conscience de la cimentation d'une communauté nationale par la langue. D'ailleurs, ils ne savent même pas l'influence qu'elle joue sur l'esprit. On ne peut pas tout remettre sur la Com qui a ses limites. D’ailleurs souvent, elle s’efface devant la connaissance d’un sujet quelconque. Nos sénateurs ont peut-être ralenti un processus européen pernicieux, mais ils ne peuvent lui donner un coup de grâce que par le soutien des Français dont il faudra être pédagogue avec. On ne peut pas dire que les sénateurs font des efforts dans ce sens.

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  3. Ah bah oui mais quand on est à la fois anti-progressiste et anti-jacobin, ET qu'on parle basque et occitan, ET qu'en plus on ne veut pas "se relier au monde".
    On fait quoi ?

    On les emmerde.
    Bref tout ça c'est méconnaître incroyablement les revendications, notamment du mouvement occitan, à la fois multi-culturelles (et non pas métissage), anti-régionalistes, anti-universalistes, anti-localistes, anti-centralistes, anti-anti. Haha.
    "À Arnaud Bernard, nous recevons le Monde. D'Arnaud Bernard, nous parlons au Monde". Comme dirait certains toulousains.

    Vous (par l'intermédiaire de l'article copié) parlez facilement de "com", et donc c'est facile de critiquer ce genre de connerie.
    Bien plus difficile de critiquer la complexité des écrits de Castan en revanche.

    Henri Meschonnic lui niquerait sa race à ce Taillandier. Qu'il vienne débattre réellement au Forom des Langues de Toulouse.

    Comme je l'ai déjà dit sur un autre sujet. C'est toujours plus facile de critiquer quand on institue en habitude l'approximation (et donc facile d'apostropher ensuite "haha bobos haha", "haha plan de com haha", "haha progressistes haha").

    Attention les choupinets, vous allez finir par ressembler à Finkielkraut et sortir le même discours et les mêmes mots, quelques soit le sujet de la discussion (tout en criant contre la médiocrité...).

    Bisous !
    :-D

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