18 mai 2008

Mai 68, une révolution pour rien?


Le CGB continue d'explorer le mythe galvaudé de mai 68. Cette fois-ci en exposant l'avis des "altersoixanthuitards" c'est à dire de ceux qui ont vécu différemment mai 68 sans pour autant être radicalement hostiles au mouvement, voici celui d'Alain de Benoist:




Mai 68 : une révolution pour rien ?


Alors que les barricadiers du "joli mois de mai" ont aujourd’hui l’âge d’être grands-pères, la commémoration de Mai 68 est de retour, avec sa marée de livres et d’articles. La France a le secret des révolutions courtes. Celle-là n’a pas échappé à la règle. A-t-elle inauguré ou simplement accéléré une évolution inéluctable de la société ? Fut-elle un psychodrame ou une "mutation" ? Et qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

La commémoration de Mai 68 revient tous les dix ans, avec la même marée de livres et d’articles. Nous en sommes au quatrième épisode, et les barricadiers du "joli mois de mai" ont aujourd’hui l’âge d’être grands-pères. Quarante après, on discute toujours pour savoir ce qui s’est exactement passé durant ces journées-là – et même s’il s’est passé quelque chose. Mai 68 a-t-il été un catalyseur, une cause ou une conséquence ? A-t-il inauguré ou simplement accéléré une évolution de la société qui se serait produite de toute façon ? Psychodrame ou "mutation" ?



La France a le secret des révolutions courtes. Mai 68 n’a pas échappé à la règle. La première "nuit des barricades" eut lieu le 10 mai. La grève générale se déclencha le 13 mai. Le 30 mai, le général de Gaulle prononçait la dissolution de l’Assemblée nationale, tandis qu’un million de ses partisans défilaient sur les Champs-Elysées. Dès le 5 juin, le travail reprenait dans les entreprises, et quelques semaines plus tard, aux élections législatives, les partis de droite remportaient une victoire en forme de soulagement.



Par rapport à ce qui se déroula à la même époque ailleurs en Europe, on note une double différence



La première, c’est qu’en France Mai 68 ne fut pas seulement une révolte étudiante. Ce fut aussi un mouvement social, à l’occasion duquel la France fut paralysée par près de 10 millions de grévistes. Déclenchée le 13 mai par les syndicats, on assista même à la plus grande grève générale jamais enregistrée en Europe.



L’autre différence, c’est l’absence de prolongement terroriste du mouvement. La France n’a pas connu de phénomènes comparables à ce qu’ont été en Allemagne la Fraction armée rouge (RAF) ou en Italie les Brigades rouges. Les causes de cette "modération" ont fait l’objet de nombreux débats. Lucidité ou lâcheté ? Réalisme ou humanisme ? L’esprit petit-bourgeois qui dominait déjà la société est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’extrême gauche française n’a pas versé dans le "communisme combattant".



Deux types d'aspiration totalement différentes se sont exprimées en mai 68



Mais en fait, on ne peut rien comprendre à ce qui s’est passé en Mai 68 si l’on ne réalise pas qu’à l’occasion de ces journées deux types d’aspirations totalement différentes se sont exprimés. A l’origine mouvement de révolte contre l’autoritarisme politique, Mai 68 fut d’abord, indéniablement, une protestation contre la politique-spectacle et le règne de la marchandise, un retour à l’esprit de la Commune, une mise en accusation radicale des valeurs bourgeoises. Cet aspect n’était pas antipathique, même s’il s’y mêlait beaucoup de références obsolètes et de naïveté juvénile.


La grande erreur a été de croire que c’est en s’attaquant aux valeurs traditionnelles qu’on pourrait le mieux lutter contre la logique du capital

La grande erreur a été de croire que c’est en s’attaquant aux valeurs traditionnelles qu’on pourrait le mieux lutter contre la logique du capital. C’était ne pas voir que ces valeurs, de même que ce qu’il restait encore de structures sociales organiques, constituaient le dernier obstacle à l’épanouissement planétaire de cette logique. Le sociologue Jacques Julliard a fait à ce propos une observation très juste lorsqu’il a écrit que les militants de Mai 68, quand ils dénonçaient les valeurs traditionnelles, "ne se sont pas avisés que ces valeurs (honneur, solidarité, héroïsme) étaient, aux étiquettes près, les mêmes que celles du socialisme, et qu’en les supprimant, ils ouvraient la voie au triomphe des valeurs bourgeoises : individualisme, calcul rationnel, efficacité ».



Mais il y eut aussi un autre Mai 68, d’inspiration strictement hédoniste et individualiste. Loin d’exalter une discipline révolutionnaire, ses partisans voulaient avant tout "interdire d’interdire" et "jouir sans entraves". Or, ils ont très vite réalisé que ce n’est pas en faisant la révolution ni en se mettant "au service du peuple" qu’ils allaient satisfaire ces désirs. Ils ont au contraire rapidement compris que ceux-ci seraient plus sûrement satisfaits dans une société libérale permissive. Ils se sont donc tout naturellement rallié au capitalisme libéral, ce qui n’est pas allé, pour nombre d’entre eux, sans avantages matériels et financiers.



Que reste-t-il aujourd'hui de ces aspirations ?


Ceux qui voulaient entamer une "longue marche à travers les institutions" ont fini par s’y installer confortablement

Installés aujourd’hui dans les états-majors politiques, les grandes entreprises, les grands groupes éditoriaux et médiatiques, ils ont pratiquement tout renié, ne gardant de leur engagement de jeunesse qu’un sectarisme inaltéré. Ceux qui voulaient entamer une "longue marche à travers les institutions" ont fini par s’y installer confortablement. Ralliés à l’idéologie des droits de l’homme et à la société de marché, ce sont ces renégats qui se déclarent aujourd’hui "antiracistes" pour mieux faire oublier qu’ils n’ont plus rien à dire contre le capitalisme. C’est aussi grâce à eux que l’esprit "bo-bo" ("bourgeois-bohême", c’est-à-dire libéral-libertaire) triomphe désormais partout, tandis que la pensée critique est plus que jamais marginalisée. En ce sens, il n’est pas exagéré de dire que c’est finalement la droite libérale qui a banalisé l’esprit "hédoniste" et "anti-autoritaire" de Mai 68. Par son style de vie, Nicolas Sarkozy apparaît d’ailleurs, le tout premier, comme un parfait soixante-huitard.



Simultanément, le monde a changé. Dans les années 1960, l’économie était florissante et le prolétariat découvrait la consommation de masse. Les étudiants ne connaissaient ni le sida ni la peur du chômage, et la question de l’immigration ne se posait pas. Tout semblait possible. Aujourd’hui, c’est l’avenir qui paraît fermé. Les jeunes ne rêvent plus de révolution. Ils veulent un travail, un logement et une famille comme tout le monde. Mais en même temps, ils vivent dans la précarité et se demandent surtout s’ils trouveront un emploi après leurs études.


L’histoire de Mai 68 fut celle d’une passion qui s’est dissoute dans le jeu des intérêts

En 1968, aucun étudiant ne portait de jeans et les slogans "révolutionnaires" qui fleurissaient sur les murs ne comportaient aucune faute d’orthographe ! Sur les barricades, on se réclamait de modèles vieillis (la Commune de 1871, les conseils ouvriers de 1917, la révolution espagnole de 1936) ou exotiques (la "révolution culturelle" maoïste), mais au moins militait-on pour autre chose que pour son confort personnel. Aujourd’hui, les revendications sociales ont un caractère purement sectoriel : chaque catégorie se borne à réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. "Deux, trois, plusieurs Vietnam !", "Mettre le feu à la plaine", "Hasta la libertad, siempre !" : cela ne fait évidemment plus battre les cœurs. Plus personne ne se bat plus pour la classe ouvrière dans son ensemble.



Le sociologue Albert O. Hirschman disait que l’histoire voit alterner les périodes où dominent les passions et celles où dominent les intérêts. L’histoire de Mai 68 fut celle d’une passion qui s’est dissoute dans le jeu des intérêts.

1 commentaire:

  1. rien à foutre !
    On le sait bien que Mai 68 est une révolution d'opérette comparé aux révoltes sud américaines.On s'en branle du romantisme révolutionnaire l'important se sont
    les accords de Grenelle : mensualisation des salaires, hausse de 35% du SMIG.Quand on vient d'un milieu ouvrier, on oublie pas ça! ça change tout :après Mai 68, tu manges du bifteck.ALORS ON EST BIEN CONTENT QUE LA PASSION SE SOIT DISSOUTE DANS LE JEU DES INTERETS. on emmerde les romantiques et aujourd'hui on vote à droite.

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