23 mai 2008

Clair Académie


On n'a pas l'habitude au CGB de saluer l'élection d'un nouvel académicien... mais là on fera une exception pour le redoutable Jean Clair qui vient d'être élu sous la coupole au fauteuil de Bertrand Poirot-Delpech.

On vous ne fera pas la biographie habituelle, on vous dira juste que Jean Clair est un homme d'art, un vrai, un passionné... pas un fonctionnaire de la subversion...pas une dame-pipi de la peinture... ni une Amanda Lear de la culture.

Jean Clair est un anti-moderne, un de ceux qui vibre au son des petites patries et du clocher des églises... Il suffit pour ça de lire La Responsabilité de l'artiste (Gallimard, 1997), Malaise dans les musées (Flammarion, 2007) ou son Journal atrabilaire (Gallimard, 2006) dont voici quelques extraits:



Manie des artistes de se dire "artistes vivants" d'appeler les "spectacles vivants". Clameurs d'outre-tombre pour attirer le badaud. En fait cela signifie qui'ls sont déjà morts. Des morts vivants. Tout le monde est un artiste c'est entendu- mais certains plus que d'autres.

Conséquence de la "culture" de communication et des mass media : on confond de plus en plus souvent "populaire" et "célèbre". Les deux termes sont cependant antinomiques.

Et c'est bien le moment de cette inversion du processus culturel et de ce retour violent à la nature qu'on semble aujourd'hui vivre. Ce n'est plus l'enfant que l'on éduque pour guider ses pulsions anales, cannibales, orales ou tout ce qu'on veut, vers un stade génital acceptable pour la société, c'est la mère, devenue la marâtre, la sorcière, qui, libérée de la présence du père, mais tout autant ne supportant pas son absence, retrouve la possibilité d'assouvir sa passion anthropophage.

A la fin des années 50, adolescent, je me plongeais dans Henry Miller difficile encore à trouver. Je me souviens qu'il se faisait de la femme l'image d'un corps foisonné, dense comme un fouilli végétal, giboyeux bosquet, forêt dans laquelle il fallait doucement entrer avant de saisir l'animal qui palpitait au fond. (...)

Formé à cette économie primitive de ceuillette et de chasse, je n'ai guère aimé cette économie de marché qui s'est developpée à partir des années 90 imposant un vagin calibré et un pubis homologué, taillé raz sur un corps sans secret ni odeur, comme la peau rare et rose d'un animal d'appartement. Pourquoi cette manie de tout raser, cette furie anti-physis ? Ignominie des femmes que l'on tondait à la Libération(...)Tentation de copier les vainqueurs qui apportaient la mode de la nuque rasée en même temps que l'efficacité technique du matériel? (...) Plus de poils, plus de voile, plus d'intimité. (...) Monde désexualisé alors même qu'il se prétend, mieux que tout autre, libéré.

7 commentaires:

  1. dire qu'il était opposé à Pierre Bergé...
    sinon, oui, on pourrait enfin penser qu'il se passe quelque chose chez les immortels..

    RépondreSupprimer
  2. Ca c'est une vraie bonne nouvelle.

    Son journal d'un atrabilaire est particulièrement touchant. Notamment il écrit tout un passage sur ses origines familiales très modestes où il compare ceux qui ont vécu dans une famille pauvre à ceux qui ont vécu au front durant la guerre : ils n'en parlent pas et il existent entre eux une sorte de camaraderie muette. Il finit en écrivant qu'il n'a jamais été rassuré.

    Je trouve cette remarque particulièrement juste. Il y a entre ceux qui ont vécu une enfance pauvre une sorte de compréhension tacite quelque soit le niveau social qu'ils ont atteint ensuite, leur opinion politique, etc. Il y aussi chez eux une peur d'y retourner.

    Cette comparaison est de la vraie bonne littérature.

    RépondreSupprimer
  3. Le pire serait-il derrière nous ?

    RépondreSupprimer
  4. Voilà une bonne nouvelle. Je ne connaissais pas cet écrivain, je vais tâcher de le lire.

    RépondreSupprimer
  5. Pas tout à fait d'accord, Todo, sur la peur des enfants de pauvres de retourner à la pauvreté. Il arrive bien souvent, peut-être selon son caractère, qu'un enfant ayant connu la pauvreté y ait aussi appris la façon de se passer de tout, ou de se satisfaire de peu. Même si beaucoup d'enfants de pauvres plongent dans le consumérisme le plus beauf, il arrive que d'autres utilisent cette expérience pour relativiser cette fameuse pauvreté, aussi impressionnante de loin que la grande richesse, d'ailleurs.

    RépondreSupprimer
  6. Ca n'est pas contradictoire : se satisfaire de peu alors qu'on pourrait se procurer beaucoup est une forme de crainte d'avoir à manquer un jour et ce qui n'est pas consommé est épargné. Le enfants de pauvres qui donnent dans la consommation sont souvent issus de familles pauvres mais qui sacrifient l'essentiel à l'accessoire. Exemple on bouffe des patates à l'eau pour payer la traite du 4X4. Je parle de vrai pauvres ceux qui n'envisagent même pas l'accessoire.

    En fait les vrais fils de pauvres vouent un culte exclusif à Malthus dont la pensée a été caricaturée mais dont la philosophie en ces temps de décroissance subie ou espérée, de baisse des naissances va bien vite revenir à la mode. Même son relatif mépris envers les pauvres nous réjouit.

    RépondreSupprimer