20 septembre 2007

Useful idiots

Tudieu! La littéraire française n'est pas au bout de ses surprises, et ceux qui à l'instar de votre Anarque le plus dévoué jettent régulièrement sur sa dépouille agonisante un oeil scrutateur et inquiet ne le sont pas plus! La dernière en date, tout compte fait très prévisible, m'a été dévoilée par un billet sarcastique du génial traducteur Claro. Je vous la livre telle quelle : dans notre paysage culturel quasi-moribond, un nouveau groupe d'écrivains français, que dis-je! un nouveau mouvement littéraire est né! Avec manifeste à l'appui et tout le décorum! Enfin... pour l'instant, ces humbles Artistes tout nimbés de génie n'ont pas daigné aller plus loin que le terme "collectif", mais on sent que le coeur y est! La preuve, ils ont même une photo officielle! Sans plus tarder, je la dévoile à tes yeux fébriles, impatient lecteur.




Ils sont dix, mais ils ont la gniaque pour cent - as-tu noté, ami lecteur, l'implacable, l'impressionnante détermination se dégageant du regard de celui qui trône nonchalamment au centre de cette digne assemblée? -, ils sont jeunes, ils sont "black-blanc-beur" et ils ont nom solennel : collectif "Qui fait la France". Tout un programme!... que les Inrockuptibles, inlassables mécènes des talents les plus (com)prometteurs de l'Hexagone, ont paraît-il exposé en leurs pages. Pensez donc! Passer à côté d'une pareille occasion! Rater les derniers poulains de l'incontournable scène littéraire française! Ce serait vraiment déroger à leurs plus intègres préceptes. Ledit manifeste peut cependant être lu, merci Internet, sans passer par cet impayable torchon, ici même. Et quelle gueule de manifeste! Ebouriffant! Quel souffle, quelle audace! Un vent de fraîcheur balaie les lettres de France... Et dire qu'il fut un temps, pas si éloigné, où le dernier vrai groupe littéraire français pouvait naître avec un faire-part comme ça! Mais qui chantera la force des manifestes du temps jadis? Laudator temporis acti, c'est mon péché mignon...

C'est tellement bouffon qu'on peine à croire que quelqu'un ait pu lire ça sérieusement, et plus encore le publier sans s'esclaffer. Mais tout le monde n'a pas l'inoxydable sérieux des Inrocks. Ainsi, il s'est trouvé certains mauvais esprits, outre Claro, pour se gausser de manière peu charitable de ce charabia collégial un rien compassé. Impardonnable trahison, il s'en est même trouvé dans un hebdomadaire pourtant ami de la clique à Bourmeau! Fabrice Pliskin, dont le CiGiBi avait déjà vanté les mérites, a ainsi commis dans les pages du Nouvel Observateur, ô fourberie, l'irrémissible crime d'étriller un peu ces jeunes fanfarons, oh, bien gentiment, pourtant, du bout de la plume, à peine... C'en était déjà trop pour ces messieurs, qui ont jugé bon de répondre tout de go à l'outrecuidant confrère. Les guerres ne naissent pas autrement! Une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes? Malheureusement, je crains que personne n'ait les épaules, d'un côté comme de l'autre, pour endosser d'aussi poussiéreux costumes. Toujours est-il que le Nouvel Observateur, repentant, a retiré le texte de Pliskin de sa version en ligne et qu'il faut donc recourir à une copie scannée pour le consulter. Amour de l'inconséquence ou nostalgie du samizdat? Les voies du rédac' chef sont impénétrables...

Mais revenons au concret : ces jeunes néo-naturalistes enragés, auteurs à vingt mains (diable!) d'un recueil de nouvelles paru chez Stock, sorte de Soirées de Médan wesh-style, ont le bonheur de compter dans leurs rangs la déjà fameuse Faïza Guène et le piteux Jean-Eric Boulin. Tous deux n'en sont pourtant pas à leur coup d'essai! Dangereux récidivistes! Boulin avait accouché l'an dernier, sous les hourrahs de la Presse, d'une petite charge très convenue, Supplément au roman national (Stock toujours), sorte de pamphletcule dérisoire et maladroit. Quant à Faïza Guène, inoubliable auteur de Kiffe kiffe demain, elle avait pourtant déjà été rappelée à l'ordre de manière très judicieuse par ce taquin de François Taillandier dans un billet publié par l'Humanité, alors même que toutes les bonnes âmes n'en finissaient plus de s'esbaudir devant cet audacieux "roman". Mais la fière demoiselle n'a de leçon à recevoir de personne! Autant dire que j'attends avec une impatience non feinte les oeuvres enfantées par un tel collectif, qui semble avoir confondu un peu vite le sacerdoce de l'art avec le catéchisme sociétal... Pour le moment, ça n'a pas l'air brillant, mais hé! je ne demande qu'à me tromper. Peut-être se trouve-t-il dans cet folle équipée un espoir inattendu qui fera mentir mes précédents propos sur la stérilité de l'association écriture & politique!

En attendant ce jour, c'est bibi qui se retrouve bien emmerdé! Moi qui voulais acquérir le troisième volet de La Grande Intrigue de Taillandier, justement, et le Cendrillon de Reinhardt, pourtant publiés eux aussi chez Stock! Amère injustice! Devoir engraisser ceux-là même qui ont pu encourager une telle pantalonnade! A n'en pas douter, les voies de l'édition sont elles aussi obscures aux profanes... A moins que l'on en vienne à penser qu'un grand éditeur n'a pas de politique cohérente? Ah, pardon, on appelle ça "ouverture d'esprit"? Autre temps, autres termes... Non, la vraie question, ce serait : et mon porte-monnaie, il a une éthique, lui? Désolé, bonnes gens, je n'ai pas de réponse à cette angoissante énigme.

12 commentaires:

  1. Excellent article et très bonne plume de notre Veilleur de nuit qui bien loin de nous demander de dormir nous maintient éveillés.

    Sur Boulin j'avais eu un échange avec Atlantis sur ce branleur dans ces colonnes.

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  2. mais ça s'arrêtera quand bordel ?...

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  3. Le site est déjà en rade. C'est clairement bon signe et sans doute révélateur.

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  4. C'est bien, un bon texte.

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  5. Dans la liste des traumatismes que la vie peut infliger à un être humain, je croyais n'avoir échappé qu'à la guerre. Erreur : j'avais échappé à un manifeste LITTERAIRE dont la première phrase est celle-ci :
    "Parce que nous pensons que la France est un pays moderne dont le vivre ensemble s’élabore par le décloisonnement des mentalités, la reconnaissance des souffrances particulières, la mise en récit de sa diversité et de ses imaginaires"
    Si cette prose émanait d'un syndicaliste isolé, on comprendrait. On comprendrait qu'il n'y ait pas eu de relecture, et que les expressions les plus tartes y figurent. On bachote du droit du travail, on se farcit des compte-rendus de réunions paritaires, on écoute les discours de la CFDT et, bon, c'est vrai, on n'a pas le temps de "relire" Proust.
    Mais là, ils sont DIX, ils se disent ECRIVAINS et ils nous pondent... attention... roulement de tambours... trompettes ! une merde !! Un tract d'étudiants en droit (option socio) qui viennent de fêter leur permis de conduire.
    Mais qui sont ces pitres ? Qui sont ceux qui relaient leurs pipis ? Pourquoi s'acharne-t-on à NOUS BRISER LE MORAL ?

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  6. Théodore y a t il un moyen de te joindre ? Si non, ecris nous.

    Merci.

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  7. Postez carrément une note pour annoncer que "Le CGB recrute !", la besogne ira plus vite.

    Bel article sinon, comme quoi ce comité de littérature publique a tout de même un intérêt...

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  8. Si tu ne veux pas engraisser Stock, mon cher Nightwatch...tu peux essayer Scali avec "Le vague à l'âme" de Matthieu Jung.

    Superbe billet.

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  9. Merci sincère les gars pour ces commentaires, ça fait jamais de mal, j'avoue!

    Je note la référence, René, la quatrième de couv' est alléchante. En plus j'aime bien les éditions Scali, qui ont d'ailleurs sorti récemment un Dictionnaire de la littérature à l'usage des snobs et (surtout) de ceux qui ne le sont pas. Dispensable mais intéressant pour qui veut découvrir des références injustement méconnues, comme Bové (Emmanuel, hein...), de Roux, Bierce, Gomez Davila ou Lorrain. Un peu trop "hype" et léger pour être honnête, mais l'initiative est plutôt saine.

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  10. tu m'étonnes qu'il leur faut recruter ! Thenightwatch, ton petit blog est amplement nécessaire à ton exposition...

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  11. Les fils de puteuh ils m'ont censuré ! Moi Makout premier ! Ils z'ont osés ! Tain pourtant pas une insulte venant de ma prose. Demain j'y retourne et je leur dit que je viens de vot'part.

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