26 avril 2007

Terra-Nova

Si vous vous promenez à Londres, près de Saint James Park, vous aurez peut être la chance de tomber, au milieu du fatras des statues patriotiques, sur un émouvant mémorial représentant un homme au regard triste, emmitouflé dans sa combinaison polaire. Sur le piédestal vous pourrez lire ces mots :
Aurions nous survécu que je pourrais écrire des ouvrages entiers dont il serait impossible d'épuiser les richesses sur l'immense courage et l'endurance de mes compagnons qui auraient probablement fait tressaillir le coeur de n'importe quel anglais
Ces derniers mots, le capitaine Robert Falcon Scott les écrira sur un bout de papier avant de mourir avec ses compagnons sous les neiges du pôle sud.

Né le 6 juin 1868 dans le conté du Devon, Robert Scott était le fils d’un brasseur. Il quittera son foyer à l’âge de 13 pour s’engager comme midshipman dans la Royal Navy. Officier ingénieur spécialisé dans les torpilles, il va gravir peu à peu les échelons pour finir capitaine mais finira par se lasser de l’armée.

Le capitaine Robert Falcon Scott


En 1901 et sur la demande de Sir Clements Markham, président de la Royal Geographical Society, Scott va prendre la tête de la National Antartic Expedition à bord du navire Discovery. Il explorera la mer de Ross et baptisera les terres à l’est de la mer de glace du nom du roi d’Angleterre, Edward VII. Ils découvrirent le plateau polaire et pour la première fois au monde, des manchots Empereur furent photographiés. L’expédition se terminera en 1904 mais Scott et ses hommes ne parvinrent pas à atteindre le Pôle Sud. Cela va devenir l’obsession du capitaine qui, une fois retourné en Angleterre va tout faire pour financer une seconde expédition. Cela allait lui prendre huit longues années.

En effet, la population était plus intéressée par le pôle nord et regardait une seconde expédition en Antarctique comme dénuée d’intérêt. Mais Scott qui voulait plus que tout au monde être le premier homme à atteindre le pôle sud, en fit une obsession personnelle et son obstination finit par porter ses fruits. Après s’être marié et avoir eu un fils, Scott s’embarqua sur le navire Terra-Nova avec sa nouvelle équipe en juin 1910.

Le Terra-Nova


En chemin il apprit que le Norvégien Roald Admunsen, qui avait été battu dans sa course pour le pôle nord un an plus tôt par l’américain Robert Peary, avait lui aussi l’intention d’être le premier homme à rallier le pôle sud. Comme Scott, Admunsen s’était gravement endetté pour monter son expédition. Les deux hommes allaient s’engager sans se connaître dans un duel sans merci largement relayé par la presse sous le titre de « la course au pôle sud ».

Roald Admunsen


L’expédition de Scott était largement plus scientifique que celle d’Admunsen et l’anglais emportait avec lui énormément de matériel d’observation et d’analyse dans les domaines de la géologie et de la zoologie. Pour cette raison, et parce que le Terra-Nova, contrairement au Fram, le navire du Norvégien, n’avait pas une coque brise-glace, Scott allait établir son campement sur l’île Ross, à cent kilomètres au nord de celui d’Admunsen.

Après une année entière passée en analyses scientifiques et en édification de postes à vivres le long de la route à suivre, Scott et ses quatre compagnons allaient partir à la conquête du pôle sud. Les quatre camarades du capitaine étaient le lieutenant Henry Bowers, le docteur Edward Wilson, le sergent chef Edgard Evans et le capitaine de l’armée de terre Lawrence Oates).

De gauche à droite : E.Wilson, H. Bowers, R. Scott, E. Evans et L. Oates.



Contrairement au Norvégien, l’Anglais ne croyait pas aux chiens de traîneau groenlandais, et c’est avec de robustes poneys qu’il comptait tracter son équipement. Cette erreur d’appréciation allait coûter cher aux Britanniques.

Les poneys, bien que ferrés à glace, ne cessaient de s’enliser dans la poudreuses et très vite les Britanniques durent se résoudre à les abattre tous. Ils ne gardèrent que l’essentiel de leur équipement et durent tracter leur traîneau à la main. Leur courageuse progression fut épouvantable de fatigue et de souffrances et lorsque les cinq hommes arrivèrent enfin à l’extrême sud de la terre se fut pour y trouver la tente d’Admunsen surmonté du drapeau norvégien.
A l’intérieur, l’orgueilleux Scott entra dans une colère noire lorsqu’il trouva une lettre de son rival le priant de prévenir le roi Haakon de Norvège de sa victoire.
De premier homme à atteindre le pôle sud, le capitaine anglais se voyait relayé au rang de vulgaire postier.

Le corps brisé par la fatigue et le moral par la déception les cinq hommes prirent le chemin du retour. Ils se perdirent plusieurs fois en route ce qui les épuisa d’avantage. Evans, blessé dans une chute et complètement à bout de forces physiques et morales, se laissa mourir aux pieds du glacier Beardmore.
Puis se fut Oates qui, ayant perdu l’usage d’un pied à cause de graves engelures, retarda horriblement la progression de ses camarades qui refusèrent de l’abandonner. Conscient qu’il mettait la vie des ses compagnons en danger il quitta la tente le matin du 17 mars 1912 sous prétexte de faire une promenade. Le blizzard l’avala et jamais son corps ne fut retrouvé. Scott, Wilson et Bowers continuèrent encore un peu.

Dernière lettre de Scott


On retrouva leur tente et leurs trois cadavres sous une congère six mois plus tard. Ils étaient morts à moins de vingt kilomètres du prochain dépôt qui aurait dû leur sauver la vie. Ils laissèrent des journaux, des lettres à leur famille et une note écrite par Scott pour les journaux.


Aurions nous survécu que je pourrais écrire des ouvrages entiers dont il serait impossible d'épuiser les richesses sur l'immense courage et l'endurance de mes compagnons qui auraient probablement fait tressaillir le coeur de n'importe quel anglais.
Nous tiendrons jusqu'au bout mais nous devenons de plus en plus faibles et évidemment la fin ne peut pas être bien loin. C'est vraiment dommage mais je ne pense pas pouvoir écrire davantage.
Robert F Scott, 29 mars 1912.
PS: Pour l'amour de Dieu, prenez soin des nôtres


La nouvelle de la victoire d’Admunsen atteignit l’Europe avant la dépêche annonçant de la disparition de Scott et de ses compagnons. Aussitôt la tragédie devint l’objet d’un deuil national et le journal du capitaine, une fois publié, un best seller. La presse anglaise ne fut pas tendre avec Admunsen qui n’était coupable que d’avoir mieux préparé son expédition.

Mémorial du capitaine Scott à St James Park, Londres

Le Norvégien allait mourir à son tour sous la glace en 1928, dans l’Arctique cette fois, alors qu’il dirigeait une expédition afin de retrouver l’explorateur italien Umberto Nobile.
Les deux hommes devaient périr chacun à une extrémité du globe.



Article illustré par le groupe britannique iLiKETRAINS




8 commentaires:

  1. Mais ces mecs ne dorment jamais! Atlantis es-tu sûr d'avoir judicieusement choisi ton pseudo, Nosferatus n'aurait-il pas été mieux approprié?

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  2. C'est que je bosse de nuit moi monsieur !

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  3. Y a-t-il eu plus noble passion que celle de l'exploration? Dans le genre explorateur frustré des Terres Australes, j'aime aussi beaucoup les aventures de ce mythomane de Kerguelen de Trémarec! Mais je ne connaissais pas la tragédie du Terra-Nova, merci pour cette découverte.

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  4. c'est bon comme un mister Freeze ça.

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  5. Admunsen était un sacré viking, non seulement il fonça à couilles rabattues vers le pôle sud avec pleins de chiens groenlandais,et juste assez de nourriture pour l'allez. Pour le reour c'était simple, presque à vide, il suffisait de tuer quelques chiens de les donner à bouffer aux autres chiens, et au passage se faire un hot dog. Il traversa l'antarctique en sens inverse comme une ballerine. On peut s'extasier sur les souffrance de Scott et ses hommes, mais moi je préfère un patron qui me ramène chez moi, quitte à bouffer du chien. A propos de Scott, ce qu'on nomme gentiment " une erreur d'appreciation" est une gigantesque connerie. L'intelligence du norvégien est bien sûr moins photogénique...

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  6. Tout a fait d'accord avec toi Claudia. La faute de Scott est d'autant plus impardonnable qu'il avait une bonne connaissance de l'Antarctique. Il s'est laissé emporter corps et âme par les sirènes de la gloire. Et ses compagnons avec lui. Il est d'ailleurs assez curieux qu'il est tiré à lui toute la couverture dans cette triste histoire. Mais l'Angleterre aime les héros. Même s'ils sont un peu idiot.
    Cette histoire m’avait grandement touché enfant et je voulais la raconter ici.

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  7. Mon petit poney... mon petit poney...

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