19 décembre 2006

De l'humanité qui s'éloigne


Au CGBi, on vient de trouver la SEULE raison de lire le quotidien bolchévique, L'Humanité: c'est pour les aimables chroniques du grand balzacien François Taillandier.

Amoureux de Borges, prix de l'Académie Française avec Anielka, auteur d'une sublime saga familiale ("La grande intrigue", deux volumes à ce jour) et ami du regretté Philippe Muray, il partageait avec ce dernier la certitude que l'humanité avait muté, qu'elle n'était plus.... A l'ombre des jeunes filles clonées et des cadres à roulettes, ses chroniques sont l'évocation douce-amère des hommes qui s'éloignent (titre de l'un de ses romans) dans le néant festif et barbare.


François Taillandier tout comme feu Philippe Muray ou Benoît Duteurtre sait que seule la littérature et le romanesque peut décrire ce Réel qui nous envahit, nous in-forme et nous dés-in-forme, ce fascisme du divertissement celui dont plus personne ne s'aperçoit comme en témoigne ces passages de son oeuvre magistrale "Les Nuits Racine" ( 1992 - préface Philippe Muray):

" Allons donc! Et la sacro-sainte démocratie, alors, vous en faites quoi? Et puis à quoi bon leur dire ça? Désormais le monde leur appartenait. Tout était fait pour eux, pensé pour eux, prévu pour eux, pour leur bien-être et leur bonne conscience. Par suite, rien de ce qui leur échappait ne serait sauvé. Rien de ce qu'ils ignoraient n'aurait plus ni lieu, ni mémoire en ce monde. Bientôt le monde ne saurait plus de lui-même que ce qui pouvait entrer dans leurs cervelles de poules, dans leurs certitudes étroites, leurs notions primaires, leur esprit informe et paresseux."

" Ce qui lui dilacérait les entrailles, ce qui lui gorgeait d'amertume et de fiel, ce qui l'écrasait sous ce sentiment horrible: n'avoir pas la parole alors qu'on a raison, c'était de voir cette kermesse de moutons, ce conclave de l'ignorance, ce symposium de l'abêtissement général, tourner autour de ses idées à lui, mais volées, repeintes aux couleurs du slogan qu'il faut pour épater les imbéciles, et soulevant autour d'elles tous les échos, tous les bêlements, toutes les clameurs de ce scandale, de cette abomination, de cette désolation du Juste: le succès."

Glaçant et tellement juste.

2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  2. Bon je propose la chose suivante :
    A chaque fois que notre René ecrit Philippe Muray sur ce blog il doit mettre un euro dans une tirelire en forme de cochon. Ensuite on boit tout cet argent à la fin de l'année.
    Vous êtes d'accord ?

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