3 novembre 2006

Christopher Lasch, kalaschnikov de la pensée tiède


Christopher Lasch... Un auteur essentiel dans le guide de survie du CGBi...

Voilà près de deux ans que cet historien américain boycotté par "l’intelligentsia française" opère un retour en grâce.

En effet, qui connaissait ce philosophe-historien américain, malheureusement décédé en 1994 avant que le philosophe-footeux de Montpellier, Jean-Claude Michéa ne réédite ses oeuvres dans la collection qu’il dirigeait "Sisyphe" ? Apparemment personne, si ce n’est Emmanuel Todd qui essaya sans succès d’introduire l’écrit majeur du philosophe "La Culture du narcissisme" au début des années 80.

Ainsi peu de penseurs français (si ce n’est Gilles Lipovetsky, Philippe Muray, Gilles Tordjman) ont pu apprécier durant près de 20 ans la pertinence de ce philosophe.

De sa formation initiale, on connait l’influence de l’école de Francfort (marxisme occidental) et des écrits de Jacques Ellul très présents dans les universités américaines, qui lui ont permis de se prémunir contre le culte béat du progrès. Ce qui lui vaut d’être gracieusement classé par le petit bras armé de Pierre Rosanvallon parmi "les nouveaux réacs" : sa critique du progrès comme l’alpha et l’oméga de toute socièté, l’affirmation que le fameux clivage droite/ gauche n’est qu’un écran de fumée servant les mêmes intérêts (surtout pas socialistes), sa croyance qu’il est primordial de s’inscrire dans l’historicité (importance de la famille, de la terre), son dégoût de l'Etat Thérapeute, son refus du pseudoféminisme des années 60 (cf Les Femmes et la vie ordnaire) et enfin sa description au scalpel de l'individu contemporain fat, autocentré et alexythimique (La Culture du narcissime) font de lui un adversaire désigné pour Monsieur Lindenberg et autres modernolâtres. Or, cette publicité faite par l’ouvrage du professeur de St Denis a eu pour effet un véritable ruée vers Lasch (comme pour la plupart des auteurs mis à l’index), de l’hebdomadaire "Marianne" en passant par les branchouilles de "Technikart" ou le trimestriel droitier "Eléments", tous louent la clairvoyance de ce génie méconnu que constituait l’historien américain.

Et ça marche... Flammarion a racheté Climats et distribue ses oeuvres en poche (Le Seul et vrai paradis),les réédite (La Culture de Narcissisme) ou publie carrément des inédits (Les Femmes et la vie ordinaire).

Pour finir voici un petit florilège

Sur la violence dans les ghettos:


« Ils [les jeunes Noirs] se servent de leur condition de victime comme d’une excuse pour toutes les sortes d’échec et ils perpétuent par là l’une des sources d’échec les plus profondes : la difficulté qu’éprouve la victime à acquérir le respect d’elle-même. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les jeunes Noirs des ghettos, les jeunes hommes en particulier, aient l’obsession du respect et qu’ils pensent qu’un affront à leur honneur - “dissing” qui est la marque ouverte de mépris ou de “manque de respect” [disrespect] - justifie des représailles violentes. Quand on a du mal à avoir du respect pour soi-même, il est tentant de confondre ce respect pour soi-même avec la capacité à provoquer la peur. La sous-culture criminelle du ghetto ne sert pas seulement de substitut à la mobilité sociale, l’argent facile (même avec tous les risques qui lui sont associés) offrant une solution de rechange séduisante aux petits boulots galères, mais aussi de terrain pour faire ses preuves et gagner le respect qui est si difficile à obtenir par les moyens légaux. La canonisation rétrospective de Malcom X peut se comprendre comme la version politisée de cette focalisation déplacée sur la violence, l’intimidation et le respect de soi-même. »

« Politique et race à New York », La Révolte des élites, édit. Climats, 1996, p. 145-146.


Sur l'Etat-Thérapeute:

"L’individu s’y trouve en permanence observé, non par des contremaîtres ou des surveillants, mais par des experts en marketing et des techniciens de sondage qui lui disent ce que les autres préfèrent et ce qu’il doit par voie de conséquence lui aussi préférer, ou encore par des médecins et des psychiatres qui l’examinent dans le but de découvrir en lui quelques symptômes de maladies qui auraient pu échapper à un œil non exercé"

Minimal self p.5, 1984, cité et traduit par Jean-Claude Michéa

3 commentaires:

  1. Tu t’es fait chopé rené. Tu as écris Muray dans un post dédié à Chris Lasch que je n’ai pas lu mais que, grâce à toi, je cours demain acheter et découvrir.
    Merci mille fois comme dit ce gros con de Guillaume Durand !

    RépondreSupprimer
  2. J'avoue avoir mêlé volontairement Ph.Muray à Christopher Lasch...

    Je dois faire pénitence.

    Sinon la pensée de Lasch est si puissante que je ne peux vraiment la décrire dans cet article.

    Un mot: La culture du narcissisme est le meilleur essai que j'ai lu.

    RépondreSupprimer
  3. Ca me rappelle quelque chose ...Soral ...

    RépondreSupprimer