8 septembre 2006

Curriculum mortel.


Au CiGéBi, on sait que nous vivons dans un monde de brutes et on le dit.


Trouver un travail, pas une panacée. Oh non, surtout quand on a fait des études ! La moindre annonce réclame de l’expérience, toujours de l’expérience encore de l’expérience, obligeant donc le jeune con sans piston fraîchement sorti de ses études à en passer par des stages, des missions en intérim, par des CPE, ah non, pas des CPE, bref par la case départ dont on lui avait dit que s’il était sérieux dans ses études et ne passait pas tout son temps au babyfoot de la cafette, il l’éviterait.

Retour sur terre et illusions perdues. Ça se passe comme ça que chez McDonald. Mais le petit étudiant trop fier croit en lui. Alors il envoie ses candidatures à des boîtes malgré son inadéquation aux profils blindés, garanties de ne pas se planter sur le recrutement… Il pense : "Si je corresponds pas aux annonces qui me correspondent..." Il souffle et colle son timbre...

Surtout, ne sois pas toi-même



Le petit RH qui reçoit sa candidature se dit qu'il va bien ouvrir une lettre aujourd'hui quand même. Alors il l'ouvre. Il la lit même. Et il se met à y réfléchir par-dessus le marché : « Tiens, pas de fautes ! Intéressant... Bon, il correspond niveau études… C’est vrai qu’il a dix ans de moins que ce qu’on demandait niveau expérience mais bon… Il est trop jeune merde ! Mais bon… Je me fais tellement chier. Allons pour un entretien ! Ça sera divertissant et en prime je ferai bien semblant de travailler, mon n+1 sera ravi(e) ».

Et le petit con reçoit sa convocation. Il est content, il se prend à rêver. Il s’habille dans son plus beau costard, celui que sa mère lui a payé pour le mariage de sa cousine y’a trois mois, son premier d’adulte, son seul starco. Il se demande : « C’est pas trop pour un entretien ? Merde ! J’vais pas y aller en jean ! Cravate, pas cravate ? Cravate ! » Il a l’air d’un con mais bon. C’est le jeu, le jeu de rôles... Et maintenant, il est déguisé. Il se pointe à l’heure au rendez-vous pourtant à l’autre bout de Paris ou au fin fond de la région parisienne. Il attend. Il lit les brochures sur la table basse en verre. Il connaît rien de l’entreprise donc il met à profit l’impolitesse ponctuelle de ses hôtes. Puis après un bon quart d’heure à avoir mariner dans son jus, il est convié. « Bonjour », lui dit-on. « Bonjour » répond-il. Scan rapide par le petit con : « Balaie dans l’cul ! Zéro feeling…»

J'en ai rien à battre allo ?



_ Suivez-moi je vous prie.

« Au bout du monde ! » pense-t-il.

Ça s’assoie, l’adversaire est en nombre ou pas.

_ Quelles sont vos motivations ? Pourquoi avoir choisi notre entreprise ?

Le petit con pense : « Pour bouffer, m’acheter une nouvelle montre, d’après toi sérieux pauvre connard (connasse) ? » Il répond :

_ Votre entreprise est tellement belle. Vous avez tous l’air tellement beaux et riches ici, heureux quoi !

Non, il répond pas ça. Il joue le jeu de la vente. Il fait sa pute, il fait de la lèche. Il est en demande donc pas aux commandes. Le marché est saturé, la concurrence est forte, d’autant plus, qu’il sait déjà qu’il ne fait pas l’affaire pour la personne qui le sonde en face. Il sait qu’il est un alibi. Il ne se démonte pas. Il dit oh combien il est rigoureux, précis, rapide. Il raconte son histoire, pourquoi ci, pourquoi ça. Il arrive même par moments à croire en ses rifs sur cordes vocales. Le RH écoute, sourit de ses centaines de dents acérées, rebondit même parfois. Ça discute quoi, ça se branle…

_ Oh, vous devez être comme ci ou comme ça ?
_ Euh, non, pas vraiment…

Le RH a fait une semaine de psycho dans son cursus donc on la lui fait pas !

_ Euh oui, ça m’arrive !...

L’entretien se termine. On se serre la main. On se sourit malgré les couteaux mentaux plantés un peu partout. « Au revoir, nous vous tiendrons au courant ». Lui repart de son côté avec la sensation d’être une passoire. Le RH, lui est zen, il retourne à son bureau rédiger sa réponse négative qu’il enverra dans trois semaines et surtout, surtout, buller. Il est définitivement le dominant.

Trois semaines plus tard, le petit con reçoit sa réponse négative. Il n’a reçu aucune autre convocation pendant ce laps de temps. Il n’espérait pas pour celle-là mais bon… Il vit et l’espoir fait, et tant que y’a de la vie y’a… Il pense : « La vie est si cruelle. Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Mon CV, ma lettre de motivation ? Que je sois agnostique ? » Il se remet en question. Il était si bon élève pourtant. Il est si intelligent pourtant. Il s’achète plein de bouquins sur le sujet, se coache, se met en situation entretien et rien n’y fait. Merde. Les bagages ça devient vraiment lourd quand ça sert à rien… Que faire ? Abaisser ses prétentions ? Se frotter à l’ANPE et ses formations bidon ? Il pense : « Putain, mais je sors de cinq ans de formation ! C’est quoi ce délire ? » Et il s’imagine déjà faire le pied de grue à l’ANPE du quartier, attendre son numéro, faire la causette avec un RH du précaire, l’écouter déblatérer ses fausses solutions, lui parler de toutes ces voies de garage auxquelles il n’avait pas pensé, entendre et comprendre que s’il n’est pas content c’est pareil et que s’il ne se contente pas il sera coupable ! Coupable d’avoir cru aux couleuvres. Et dans sa tête Bashung : « Ma petite entreprise, connaît pas la crise ». Le petit con pense à cet ancien PDG à conscience qui a démissionné car il n’acceptait pas de licencier ses employés pour donner plus de thunes à ses actionnaires, revenu sur le marché du travail et galérant toujours après dix ans de recherche… Le petit con pense : « Et en plus je peux même plus compter sur la discrimination à l’embauche avec ce putain de CV anonyme ! » Le petit con se dit : « Okay : va pour une filiale Maroc-Espagne-France… Putain j’aurais dû faire un CAP… »

Voie royale



Bref, on pourrait s’étendre longtemps sur le sujet, le petit jeu de dupes de la recherche d’emplois mais on peut pas : on bosse nous ! Le vocable à maîtriser, le discours à tenir, l’hypocrisie, le petit mensonge qui vaut mieux que la mauvaise vérité…Dans notre illimitée compassion envers tous on vous balance quand même le modèle ultime du CV pour faciliter vos vies. Nous ne craignons pas la concurrence au GangBang. Enjoy !

CV béton



PS : pour votre confort visuel, cliquez sur le cv et enregistrez-le sous.

5 commentaires:

  1. http://www.bigbangblog.net/article.php3?id_article=423

    Excellent article... Abiker a lui-aussi écrit sur ce thème y'a pas trop longtemps..

    Oui, on se met minable pour avoir un boulot et une fois que l'on possède la saint-graal... bah c'est l'enfer: management ignoble (conduite du changement, évaluation permanente), collègues qui se suicident, vie de famille démolie...

    Christophe Dejours dans "Souffrance en France" l'a bien démontré... Tout comme la dernière étude de Laurence Thery "Travail intenable".

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  2. Sophie Talneau "On vous rappelera" (elle était pas si belle que ça).

    http://livres.lexpress.fr/entretien.asp/idC=9674/idR=5/idTC=4/idG=0

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  3. photo de Sophie Talneau

    http://www.time.com/time/europe/html/051003/essay.html

    en effet pas si belle que ça mais bon ... peu plaire

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  4. ETRE RH PAS SI FACILE QUE CA !
    Souvenirs d'un Directeur des Ressources Humaines
    ... ou le bêtisier des recruteurs.
    Un jour ou l'autre, tout le monde a du subir un entretien d'embauche.
    Dans ces cas là, on pense surtout à ce qu'il NE FAUT PAS FAIRE... Ne pas ronger
    ses ongles, ne pas gigoter sur sa chaise, ne pas interrompre, ne pas roter ou
    pire etc. Évidemment, toutes ces attitudes sont censées nous disqualifier
    automatiquement. Eh bien, on est loin du compte.
    Voici le bêtisier et les pires gaffes commises par les postulants à un emploi.
    Rapporté par un cabinet de recrutement.
    * '... a qu'il était tellement qualifié que si il n'était pas embauché, ce
    serait la preuve que le management de l'entreprise est incompétent.'
    * '... s'est couché à plat ventre sur le sol pour remplir le questionnaire
    personnel.'
    * '... a amené son Rottweiler avec elle pour l'entretien.'
    * '... mâchait du chewing gum constamment et tentait même de faire des bulles.'
    * 'Le candidat tenta de défier le recruteur dans un combat au 'bras de fer''
    * '... demanda à voir le CV du recruteur pour être sûr que le chef du personnel
    était compétent'
    * '... la candidate annonça qu'elle n'avait pas déjeuné et commença à manger un
    hamburger et des frites dans le bureau du recruteur'
    * 'Le candidat portait un jogging alors qu'il passait un entretien pour un poste
    de vice-président financier.'
    * 'Demanda à interrompre l'entretien, le temps qu'il appelle son psychanalyste
    pour lui demander ce qu'il devait répondre à certaines questions personnelles'
    * '... a prétendu ne pas vouloir se lever se son siège à la fin de l'entretien,
    sauf si je lui disais qu'il avait le poste. J'ai du appeler la police.'
    * 'Lorsque je lui ai demandé quels étaient ses hobbies, il s'est levé et a
    commencé à faire des claquettes dans le bureau.'
    * '... a sorti un Polaroïd et m'a pris en photo. Il a dit qu'il collectionnait
    les photos de toutes les personnes qui lui faisaient passer un entretien.'
    * 'Le candidat expliqua qu'il ne voulait pas du travail proposé, mais que l'ANPE
    avait besoin de preuves qu'il avait effectué des démarches de recherche
    d'emploi.'
    * 'Le candidat sifflotait pendant qu'on lui posait des questions.'
    * '... elle vomit sur mon bureau et tout de suite après me posa des questions
    sur le poste proposé, comme si rien ne s'était passé.' (ma préférée)
    * '... me demanda si je ne voulais pas 'un peu de coke' avant de commencer
    l'entretien.'

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  5. euh perso, les DRH auxquels j'ai eu affaire le savent...

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