22 novembre 2017

L'interdiction du mois - Fumer dans les films.



La France possède un ministère au nom curieux, le ministère de la santé, censé tout mettre en œuvre pour favoriser la bonne santé des gens, y compris ceux qui ne lui demandent rien. Comme cette grand-mère qui couvre de trois pulls en laine son petit-fils de douze ans, le ministre de la santé prend des mesures avec l’absolue certitude d’œuvrer pour le bien du populo. Le ministre actuel ne manque pas d’idées pour répandre ses baumes apaisants sur une population qui se porte pourtant bien, qui vit longtemps, si l’on compare nos chiffres avec ceux de ces abrutis d’étrangers. Qu’importe ! Comme le bon docteur Knock, un ministre saura toujours sortir un chiffre effrayant pour prouver que le patient vigoureux est un malade qui s’ignore. Il meurt un contribuable toutes les 24 secondes, monsieur ! Inacceptable ! Un mort sur trois est un fumeur, un mort sur sept est un fanatique de la charcuterie, un mort sur vingt n’a pas de statut Facebook ! Plutôt que reconnaître que tout le monde meurt, un ministre de la santé essayera toujours de nous faire croire que des catégories particulières de gens meurent plus que les autres… Comme si un fumeur de Gitanes mourrait trois ou quatre fois de suite, avant que sa voisine, bigote vegan ne faisant aucune folie, ne livre son dernier souffle. Privilège indécent ! Cumul des enterrements ! Discrimination des asticots !


Sitôt entré en fonction, notre ministre de la santé pétaradante, ravivant l’idéologie sécuritaire dans son volet médical, décréta que la France n’était pas assez protégée, et fit passer de trois à huit le nombre des vaccins obligatoires. Quand je pense que j’ai vécu toutes ces années (et toi aussi, lecteur inconscient) avec cinq vaccins de moins que le minimum vital, j’en flageole d’effroi rétrospectif… Quel type aurais-je pu être si seulement on m’avait inoculé tous les vaccins du docteur Buzyn ! Vingt centimètres de plus en hauteur, sans même parler de la largeur ! Des cuisses comme ça ! Des pectoraux idem ! Des couilles comme s’il en pleuvait !

Par définition, la santé, comme le ministre du même nom, ça ne doit jamais s’arrêter. Cette semaine, donc, on envisage d’interdire de montrer des gens qui fument dans les films. Débarrasser les écrans de tous ces exemples mortifères, voilà qui va bien niquer la mort ! Une idée brillante, suggérée - évidemment- par une sénatrice, PS, de la Sarthe (cumul des mandales!). Car, en effet, l’individu moyen est tellement bête qu’il copie, qu’il singe et reproduit les comportements qu’on lui montre dans les films, et surtout dans les séries (brrr !). Ainsi, moi qui vous parle, j’ai entrepris de traverser le département du Rhône à pied après avoir regardé Forest Gump. La force de l’exemple ! J’ai mis sur la gueule à ma femme sitôt après que France 2 a diffusé La gifle et, depuis que j’ai vu Le secret de Brokeback Mountain, je passe mon temps à me faire enculer ! Je suis comme tout le monde : tu me montres un héros de la guerre, je deviens Jeanne d’Arc ; tu filmes l’histoire d’un collabo, j’écris à la kommandantur ! J’ai même appris nager en matant les films du commandant Cousteau, c’est dire !


C’est pour ça qu’on paie un ministre : pour débusquer le Mal et lui foutre son pied au cul ! Madame Buzyn a la croisade facile, et n’y va pas par quatre chemins : ne pouvant pas (encore) embastiller les fumeurs, elle ordonne qu’on ne les voie plus, qu’on ne les montre plus sur un écran. Elle pourrait, plus simplement, décréter l’interdiction du tabac, comme c’est le cas pour la cocaïne, mais le ministre du budget ne veut pas (il doit être fumeur)… Les progrès de la technique aidant, j’imagine qu’elle ordonnera bientôt qu’on efface numériquement les clopes dans les films déjà tournés : Humphrey Bogart et Jean Gabin ne s’en porteront que mieux ! Comme au bon vieux temps du stalinisme, on a déjà vu des photos anciennes retouchées pour cadrer avec la morale moderne : Jacques Tati privé de sa pipe ; Serge Gainsbourg amputé de sa clope.


Mais soyons logiques : si l’on admet que la cigarette représente un danger pour la santé des gens, on est obligé de reconnaître qu’un coup de revolver aussi. Si montrer un fumeur incite à fumer, montrer un crime devrait déclencher le crime ! Pourquoi ne pas interdire les scènes de meurtre dans les films ? Je connais beaucoup de films où l’on tue plus souvent qu’on ne fume…


Si l’on était encore en France, je supposerais qu’une atteinte si grossière à la liberté d’expression soulève en retour une indignation générale, à faire reculer un ministre. Les cinéastes, les auteurs, les acteurs et les simples gens se ligueraient illico pour dire un gros merde !aux hygiénistes puritaines, et les renvoyer soigner leurs propres tares. Mais nous vivons désormais à Franceland©, ancien pays devenu parc à jeux, où tant de choses jugées impossibles hier adviennent, et dans l’apathie générale. Le désir d’interdiction n’a jamais déferlé avec autant de force, et si peu de retenue : interdiction de manger un sandwich en voiture ; interdiction de la fessée aux enfants pénibles ; interdiction (pour les hommes seulement !) d’écarter les cuisses dans les autobus ; interdiction de draguer ces dames, de leur dire un compliment en public ; interdiction de faire paraître Tintin au Congo ; interdiction de traiter certaines périodes de l’histoire ; interdiction de donner à une rue le nom de Colbert ; interdiction de fumer dans une véhicule transportant un ado de moins de 18 ans, même s’il est fumeur lui-même ; interdiction aux Blancs de paraître dans certaines manifestations publiques réservées aux Noirs ; interdiction d’émettre une opinion négative sur les femmes (misogynie), sur les transsexuels (transphobie), sur les musulmans (islamophobie) et sur les trous du cul ! Un ex-premier ministre soutient que l’antisionisme (autorisé) n’est que de l’antisémitisme (interdit) et veut donc l’interdire itou ! Bientôt, vous ne pourrez plus débiner le Guatemala sans risquer d’être jugé pour guatemalophobie ! La société moderne est née en 1968 avec un slogan des plus putassiers, « il est interdit d’interdire ». On voit ce que ce genre de slogan produit, quand ses promoteurs sont arrivés au pouvoir…

Ce qui étonne toujours, et nous convainc que nous ne vivons plus dans un pays normal, c’est l’énergie constante des interdicteurs de toutes obédiences. Ils ne se fatiguent jamais et, tandis que vous vaquez innocemment à vos affaires, ils imaginent en cénacles des interdits nouveaux, touchant des activités toujours plus nombreuses, emmerdant les gens toujours plus profondément, soumettant les volontés, engluant la vie dans une logique toujours plus implacable.
On apprend aujourd'hui que madame Buzyn n'a jamais envisagé d'interdire quoi que ce soit, elle le jure ! On comprend surtout qu'elle a été rappelée à l'ordre par son chef : pas de vague en ce moment, on démonte les droits sociaux, on n'a pas besoin de mouvements populaires... La piteuse reculade du ministre Buzyn n'y change rien : la passion d'interdire a la patience des pierres, elle s'incarnera dès demain dans une autre grande cause. Nous en reparlerons.

2 commentaires:

  1. il faudra interdire de parler des mains au cul ou des violences faites aux fâââmes , ça pourrait donner des idées aux porcs
    interdire les jeux vidéos , aussi pareil
    en fait,faudrait revenir à l'Afghanistan des talebs , tout irait bien
    ha, tout n'allait pas bien chez les talebs?
    y a comme une contradiction,là ,non?

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    1. Hou là, Kobus, tu serais pas sen train d'insinuer que le féminisme moderne serait comme qui dirait mal branlé ? C'est-y Cayenne que t'aspires ? Et la gégène, histoire de te calmer ?
      Quant aux Talebs, j'ai jamais lu dans la presse française la moindre interview de l'un d'eux en 30 ans de guerre, je n'irais donc pas jusqu'à dire qu'ils délirent autant que certaines combattantes du vagin-roi.

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