21 février 2017

Affaire Théo : la responsabilité des perruches

 
"J'ai joui public."
L’affaire Théo a défrayé la chronique. Mis le feu l’actualité. Et à quelques bagnoles. Et ce n’est pas fini.

En cette période prémenstruelle de la République, où les présidentielles seront une nouvelle fois de ces liquides stériles chers à Henry Miller, ceux qui emportent les oeufs non fécondés, les théories du complot dansent dans les flammèches jolies. Les écrans de fumée en volutes. Mort mentale par asphyxie.

French Tabloïd rules ! 

Le jeu du FN, un jeu truqué par Bisounounours ! 

Abaissons votre niveau de paranoïa. Comprenez : la situation est bien pire que vous ne l’imaginez.

Play.


Le premier article consacré à l’affaire Théo tombé sous nos yeux nyctalopes était signé du Parisien. Son titre approchait peu ou prou celui-ci, sorti deux ou trois jours après l’incident : 4 policiers accusés de viol : la vidéo de l’interpellation.

A la lecture d’un tel titre, le quidam lamba pense aussitôt à un viol proprement dit. Il imagine, reconstitue la scène de crime dans sa tête : les 4 policiers attrapent leur esclave sexuel, notre jeune victime invincible de banlieue, sans défense car issu de la diversité nonobstant un physique de bestiau. Ils l’attirent dans un sous-bois, un passage souterrain mal éclairé des 3000. Un lieu frange.  Ils le menottent. Le jeu sexuel peut commencer. Ils lui susurrent des mots doux aux oreilles : Bamboula, l’Ami Chocolat. Ah, les joies du tourisme sexuel à domicile ! Ils le pénètrent de leurs verges. A tour de rôle. Les 4 Fantastiques cavaliers de l’apocalypse ! A la grande jouissance du jeune, pénétré par l’instant, ils ont même des godemichés par destination : des tonfas, et autres matraques télescopiques. Et pourquoi pas un coup de taser pour rigoler au moment de l’éjac? 

Contrôle d’identité modulé gangbang. 

Clap. De fin de film. 

Fantasm is everything.

dans les annales, euh les anus
"-Vous resterez aussi dans les annales Président. -Les anus Théo, les anus."
L’image mentale d’un viol est violente, classée ultra sur l’échelle de l’OrangeMécanique.

Elle l’est d’autant plus dans l’inconscient collectif alors que la victime outragée est un homme. Le viol d’un mâle n’est pas la norme dans l’abjecte nuit de la pénétration sans consentement.

Les cognes, schmitts, keufs, n’avaient déjà pas bonne presse depuis Proudhon et Brassens, les voici dans leur intégralité, soupçonnés, c’est-à-dire accusés de perversion. Il n’y a pas de fumée sans flic.

Les flics, coupables du déclenchement de l’incident, à la limite pourquoi pas, accordons cela aux thuriféraires de cet enterrement de la République qui traine en longueur. Mais l’incendie ?

Le feu de l’arbre qui cache la forêt part de l’emploi du mot viol par les scribrouillards de l’abattement fiscal (7500 euros par an). Un mot chambré d’une définition juridique. C’est dans ce sens que s’explique le titre. Nous évoquions récemment l’utilisation du terme urgence absolue dans la presse, illustration de la propension des journalistes à s’arroger des jargons techniques d'univers spécialisés, qui leur sont étrangers. 

Le viol est défini par l’article 222-23 du Code Pénal : 

Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. C'est un crime passible de la cour d'assises.
On distingue le viol des autres agressions sexuelles à travers l'existence d'un acte de pénétration qui peut être vaginale, anale ou buccale. Cet acte peut être réalisé aussi bien avec une partie du corps (sexe, doigt, ...) qu'avec un objet.
La peine encourue par l'auteur d'un viol est de 15 ans de prison.

Problème : par le simple emploi du mot viol, entendu dans sa réalité juridique, les journalistes ont d’emblée attesté de la réalité d’un viol, entendu dans sa dimension fantasmatique. Affaire préjugée en pilote automatique. Clic ! Effet cliquet dans l’opinion. Plus question de remettre en cause cette vérité sous peine de théorie du complot. Car qu’est-ce qu’un viol par accident ? Ça n’existe tout simplement pas. 

Et c’est parti pour le story telling à dormir debout. Escalade d’engagement. Fuite en avant. Cochon d'Inde qui s'en dédirait. Il était évident que les quartiers n’encaisseraient pas le choc du mot. La préméditation est-elle constituée quand on enclenche le détonateur ?

Objection ! Le souci d’objectivité. Les journalistes tenaient à se tenir au plus près de la réalité en usant de la définition technique du mot, qui semblait parfaitement recouper, pour ne pas dire suturer, les faits.

La vérité, coûte que coûte. Une vision romantique qui est une cécité.

La sextape de Théo
Car dès le visionnage de la vidéo de l'interpellation, c'est la déception! D'emblée le décalage entre l’image mentale née du titre et la réalité captée focale du fait divers. La thèse de l'accident mise en avant par l'IGPN paraît moins improbable qu’un viol qui n'était même pas un viol, et soi-disant perpétré là, sous les mille fenêtres aux yeux rec d’une des cités du Panopticon généralisé.

Le feu de l’action.

Des journalistes scrupuleux de l’éthique et conscients de leur responsabilité, auraient pu se montrer prudents, titrant par exemple : violences policières présumées à Aulnay-sous-bois, la vidéo de l’interpellation.

Car l’objectivité, la réelle, c’est là qu’elle est, se niche : dans la retenue, la patience, les pincettes. Le temps de l’enquête. La subjectivité du bon sens. Ne pas être le premier loup à hurler. La première pierre à lapider. La première allumette à craquer. La parole des journalistes est éminemment performative chez les normopensants. La suite des événements s’est montrée formelle sur ce point, avec le déclenchement d’émeutes à Aulnay, en Seine-Saint-Denis, dans l’Essonne, le Val-d’Oise, et en vérité, ça s'est tendu un peu partout en France. La France est raciste. Elle a colonisé. Elle a collaboré. La police est ciste-ra. La voilà leur vérité. Le voilà le grand frisson de la sensation sensationnelle !

Conférence de rédaction
Nous n’avons nulle intention de stigmatiser le Parisien, en le clouant au pilori croix. Bien au contraire, car tous les médias de masse ont relayé l’information à l’identique, comme une seule et même perruche, hystérique de pépier, pérorer, pour ne pas dire bignoler.

Pourquoi ? 
Les journalistes sont des tapins avides à barbeaux. Putes à clic.fr Ils cherchent l'émotion pour les truffes. L’indignation pour les truies. Le scandale pour jambons. La masse. Il n’y a pas plus vendeur dans une société de porcs ! Blockbuster assuré. Scoope-toi les veines pour un buzzz !

Pourquoi ? 

Car les journalistes sont eux-mêmes des truffes, des truies, des jambons. On en sent de nombreux proches de la débilité. Certains ont clairement des groins.

Aucun journaliste ne devrait user d'un jargon dont la technicité lui échappe. 

Leur inégalable connerie est l'aiguillon à carambolages rocambolesques sur l'autoroute de l'information. Adeptes de la précipitation plutôt que de la vitesse de réaction, leurs contre-sens-et-vérités sont des grosses cylindrées qui fusent comme des balles à contre sens unique.

Les mots techniques sont des dragsters dans leurs mains de pilotes de draisiennes.

Le manquement à l’objectivité et la mission d’information a métastasé par la connerie et l'avarice. Le journalisme tabloïd et le journalisme d’opinion, tombés au champ de l'honneur. Ils se répandent et font glisser les pieds de l'opinion dans le sang. La flaque des flux menstruels qui charrient les oeufs non fécondés... 

Ils sont décalottés. Nous sommes déculottés. Avec eux, on l’a toujours dans le cul. Le viol des masses est permanent. 
Un accident ?


En faisant ton boulot ?
Quelques jours après, la Saint-Valentin, le Parisien titrait, à propos de l’embrasement des quartiers consécutif à l’affaire Théo : « Comment éteindre le feu ? »

Les pompiers pyromanes ! 

Descartes : « car on voit que les pies et les perroquets peuvent proférer des paroles ainsi que nous, et toutefois ne peuvent parler ainsi que nous, c’est-à-dire en témoignant qu’ils pensent ». 

Descartes a-t-il déjà essayé de faire compter un perroquet? 

Con ou intéressé ? Un noeud gordien.

La stat est un vampire entretenu. Par les cons.



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