30 juin 2016

Le Chef-d’œuvre de Didier Goux ?


Voilà un titre qu’il est culotté. Parce qu’il prétend faire mieux que Michel. Parce qu’il est opportuniste à souhait. Rien que pour ça j’avais envie de lire le roman de Didier Goux, histoire de voir s'il était honnête et traitait véritablement de Houellebecq, ou si nous étions dans la supercherie gonflée.

En fait non : j’ai simplement de la sympathie pour le blog de Goux et du plaisir à lire son style, et j’avais envie de voir comment il s’en sortait sur l’exercice du roman. Voilà la raison.

Le pitch : un vieux bougon qui aspire à la tranquillité noue relation malgré lui avec différents jeunes gravitant dans son quartier. Le regain d’intérêt qu’il se surprend à ressentir pour leurs histoires lui fait rouvrir certaines questions laissées en suspens au cours de sa vie. En fond : la suave texture de notre époque moderne. Et un fil rouge : la tentative de l'un des personnages d’écrire le roman définitif que Michel Houellebecq n’aurait pas encore su offrir au monde à ce jour.

Philippe Muray disait que le romancier du XXIème siècle serait celui qui saurait rendre compte de la platitude et du ridicule de notre époque. En refermant le livre de Didier Goux, je ne suis plus certain qu'il ait raison. Philippe Muray lui-même n'a-t-il pas déjà épinglé cette modernité, d'une manière si définitive que ce n'est plus à faire ? Le ridicule du réel n'a-t-il pas pris une telle ampleur qu'il est devenu trop quotidien pour qu'on souhaite le retrouver dans une lecture, trop caricatural pour qu'on puisse encore le caricaturer ? Contre toute attente, la peinture de la mascarade moderne est ce que j'ai trouvé moins réussi dans Le Chef d'oeuvre de Michel Houellebecq.

Si le roman vaut, c'est selon moi moins pour cela que pour les échappées plus personnelles, plus intimes, dans lesquelles s'égarent le personnage, et l'écrivain. Entre les ornières de Muray, de Balzac, de Houellebecq, parviennent à exister les fleurs sauvages de Didier Goux, que je qualifierais d'authentiques morceaux de littérature.

Ceux qui sont intrigués par la place qu'y tient notre Michel Houellebecq ne seront pas en reste, avec un portrait de l'écrivain plus vrai que nature.


28 juin 2016

Maurice G. Dantec, l'interview posthume

Au nom du Verbe, du Sujet et du Complément d'objet direct

Maurice G. Dantec, vous êtes décédé samedi 25 juin 2016, merde…
Je suis mort ouais et alors ?
Je suis mort, c’est-à-dire que précisément j’ai été rendu à la vie éternelle, ok ?
En vérité je vais être très clair, je vais vous le dire cash ok ?
J’avais mes lunettes noires comme d’habitude et je fumais un mille-et-une feuilles quand j’ai fermé les yeux...
Parce que j’ai fermé les yeux à cette nanoseconde très précise, j’ai vu.
Tout.
J’ai tout vu ok ?
Mieux qu’après un verre d’ayahuasca  ombragé d’un parapluie cocktail en buvard LSD.
J’ai vu l’épingle dans le tas d’épingles.
J’ai vu la croix en or dans la nécropole contrefaite des marchands du Temple.
J’ai vu l’invisible, maelstrom tsunamique ultraélectromagnétique.
J’ai vu qu’au bout d’un couloir, comme celui d’un hôpital psychiatrique à ciel ouvert, y’avait une lumière, de celles qui brûlent parce qu’elles éclairent, de celles qui éclairent parce qu’elles contiennent la vérité, toute la vérité, ok ? La Tri-Unité.
Cette lumière venait de derrière un rideau couleur blackbox.
Derrière le rideau, y’avait une porte in-put-bronze-lourd-mordoré, dans le genre de la Porte de l’Enfer de Rodin.
J’ai sorti mon fusil à pompe métacortical, défoncé la cryptolourde avec mes gros sabots double zéro chambrés dum dum et là, j’ai dit : « Salut, c’est le grand méchant logos. Personne ne bouge. Mettez les mains sur la tête, surtout si vous êtes un sodomiseur de mouches à chèvre du désert... Si vous avez été crucifié, merci de ne pas applaudir… »
Chaque point de suspension a raisonné comme une décharge de chevrotines.
J’ai fait mon petit métaeffet, et cash ok… du genre lancement orbital à l’hydrogène pyrotechnicisé made in Cap Canaveral.
What’s next ? The Future/Past, The Space Out, un God pour chacun.
What fucking else ?...  

24 juin 2016

Emergency Breixit




Brexit, mon amour



Samedi dernier, profitant d’un trajet en voiture, j’écoute l’émission de Christine Okrent sur France-Culture, Affaires étrangères. Elle traite du brexit. Pour se faire une idée juste de la chose, Okrent a invité deux spécialistes ès qualité, tous deux opposés au brexit. Recette moderne éprouvée : les meilleurs débats sont ceux qui n’opposent aucune idée à une aucune autre. Imaginons le principe okrentien appliqué à l’Euro de foot : Le France rencontre le Portugal, mais il n’y a que des joueurs français sur le terrain… Heureusement, mon trajet fut de courte durée.

23 juin 2016

Quantité musicale



Dans les Particules élémentaires, Michel Houellebecq observait qu’une vision du monde bien ancrée dans les esprits survit quelque temps, parfois quelques siècles, à la disparition des conditions qui l’ont vu naître, voire au bouleversement complet du monde lui-même. Affaire d’inertie. Le monde change plus vite que l’esprit qui l’observe, comme s’il était plus facile de bouleverser un continent que de modifier une opinion.
Ainsi, il est des habitudes si généralement admises qu’elles sont devenues des évidences anthropologiques. Dans la société moderne, écouter de la musique appartient à cette catégorie : il est peu probable que sur la durée d’une vie humaine, on puisse rencontrer plus d’une ou deux personnes affirmant qu’elles « n’aiment pas la musique », qu’elles n’en écoutent pas ou qu’elles n’en ont carrément rien à secouer. Et quand bien même de tels extra-terrestres pulluleraient soudain, ils devraient de toute façon abandonner l’espoir de ne pas entendre de la musique. Elle est partout.

20 juin 2016

Des baffes qui se perdent

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Une tradition du cinéma français qui a presque disparu, c'est la claque : magistrale, gigantesque, dont le bruit résonne de façon unique dans l'espace, assénée de toute la longueur du bras, et qui entraîne dans son prolongement une rotation capillaire tout en boucles et en cascades.

Que l'on soit dans le drame ou dans la comédie, cette claque semble omniprésente dans les films français d'une certaine époque ; elle atteint le statut de figure obligatoire, au même titre que le baiser lorsque l'on doit raconter une relation homme-femme.

Cette gifle n'est d'ailleurs pas spécialement mixte : elle se donne d'homme à homme, de femme à homme et vice-versa, même s'il faut reconnaître que statistiquement, elle est majoritairement administrée à la femme, si possible aux cheveux longs, souples et soyeux, pour une amplitude maximale et une meilleure prise à la lumière. La femme gifle le goujat, l'homme gifle l'hystérique.

La gifle de cinéma est souvent une claque de la paix. Là où le coup de poing ou l'empoigne sonneraient le début d'une bagarre, la claque a un effet de dépression : elle apaise, fait redescendre la tension qu'avait atteint une situation. C'est une claque de retour à la raison. En situation réelle, elle serait capable d'étourdir un âne et celui qui la recevrait aurait toutes les chances de vouloir la rendre, mais au cinéma, cette gifle semble vécue comme bienvenue : c'est tout juste si le claqué ne se sent pas redevable, tout en se tenant la joue, de ce qu'on ait mis un terme à son insoutenable crise de nerfs. Ce qui renforce d'ailleurs l'essence misogyne de cette gifle : la belle se montre soulagée du revers de claque que lui colle son Alain Delon.

Si Rémi Julienne est devenu l'artisan de toutes les cascades du cinéma français, il y a sans doute quelque part une école et un savoir-faire français de la gifle cinématographique, où l'on apprend à la donner et à la recevoir, et un syndicat de la SAACIG (Société Audiovisuelle des Auteurs, Compositeurs et Interprètes de Gifles) qui s'inquiète de sa disparition presque totale dans les productions actuelles.

Ceci dit, les Américains ne se débrouillent pas mal non plus.


17 juin 2016

Les filles d'à côté (de la plaque)


Ah les filles, je vous jure ! Vous savez comme elles sont : toujours prêtes à se crêper le chignon surtout quand on en vient à parler chiffons ! Tenez, l’autre jour : Maude, 18 ans, en hypokhâgne à Toulon, s’est prise la tête avec des filles dans le bus, pour une sombre histoire de mini-short ! C'est le magazine Madmoizelle qui nous raconte l'échauffourée. Un fait divers à travers lequel Maude, en racontant son histoire dans un post Facebook qui depuis fait le buzz, épingle un travers préoccupant qui a cours dans nos sociétés, patriarcales quoi qu'on en dise, où la mentalité machiste est si ancrée qu'elle imprègne l'esprit même de certaines filles, qui reproduisent alors envers leur sexe les mêmes comportements.

Ainsi, l'histoire démarre comme ça : Maude, vêtue d'un short estival somme toute banal, prend le bus et vient à remarquer que sa tenue ne laisse pas indifférentes les filles qui sont dans l'autocar avec elle. « Je me suis retrouvée encerclée par plusieurs filles. Il ne se passe rien pendant une dizaine de minutes, mais l’une d’entre elles me regarde vraiment très mal, et finit par me dire "mais pourquoi tu portes des shorts aussi courts ? C’est quoi ton problème ? ».

16 juin 2016

Ni temples ni tombes





« Tout est empli de morts »
Ernst Jünger, dans un autre contexte.


Il est vingt-deux heures, mai s’évanouit dans juin qui s’insère dans juillet, et tu marches sur les grands boulevards, terminant ta journée au moment où les putes commencent la leur sur l’avenue Louise. 

Tu étais le dernier au bureau, tu as refermé ton ordinateur, tu as traversé les pièces vides pour éteindre les lumières. Avant de t’en aller, avant de mettre en marche l’alarme et de fermer la porte derrière toi, tu as pris un instant pour embrasser du regard ton lieu de vie, l’open-space où s’égrène ton existence, et prendre la mesure de l’immense et infinie dévastation d’une vie humaine qui s’écoule sous la lumière crue des néons, au rythme des pages qui jaillissent de la photocopieuse, sur et parmi les tapis pleins, les plantes vertes funèbres et desséchées qui achèvent de mourir dans l’angle de l’open-space, les lumières éparses de la ville plongée dans l’obscurité.

Être là et compter ses défaites ; heures mortes, journées vides, semaines anéanties.

Tu n’avais pas cru que cela soit possible, et pourtant, ça l’est : cette déchirure qui chaque jour se répète, cet anéantissement qui t’accompagne dès le matin, cette placide et insondable catastrophe qui s’invite sur tes épaules abattues, ton dos courbé, ton cul qui s’empâte dans ce fauteuil de bureau, dont le rembourrage a pris la forme de ton postérieur.

C’est l’aventure moderne.

9 juin 2016

Macron lance sa campagne 2017 sur grand écran

Stratégie pour casser son image de méprisant, ou véritable volonté d'écouter les Français ? Notre sémillant ministre a choisi de prendre son selfie de pèlerin et de sillonner la France à la rencontre de pauvres. Le concept : nouer discussion avec un agriculteur, un ouvrier, un travesti... et parvenir à se faire inviter chez lui pour dormir.

Emmanuel Macron espère que le film qui en sortira permettra « au mieux de dresser un diagnostic du pays, au pire d'obtenir de superbes portraits de pauvres, avec leurs mains sales et leurs problèmes dentaires ». 

Prochainement dans les salles...


8 juin 2016

le son du soir qui se met minable

Le prix du déséquilibre


Peut-on interdire le voile en entreprise ? La question est posée par Hotmail-news. La réponse est dans la question : c’est non.
Ceci est un ordre
C’est non pour deux raisons. D’une part, nous constatons partout en France l’inflation du port du voile - en 2010 Djamel Debbouze parlait d'épiphénomène concernant la burka, aujourd'hui le niqab est une banalité. D’autre part, le pays des droits de l’homme pense manifestement irrémédiablement qu’il est interdit d’interdire. Mai 68, l’effet cliquet. Escalade d'engagement dans la régression. La liberté a dégénéré en droit de chacun contre tous. Il n’y a plus d’ensemble quand le caprice pour tous c'est maintenant. Et on ne parle même pas des conventions supranationales...
Vivement France Albanie ! 


6 juin 2016

Le Manant

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C'est avec une certaine délectation que j’apprends la signification originelle du mot manant, aujourd'hui péjoratif et qualifiant le cul-terreux : le terme désigne en réalité celui qui demeure. C’est-à-dire celui qui reste à sa place, dans le temps et dans l’espace.

Notion intéressante qui rejoint peut-être celle du Réfractaire : alors que l’Ermite implique une démarche volontaire de retrait, d’isolement et d’exil, le Manant est simplement celui qui est là depuis le début, qui s’y trouve bien et qui entend y rester, entravant probablement par son immobilité la progression des agités qui ont atteint à présent le seuil de sa chaumière et dont il gêne les velléités de vitesse, de mouvement, de déplacement ou de modification. 

Dans le contexte actuel, le manant entrave aussi bien le projet libéral des Attali et autres Macron, appelant au village global, à la mobilité, à l’adaptation au « monde nouveau », que celui des forces du progrès, dites « de gauche », qui s’évertuent à changer les mentalités (de préférence celles des autres plutôt que les leurs). Sur la demeure du manant s’abattent les bourrasques de l’esprit entrepreneurial et celui de la bougeotte jeune, alliée pour l’occasion à la logorrhée libérale vantant les bienfaits de la remise en question, du qui-vive, de la souplesse, de la flexibilité, de la réinvention perpétuelle…

L’époque conjure le Manant de changer, de participer, de voyager, d’apprendre une troisième langue,

5 juin 2016

BlackM, plug anal mémoriel



Allons-nous tous finir par sombrer dans l’antisocialisme primaire ? Non pas que le socialisme comme projet nous dégoûte, mais parce que le socialisme français en tant qu’exercice du pouvoir, franchisse une à une, sans coup férir et la conscience claire, toutes les limites de l’ignoble.

Matez deux minutes le trombinoscope du gouvernement français (celui-là ou n’importe lequel, en fait, vous y remarquerez toujours le même modèle dominant) : collection de bourgeois replets, de daronnes volontaires faisant suer le burnous à leurs subordonnés, de joufflus semblant taillés pour la gifle. Ces têtes-là ne doivent pourtant pas être jugées sur leur apparence inoffensive: ce sont des durs, des idéologues furibards. Ce sont des tronches où le plus petit sens commun a disparu, que la décence a abandonnées, que la retenue n’a sans doute d’ailleurs jamais effleurées. Comment les médias appellent-ils, d’ordinaire, un individu dangereux pour les autres, retranché dans ses bastions, dont le comportement ne suit plus qu’une obsession létale, et qui, si l’on veut l’empêcher de nuire d’avantage, devra être délogé d’urgence ? Un forcené.

2 juin 2016

Laisse-moi zoum zoum zem Karim Benz Benz Benz

"J'ai cédé à une partie racaille de la France."


Je vais céder à une partie vénère de la France. Stop.
Je vais céder à une partie avide de goudron et de plumes de la France. Stop.
Je vais céder à une partie réellement renversée de la France. Stop.
Commençons par le début. Stop, c’est-à-dire Encore...

La non sélection de Karim Benzema n’en finit plus de défrayer la chronique. C’est Eric Cantona qui a allumé la mèche dans une interview accordée au Guardian, arguant du racisme nord-africain de Didier Deschamps : « Une chose est sûre, Benzema et Ben Arfa sont deux des meilleurs joueurs français et ne seront pas à l’Euro. Et pour sûr, Benzema et Ben Arfa ont des origines nord-africaines. Donc le débat est ouvert. » 
Il ne s’arrêta pas là, fustigeant les racines mmm disons françaises de souche consanguine de Didier Deschamps : « Benzema est un grand joueur, Ben Arfa est un grand joueur. Mais Deschamps, il a un nom très français. Peut-être qu’il est le seul en France à avoir un nom vraiment français. Personne dans sa famille n’est mélangé avec quelqu’un, vous savez. Comme les Mormons en Amérique. »