7 octobre 2015

Choses vues : au feu rouge



J’arrive ce matin devant le nouveau musée des Confluences, un truc immense, informe, technique, lourd et hors de prix, que les édiles ont bâti dans l’espoir de renouveler à Lyon, qui n’en a pas besoin, le coup de Bilbao. Au feu rouge, tandis que cinquante bagnoles poireautent dans l’espoir du vert, une nana fait la manche. Elle n’a pas d’âge, des cheveux en bataille, elle est vêtue chaudement, c’est-à-dire qu’elle ressemble à une sorte de gros sac. Elle tient devant sa poitrine un écriteau de belle dimension détaillant sa déchéance : sans abri, sans revenu, j’ai faim, une pièce SVP ou un ticket restaurant. Mais, pour obéir aux lois du marketing que nous ignorons tous sans les ignorer vraiment, elle sourit. Elle balance autour d’elle, à destination des pauvres cons coincés dans leur habitacle surchauffé où les publicités de RTL leur bombardent, directement dans les tripes, leurs harangues insanes au son compressé, des œillades ravies, des grandes démonstrations de gencives, des sourires à la Sophia Loren (en beaucoup moins sexy) et des saluts de la main à la façon de la reine d’Angleterre quand elle inaugure un truc inutile (bateau de guerre, collège, institut pour la paix et l’amitié entre les hordes).
Elle se décroche parfois la mâchoire dans un effort de débardeur et lance un grand geste enthousiaste au-dessus des galeries de toit, à destination d’un automobiliste qui aurait eu l’imprudence de lui adresser un regard, comme si elle retrouvait un amant inoubliable des années 1950. C’est pas compliqué : on dirait le Jacques Chirac des grandes heures quand, haussant les sourcils comme si la surprise de vous rencontrer lui perforait le fondement, il vous serrait la louche en regardant déjà le couillon situé derrière vous, tout en vous lançant un « ha, ha, votez bien pour moi, hein ! ». Cette nana diffuse à la fois un message écrit qui donne envie de se flinguer, et un message corporel qui vous incite à sortir de votre Twingo et à danser avec des filles métisses comme dans les publicités pour le jus d’orange ! T’en veux de la positive attitude ? Eh ben, en v’la ! Elle est radieuse, putain de merde, tandis qu’on s’agglomère bite à cul par paquet de cent, elle nous éclabousse de son bonheur de crever de faim, elle tapisse l’azur matinal de ses larmes de joie, elle se taperait le cul par terre, j’en suis sûr, si elle se sentait de taille à se relever un jour du bitume. Si ça se trouve, avec de la patience ou de la chance, au hasard des feux tricolores, j’aurais pu assister à son clou : la mendicité topless, qu’elle pratique probablement en s’enduisant le corps d’onguents indous à faire bander les marbres.

Inutile de vous dire qu’elle ne récolta pas un rond. La pauvreté, surtout quand elle quémande, doit se faire humble, crapoteuse, et si possible accablée. Elle doit respecter la règle universelle qui prévoit qu’on ne donne jamais rien, en aucune circonstance, sauf si l’on est absolument convaincu d’avoir affaire à un crevard de compétition, beaucoup plus exténué qu’on ne l’est soi-même.

19 commentaires:

  1. A un moment j'ai cru qu'il serait question du musée des Confluences...

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  2. Ceci dit, c'est vrai: Cette difference qui finira bien par rendre quelqu'un violent entre ce pognon depense par le Haut pour des conneries qui "font sens" - le MUCEM, le musee des COnfluences, etc. Et le pognon qui n'est pas depense pour le bas.

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  3. Oui, question d'un Lyonnais expatrié qui n'a pas encore pu visiter ce fameux Musée des Confluences malgré ses fréquents mais trop brefs retours au bled : il vaut le coup, au moins ?

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    1. ha ,je demanderais à mon frangin
      mais il est dans l'avion assez souvent
      pas souvent sur terre, voyez

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    2. L'ai pas encore visité. L'ai vu construire jour après jour (je passe devant) et à certains moments, ça avait de la gueule (une bonne gueule de musée bombardé). La qualité de l'ajustage des plaques de façade, par exemple, c'est quand même impressionnant. il y a de bons artisans.
      Mais il a coûté 3 fois ce qui était prévu, et je commence à en avoir marre de ces élus qui se permettent une telle légèreté avec l'argent des gens. Dans un pays normal, l'élu qui se rend responsable de ça, il démissionne. Dans un pays normal, un mec comme ça, on ne se contente pas de lui arracher sa chemise, on lui tombe le bénard et on l'encule !

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    3. Sans vouloir pinailler, c'est 5 fois : https://www.youtube.com/watch?v=H8Eg0aGhX_w .

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    4. s'il y prend du plaisir ,où est l'interêt ?
      disons mieux , où est le châtiment?

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    5. Avec un peu de retard: une réponse complète à votre question -un article de votre humble serviteur pour la section lyonnaise d'une association politiquement très incorrecte...
      http://www.egaliteetreconciliationrhonealpes.fr/articles/evenements/le-chameau-le-masque-et-le-microscope

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    6. Char-Lotte, votre article (très bien) donne envie d'une chose : continuer de ne pas y mettre les pieds. Il donne aussi l'impression que les musées d'aujourd'hui sont faits pour les enfants, ou pour des gens qui ignorent à peu près tout de tout. La France de demain...

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  4. Je viens de recommencer un blog après quelques années d'absence, et bien content que vous etes toujours là!

    Signé un grand fan depuis Bah Non! "et ce jour, elle était le visage de la France"

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  5. C'est marrant, on dirait la gueule de Bartolone en oeuf cubique, qui ressemble à s'y méprendre à celle de Gérard Collomb dans ses jours un peu taquins.

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    1. aussi je me disais que la géométrie du truc était bizarre pour un gode
      ou alors fallait une anatomie un peu particulière pour pouvoir se l'insérer
      quoique , on sait jamis

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    2. La double pyramide intérieure est un gode en briques pour la vulve de Néfertiti, à ne pas confondre avec le double gode en obélisques d'à côté, pour trans non opéré avec anus artificiel, son cousin. De plus on dirait que la chose va pisser car elle lève la patte, mais pour en être sûr il faudrait avoir envie de soulever les plis, ce qui assure, paraît-il, un peu d'intimité pour l'entre-soi.

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    3. si la chose pisse , c'est pour ondiniste ( ou urolatres)
      si elle pisse sur le visiteur , il est possible que cette douche dorée porte chance
      dans les 90 finissantes , un film japonouille presque sérieux racontait les émois d'une graffenbergienne niponne qui aspergeait tout ce qu'elle désirait "de l'eau tiède sous un pont rouge"
      à un certain moment du film,ça en devenait suréaliste avec un tsunami initié par la cyprine de la dame
      pas sûr que ce genre de film puisse supporter d'être revu

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    4. 'Tain, ta cinéphilie ne connait pas de limites !

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    5. ha , effectivement , j'aime assez le cinéma
      pas tout,loin de là
      mais les trucs pas courants , les éléphants blancs , quoi

      pas les trucs avec des gnons , des coups de flingues et des explosions, ça , c'est pour le public amerloque , on lui laisse sa pitance , sa pâture

      bon , bonne soirée , y a ma fille sur skype

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  6. Une telle merde, musée des flatulences plutôt.

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  7. Y a pas à dire, les quatre pyramides de Gizeh ça a quand même une autre gueule hein

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