22 mai 2015

Le futur est parmi nous



C’est un exercice délicat que de faire la chronique d’un livre écrit par son voisin de palier, par un membre de sa famille, par son épouse ou par un type qu’on a croisé vingt fois aux conférences de rédaction du CGB. On risque de ne pas dire tout ce qui mériterait d’être dit, et on encourt l’accusation de partialité. Le second reproche ne peut toutefois pas m’être appliqué puisque partial, je le suis en permanence, sur tous les sujets, et avec tout le monde. Quant au risque de ne pas dire l’entière vérité sur le travail de Sixte, il existe bel et bien : je lui ai en effet promis, un soir de bonté, de ne pas révéler le nom de l’obscur auteur chez qui il pompe non seulement ses idées, mais aussi le style si particulier qui fait sa renommée chez les amateurs de styles particuliers. Voudrais-je briser cette solennelle promesse que je ne le pourrais pas : il me tient par des secrets fiscaux sur lesquels, lecteur, tu m’excuseras de faire silence.

Bref, je vais donc vanter ici les mérites d’un livre « maison », Restriction durable (et autres scènes de la vie future), écrit par un certain Sixte (de son vrai nom : Xix) et qu’on peut se procurer pour le prix d’un gros paquet de clopes. Notons qu’à la différence de celles-ci, Restriction durable ne vous foutra pas le cancer, ne vous pourrira pas les chicots, ne décimera pas votre entourage et ne ramollira pas votre quiquette. Dans ces conditions, pourquoi hésiter, je vous le demande.

12 mai 2015

Sous assistance respiratoire

C-est-mon-choix_portrait_w858 

La logique de la laïcité, c’est que la société ne présage pas de l’existence ou de la non-existence de Dieu, et qu'elle réside en terrain neutre, laissant au seul individu la prérogative du religieux. A lui de décider.

Du domaine religieux, cette logique semble à présent s'étendre à celui de la vie elle-même : ce qui transparaît du débat récent sur le suicide assisté, ou même celui sur la suppression du délai de réflexion obligatoire pour l’avortement, c'est que la société, idéalement, ne devrait pas entretenir d’a priori plus favorable envers la vie qu’envers la mort. Elle devrait observer une sage neutralité et laisser l’individu juger seul.

D’un côté on ferait savoir au mourant que rien ni personne ne le retient s’il lui prend l’envie d’en finir. De l’autre, il ne faudrait surtout pas ralentir la décision d’une personne qui a choisi d’interrompre sa grossesse.

Après tout, qui sommes-nous pour attribuer une valeur à la vie en dehors de celle que lui accorde l'individu concerné ? Sous l'angle de la Raison, pourquoi aurait-on une meilleure disposition à être qu'à ne pas être ? A l'individu, désormais, de confirmer à chaque étape de sa vie qu'il souhaite bel et bien poursuivre. On promet de ne pas l'influencer dans son choix !

Si tu veux de l'oxygène tape dans tes mains !

Ce qui motive cette vision des choses bien entendu, c'est un supposé attachement absolu au libre arbitre. Mais, ce que l’individu a le droit de penser (par exemple que la vie ne vaut pas ou ne vaut plus la peine d’être vécue), la société n’a pas forcément à se le permettre. Nous avons là un habile tour de passe-passe rhétorique qui interchange les échelles individuelle et sociale auxquelles se situe le débat. Le mariage pour tous avait déjà fait le coup, en remplaçant l’égalité de tous les couples devant le mariage par l’égalité de tous les individus. Merdoiement dans les unités de mesure !

Ce que l’individu a le droit de penser de la vie, la société n’a pas à se le permettre, et il est heureux que mon médecin ou mon système de santé ait un préjugé favorable à la vie plutôt qu’à la mort, qu’il ne soit pas tout à fait impartial, voire qu’il se fasse un « pro-life » un peu emmerdant ! A contrario, il est symptomatique qu’une société rechigne à être catégoriquement affirmative envers la valeur de l’existence. Sous l’amour du libre arbitre, se cache un empressement morbide (mais se cache-t-il encore ?), le signe d’une société terriblement fatiguée, attirée par le vide, cherchant à regagner la sortie.

Ces histoires ont enfin ceci d’effrayant qu’il ne se trouve bientôt plus personne pour comprendre que tout n'a pas sa solution dans la loi et qu’il puisse exister des domaines où l’Etat cesse de jouer un rôle. L’homme a une existence antérieure à l’Etat, une liberté en dehors de la société. La mort, le suicide, devraient paraître une frontière suffisamment évidente derrière laquelle tout s’arrête et derrière laquelle l’homme doive s’avancer seul, sans plus personne.

Génies ailés et autres Victoires

Dans son journal, alors que de retour d’un dîner il marche dans Paris de nuit, Ernst Jünger fait cette description saisissante :

« Le génie ailé de la Bastille, avec son flambeau et les tronçons de chaîne brisée qu’il tient dans ses mains, éveille en moi, chaque fois que je le vois, l’impression toujours plus vive d’une force extrêmement dangereuse et qui porte loin. Il donne le sentiment à la fois d’une grande rapidité et d’un grand calme. On voit ainsi exalté le génie du progrès, en qui déjà vit le triomphe d’incendies à venir. Tout comme se sont unis pour l’instituer l’esprit plébéien et l’esprit mercantile, il conjugue en lui la violence des Furies et l’astuce de Mercure. Ce n’est plus une allégorie ; c’est une véritable idole, environnée de ces souffles d’une violence terrible qui, de tout temps, ont auréolé ces colonnes d’airain. » 


J’étais ravi de lire cette explication qui est en même temps une terrifiante mise à nu, car cet espèce de faune enfantin et doré m’a en effet toujours causé un malaise sans que je puisse dire lequel.

Joie de trouver la description si nette d’un sentiment pour le moins confus. Joie de courte durée cependant, puisque reprenant le texte quelques heures après afin de le recopier, je réalise qu’il est question de la statue de la Bastille, et non de celle du Châtelet comme j’avais cru le lire ou comme je me l’étais en tout cas imaginé. Moyennant quoi le diablotin en haut de la colonne du Châtelet reste l’objet véritable de ma phobie.

8 mai 2015

AbribusGate in Paris


Bander
Abrilib. Bandant non ?
A Paris, les élus sont tellement des branques, que même la question des abribus, c’est trop compliqué pour eux.

Depuis quelque temps, on a vu les nouveaux abribus débarquer dans les rues de Panam. Bon, les anciens, il étaient ni abîmés ni rien hein. Mais fallait croire que le moment était venu de les remplacer, c’est-à-dire surtout pour Decaux, le gars qu’a une entreprise qu’on dirait un monopole, et subventionné avec notre artiche en sus.
- Tu veux faire quoi dans la vie fiston quand tu seras grand ?
- Decaux Papa !
Tu m’étonnes...
Un mec dont on doute pas une seconde qu’il n’est/n’a jamais été/ne sera jamais socialiste.

Alors voilà les nouveaux abribus sont là ma gueule ! Tatam ! Genre on l'appellorio l'Abrilib.

Bon, moi les abribus, je m’en tamponne le marion-cotillard, vu que je déteste le bus : trop lent. T’as un feu tous les 20 mètres, et entre, t’as un putain d’arrêt de bus que tu pries à chaque fois pour qu’un handicapman appuie pas sur le bouton passerelle sinon c’est baisé, t’en as pour what milliard d’heures… Bon et si c'est pas ça, c'est que y'a un Velib devant, genre éléphant dans un couloir de bus, alors toi, avec ton Pass Navigo à 90 boules, bah tu roules à l'allure du Vélib. CdansleQFD.

Donc ouais, les nouveaux abribus débarquent et accroche toi ma gueule : c’est Star Wars 7 !
C’est du lourd !
Là, c’est de l’abribus de compétition.
C’est l’abribus du XXIème siècle !
Tiens, c’est pas compliqué, le XXIème siècle sera abribusé ou ne sera pas !
Avec les nouveauzabribus, Paris affirme clairement ses intentions là dis donc : s’emparer du leadership mondial sur la question de l’abribus !  

Tatiana – une jeune stagiaire du Cultural d'1m77 sur yeux bleu indigo – fais don’ péter les présentations ! (imaginez une voie de billatche d’aéroport, une voie blanche, genre cochonne des Carpates, comme celle à Pascale Clark, mais en mieux hein ! Avec un putain de joli minois de Tatiana et pas une tronche banchroche de tromblon !)

Tatiana :
" L'Abrilib est pourvu de lignes très ondulatoires pour s’intégrer parfaitement dans l’espace de circulation partagée.
Dessiné par un architecte, il est doté d’un toit en forme de feuille de platane pour un look environnemental résolument développement durable.
Libéré de toute cloison, il innove en délivrant l’espace, invitant ainsi chacun au mouvement pour tous.
Avec ses places assises ultra compactes, l’abribus parisien nouvelle génération, se veut générateur d’interactions sociales entre les individus.
Connecté, le nouvel abribus parisien dispose d’écrans tactiles et de ports USB.
Abribus Sexy, Abribus Bio, Abribus Open Space, Abribus Compact, Citoyen, Intelligent, Reloaded et 2.0, venez vivre l’expérience Abribus by Paris : l'Abrilib. 
Avec Abrilib, vous n’attendrez plus le bus par hasard... " 

Merci Tati.
Donc en gros, c’est l’iAbribus c't'affaire. Steve Jobs, y doit se retourner dans sa tombe de pas avoir pensé à inventer ce putain d’abribus de deglingos qui :
-       te protège plus de la pluie vu  que le toit en forme de feuille de platane ou de vigne - franchement on s’en bat les couilles ma gueule, ça ressemble juste à un bout de plastoc - il est tout riquiqui et/ou mal foutu ;
-       te protège plus du vent vu qu’y zont ouvert le bidule aux Quatre Saisons pour améliorer l’accès des handicapman, ceux dont t'espère tous les jours qu'y vont pas tomber en plein dans ton trajet ;
-       te permet plus de poser un cul, à la limite une fesse. Dommage les vieilles carnes ! Vous passez après les handicapman !

Avec ça, on voit pas comment on pourrait nous refuser les JO, l’Expo Universelle et plus globalement la Lune ! D'ailleurs, je suis à peu près certain que c'est le rêve ultime des élus parigots ça : faire une piste cyclable sur la lune.

on n'arrêt pas le progrès, c'est à dire qu'on régresse
La honte de Prométhée : "Si j'avais su que ça partirait autant en couille..."
A Paris, c’est quand même Vis ma vie d’élu handicapé depuis au moins la Commune.
Voyez le désastre sur une pauvre question de mobilier urbain comme y disent. Imaginez comme ils gèrent le reste...

On n’a pas cherché le prix du marché public, ni vérifié si l’appel d’offre était certifié conforme, on n’a pas non plus cherché le nom de l’empaffé d’architecte qu’a pondu cette daube ultra pas fonctionnelle, on s’est fait suffisamment de mal comme ça, d’autant qu’on se doute des 2/3 des réponses (cher, mais genre de chez cher, appel d’offre en mode petits meurtres de contribuables entre amis).
Et on va pas perdre notre souffle à tempêter que c’était mieux avant, quand un bon vieil ingénieur des familles s’occupait de ce genre de binz.

On n’arrête pas le Progrès. C’est-à-dire qu’on régresse.

Aaaah, vivement la prochaine Gay Pride/Techno Parade/Manif lycéenne, que tout ça se fasse bien éclater la gueule... C'est fait pour.

7 mai 2015

Caméras cachées

princesse connasse 

En ce moment sort Connasse, un film « entièrement réalisé en caméra cachée ». Si je comprends bien, alors que les autres caméras cachées se sentaient encore le besoin d’inventer une mécanique, une ingéniosité, une situation dans laquelle faire entrer la victime, il s’agit ici de pousser n’importe quelle porte et de se comporter en connasse avec le premier venu. C’est « drôle », parce qu’il y a une caméra qui filme.

C’est, en fin de compte, la caméra cachée poussée dans sa forme chimiquement pure : une caméra cachée, aussi drôle ou réussie soit-elle, fonctionne sur un seul principe, celui de l’humiliation du quidam face à la masse hilare. Le garnement qui, dissimulé dans un buisson, réalisait la farce-attrape du « portefeuille », tirait son plaisir autant de la supercherie elle-même que de la course-poursuite qui allait s’ensuivre. Dans l'optique d'une caméra cachée au contraire, ce type de gag rend la course-poursuite hors de propos. La caméra toute-puissante autorise tout, la révélation de sa présence est supposée annuler tout conflit ou toute réclamation.

On fait un croque-en-jambe à un inconnu, il s’étale, et on le relève en lui signalant immédiatement que tout cela était filmé. C’était filmé, donc tout est OK ! il peut ramasser son chapeau et reprendre ses activités. Il y a, induit, le principe que l’on est soumis à l’empire télévisuel de la dérision et que son petit orgueil personnel n’a qu’à s’écraser.

Mésaventure qu'on m'a racontée mais dont je ne trouve pas les images : un jour, un boute-en-train télévisuel quelconque s’invite à une table où le chanteur Gilbert Bécaud est assis avec une amie, et lui demande frontalement « s’il va la baiser » ou quelque chose de la sorte (=> gag !). Sans attendre, Bécaud lui assène une baffe magistrale, estimant sans doute que la possession d’un micro ne dispense personne de la correction la plus élémentaire !

beliveau
Forcément, ça casse un peu l'ambiance...

Logiquement, c'est toujours ainsi que devrait se terminer une caméra cachée. Logiquement, la réaction d'un bonhomme comme Bécaud pourrait être celle d'un dignitaire papou, du Dalaï-Lama, ou de toute personne n’ayant pas baigné de façon prolongée dans la culture du ricanement télévisuel. Toute personne n’étant pas accoutumée à la toute-puissance du micro ou de la caméra. Aussi, est-ce peut-être dans cette seule extrémité que la caméra cachée redevient louable : lorsque le trublion ne s'abrite pas derrière l'impunité télévisuelle pour humilier une victime qui ne demandait rien, mais qu'il se met lui-même en danger, en position de victime potentielle afin que le rire provienne du risque de retour de bâton. Spectacle de Guignol.

Pour en revenir au totalitarisme de la caméra, on peut noter pour finir qu'il ne se limite pas à la version potache et humoristique de l'exercice : la caméra cachée journalistique profite, elle aussi, d'une totale immunité. Personne ne se sent plus dans son droit qu’un journaliste d’investigation qui extorque des informations en caméra cachée. "Nous avons filmé le reste de l'entretien en caméra cachée"... A partir de là, tout est permis ! Au lieu de paraître déloyal, il paraît audacieux. Un journaliste pourrait saigner une grand-mère pour arriver à ses fins, pourvu que cela se fasse sous l’œil d'une caméra cachée.

2 mai 2015

Coup du parapluie, seins nus et muguet fané

Cours Armes improvisées par Bruno Gollnisch

Le 1er mai aura été secoué non agité en 2015.  

Secoué. Confer les journalistes du Petit Journal victimes du coup du parapluie de Bruno goGollnisch et autre bourre-pif de quelque goGolgoth bas de front(-iste) lors du traditionnel rassemblement du FN au pied de la statue équestre de Jeanne d’Arc, place des Pyramides, rue de Rivoli.

Secoué. Confer les Femen au balcon, toujours lors de ce même rassemblement bleu Marine blanc rouge. Seins nus, salut nazi à la main, leurs corps banderoles homme-sandwich bariolés de slogans coups de poing sur les i très master I en marketing politique, option antifa, promo Clément Méric - Heil Le Pen, ou un moins inspiré Le Pen Top fasciste - les militantes féministes furent quasi trainées par les cheveux par le service d’ordre du Front National devant une foule hystérique éructant de haine et faisant voler les noms de vertébrés tétrapodes ailés, traitant ces demoiselles de « salopes ! » ou autres « salopes ! » L’unanimité, l’imagination, même nombre de syllabes, c’est à peu près tout rayon points communs.

1 mai 2015

Les papas et les mamans



La comédie humaine ne se montre pas avare de prétextes pour nous faire détester nos semblables, oh non. Les plus grands vices côtoient même, dans ce catalogue désespérant, les tics les plus infimes. Car un bon détestateur n’a nul besoin de grandes causes pour répandre son mépris sur le genre humain : les broutilles font aussi bien l’affaire. Produire local, se contenter de peu, détester pour une virgule : c’est son credo.
La langue française est comme toutes les langues : mélange de règle et de pratiques. La pratique finit toujours par l’emporter sur la règle, à la longue, la chose est certaine. Cela ne doit pas nous dissuader de défendre la règle quand on l’attaque par ignorance, par fainéantise et mauvais goût, ce qui représente 99% des cas. Mais plus encore que la règle, c’est l’esprit que la règle encadre qu’il s’agit de protéger. Un des cas les plus navrants de ces attentats est l’habitude proliférante de parler de papas et de mamans en lieu et place de pères et de mères.

Le son du jour qui fête le 1er mai à sa manière