30 janvier 2013

Les armes de la dérision





Tout le monde connaît cette blague des deux mecs qui marchent sur un trottoir et qui s'arrêtent devant un truc posé au sol.
- Dis-donc, Jean-Pierre, tu vois ce que je vois ?
- Oui, on dirait bien que c’en est.
- Attends n peu... voyons ça de plus près.
Les deux types se foutent à quatre pattes se mettent à sentir le truc.
- Oh, là là, pas d'erreur, c'est une odeur caractéristique!
- Ha, ça oui, question parfum, on est fixé!
- Tu crois que c'en est?
- ben ça me semble clair... en tous cas, je suis presque sûr.
- Attends un peu... je vérifie quelque chose
Le type plonge son doigt dedans et goûte le truc
- Ha, là, je suis en mesure de te confirmer la chose : c'est bien de la merde!

Oui, il arrive assez souvent qu’une chose soit là, posée devant nous comme un bibelot sur une étagère, mais un curieux phénomène nous empêche de la voir. Au sens propre, nous la voyons, sans doute, mais le cerveau nous transmet une autre image. Comme le gars qui chante sous la douche et qui prend le bruit de l’eau pour des applaudissements. C’est son désir d’être admiré qui le conduit à entendre le son de l’admiration : des applaudissements.

Nous sommes devenus tellement sophistiqués, ou tellement benêts, que nous n’arrivons plus à nous contenter de ce que nous voyons. La réalité est comme une ombre de la réalité.
Un rappeur vient chanter qu’il veut « niquer la France » : nous entendons un appel vibrant à l’amour patriotique.
Un ministre vient nous dire qu’il va baisser les retraites, et nous entendons qu’une solution est trouvée.
Un empaffé soutient qu’il faut ficher les enfants dès la naissance, et nous entendons qu’il se soucie de notre sécurité.
L’OMC du socialiste Pascal Lamy somme la France d’ouvrir tous ses marchés à la concurrence, écoles comprises, et nous continuons à croire que les gouvernements de gauche nous protègeront du libéralisme…

Aux États-Unis, le débat sur la vente des armes est relancé. Chacun a sa petite opinion, chacun son article constitutionnel sous le bras. L'enjeu est de taille, et il n'est pas uniquement financier. Plus étonnant, le Français aussi a son avis sur la chose, bien que pour un Français, la chance d'être consulté dans un référendum américain sur la vente des armes est égale au zéro absolu. Qu'importe, en France, on a le droit d'avoir un avis sur tout, y compris sur des conneries. D'ailleurs, moi-même, ici-même, j'ai un avis...

Dans cette histoire d’armes en vente libre, c’est un peu comme dans la blague sur la merde. Tout le monde peut aller dans un supermarché, observer de ses propres yeux les gens qui y déambulent. Tout le monde peut lire les journaux, creuser la question de l’insécurité, de la dégradation du sens civique, de l’inflation des violences civiles, tout le monde peut constater les effets du mimétisme en matière de comportements lamentables (l’homme est en effet plus enclin à imiter un héros tarantinien qui fait parler la poudre pour une place de stationnement, plutôt qu’à mettre ses pas dans ceux de l’abbé Pierre ou de Henry Dunant, c’est ainsi), tout le monde connaît la déliquescence du sentiment collectif dans les grandes métropoles, tout le monde peut se renseigner sur la violence ordinaire des cours d'école. Et pourtant, dans ce pandémonium où l’incrédulité le dispute au désarroi, certains estiment qu’il manque un élément : des armes en vente libre. Oui, dans le métro à 23 heures ou dans un stade de football le samedi, dans une zone sensible ou le 31 décembre sur les Champs-Élysées, à la sortie d’une boîte de nuit ou à celle d’un collège en Zep, ce qui ramènerait un peu d’harmonie, ce sont quelques armes de fort calibre.
Comment une telle évidence ne nous a-t-elle pas depuis longtemps rassemblés ?

Regardons ce petit film, et tâchons d’en voir tout le charme sociologique…








C.A.C.A.contre les méchants



Un con a dit un jour qu'un bon dessin vaut mieux qu'un long discours. Peu de temps après, il perdait la bataille de Watetloo, preuve qu'il était bien con.

En revanche, il est assez facile de prouver qu'une bonne parodie vaut un long documentaire. Il suffit de regarder ce classique, dont on ne se lasse pas...


LE CACA (nouvelle association anti racisme... par mozinor

28 janvier 2013

Les gens qu'on aime : Ernst Lubitsch


Ernst Lubitsch est né le 29 janvier 1892, une date pas plus mauvaise qu’une autre pour venir au monde. En revanche, il est mort le 30 novembre 1947, date pas terrible pour mourir, chacun en conviendra.


Ernst Lubitsch est un génie de la comédie, c'est-à-dire qu’il est un maître du dialogue et du rythme, ce qui fait beaucoup pour un seul homme. Ses dialogues mettent en avant la vanité de personnages puissants, la ringardise des petits, le malheur des faibles. Les maris sont cocus, les acteurs sont avides de gloire, les politiciens sont des filous, et plus les aristocrates sont guindés, plus ils attirent sur eux le désordre. Avec Lubitsch, on rit de tout le monde, et en toutes circonstances. A l’extrême fin du XXème siècle, on reprochera à Roberto Begnini de tourner en comédie la vie dans les camps de concentration (dans son navet intersidéral La vie est belle). Lubitsch tourna pourtant To be or not to be en 1942, en pleine incertitude sur la guerre. Dans cette farce énorme sur le nazisme et la résistance polonaise, il plaisanta sur les camps de concentration et les bombardements au moment même où des gens en souffraient. Autre époque, moins fragile des nerfs…
To be or not to be est un festival de bons mots, de scènes loufoques (comme cet acteur jouant la grande scène d’Hamlet, prenant un instant avant de dire sa tirade, et à qui le souffleur, croyant à un trou, dit « Être ou ne pas être… »), c’est une mine de portraits dérisoires sur fond de drame. Dans ce film, tout le monde est ridicule, résistants comme bourreaux, ce qui n’empêche ni les résistants de résister, ni les bourreaux d’être des monstres. Pour rendre le drame plus réel, il n’est donc pas nécessaire d’oublier que la vie bouffonne ; leçon oubliée qui permettrait aujourd'hui à nos réalisateurs français d’alléger leur catéchisme.

Chose curieuse quand on parle cinéma, il est assez courant de rencontrer de véritables cinéphiles qui n’ont presque aucune connaissance du cinéma d’avant-guerre. Ils peuvent être incollables sur Sam Peckinpah mais ne rien savoir de Jean Renoir, être calés sur le New Hollywood en ignorant tout de Lubitsch ou, plus fréquent encore, ils peuvent avoir une connaissance encyclopédique des séries B, des nanars sympathiques, mais n’avoir jamais rien vu de Murnau. Et puis on trouve aussi des gens trop jeunes pour avoir eu le temps de s’occuper de ces vieilleries. J’ai même rencontré des gens avouant avoir un problème avec les films en noir et blanc… Qu’importe ! Qu’ils se penchent un peu sur le grand Lubitsch, sur To be or not to be (Jeux dangereux, en français), sur La huitième femme de Barbe bleue, sur The shop around the corner ou sur La folle ingénue, ils auront du mal à ne pas succomber à la virtuosité de ce grand francophile, à son charme, à la légèreté de sa folie douce, à sa vision comique du monde et, pour le résumer en un mot, à sa loufoquerie.


24 janvier 2013

Victoire !


Emprunts russes

FRANCE-EMPRUNT

Au contraire de ceux qui feignent l’indifférence et prétextent qu’il y a des choses plus importantes, je trouve « l'affaire Depardieu » et les réactions qu’elle suscite absolument signifiantes. Elles en disent long sur notre société et notre époque.

Au moment où l’acteur est « parti » en Russie et que Brigitte Bardot menaçait de le rejoindre, on a pu entendre les sarcasmes de ceux qui, piqués au vif et vexés quoi qu'ils en disent, se réjouissaient, disaient tant mieux, qu’ils partent ! Et qu'en échange on accueillerait volontiers les trois Pussy Riot !

On entend ça et tout à coup les choses deviennent très claires. Tout à coup l’Hexagone se fracture selon une ligne très nette. Le monde se divise en deux catégories, Tuco ! Il y a ceux qui, sans même très bien les connaître, sans être particulièrement aficionados, pressentent tout de même qu’à eux deux, Depardieu et Bardot comptent pour un petit quelque chose dans l’imaginaire et le prestige français des 50 dernières années… et il y a ceux qui sur un coup de tête mettraient tout ça à la poubelle et le troqueraient en échange de l’apport culturel des Pussy Riot.

Pour eux, le deal est équitable : ils s’estimeraient quittes voire y gagneraient au change. Les Pussy Riot, groupe de punkettes comme il en existe dans toute ville de plus de 3 000 habitants, comptaient il y a quelques mois encore très exactement pour rien aux yeux du monde. Aujourd’hui, elles représentent à peine plus. Y compris dans l’esprit de ces gens qui les réclament en échange. C’est-à-dire qu'ils ne savent toujours pas qui elles sont, n’ont rien entendu d’elles, ne les connaissent absolument pas autrement que par l’écho, aussi tonitruant que passager, que les médias ont fait de leur scandale. En dehors de quelques curieux qui se seront peut-être donné la peine de cliquer sur un lien, personne n’a jamais entendu une seule de leurs chansons, ni ne réalise que ce qu’elles ont à leur actif se résume à des performances d’obscénité publique. Mais peu importe ! A leurs yeux, le symbole téléphoné d’une liberté d’expression bon marché muselée par la religion et la tyrannie vaut bien les centaines de films, la poignée de chefs-d’œuvre, les milliers d’images cumulés sur un demi-siècle de nos deux icônes culturelles. Ces gens-là ont fait leur choix : si l’une des deux œuvres est à démolir au burin, leur main ne tremblera pas.

 
destruction monuments

La question, dès lors, est la suivante : comment vivre avec ces gens-là ? Comment vivre parmi ces gens-là ? Comment constituer avec eux une seule et même société, une seule et même patrie ? Quelle communion est possible avec un voisinage qui a atteint un tel degré de nihilisme jovial ? Et en quoi, après tout, une Caroline Fourest qui se réjouit de « perdre » Depardieu si seulement elle obtenait les Pussy Riot, m’est-elle moins étrangère qu’un réfugié du Baloutchistan ? Ces personnes-là sont nos talibans. On parle de cohésion et d’intégrer l’immigration, mais le vrai défi qui exige qu'on se retrousse les manches serait en réalité de réintégrer ces autochtones déculturés.

Mais la tâche est immense, et plutôt que d'espérer les convertir, il semblerait plus aisé de convaincre les personnes qui ont encore la tête à l’endroit de partir, ensemble, tout recommencer en Sibérie.
A propos de l'emprunt russeAu cours du XIXème siècle, la Russie emprunte à plusieurs reprises des capitaux à la France. En 1917, elle déclare de façon unilatérale l'annulation de ses dettes. Plus d'un million et demi de Français qui avaient investi dans ces emprunts perdent leur placement. Dans les années 20, on révèle que la presse française, corrompue par le gouvernement russe à partir de 1900a fortement participé à promouvoir le placement des emprunts russes auprès du grand public. 

23 janvier 2013

Les gens qu'on aime : Humphrey Bogart


Si la sécurité sociale avait été un peu plus efficace, Humphrey Bogart fêterait aujourd'hui son cent quatorzième anniversaire. Il était né le 23 janvier 1899, ce qui semble une date pas plus mauvaise qu'une autre pour venir au monde.

Les acteurs de la grande époque ont été conçus comme des icônes. Ils n'avaient pas pour fonction d'être comme vouzémoi, ni de servir de modèle au premier péquin venu. En tant que stars, ils devaient illuminer le ciel et servir de points de repères inatteignables à nos sordides destinés. C'est d'ailleurs devenu leur faiblesse : le star système démoli, ils nous apparaissent aujourd'hui comme de curieux anachronismes, avec leurs poses, leurs sourires permanents, leurs coiffures impecc. Marilyn Monroe en est la quintessence, d’où la valeur incroyable des rares photos où elle semble « normale ». Art de l’artifice, le cinéma pouvait bien logiquement créer des idoles artificielles. Il s’agissait de faire rêver après tout, ambition plutôt noble, et si reposante, avant nos acteurs engagés, militant 24 fois par seconde…

Bien qu’il ait été une star, Humphrey Bogart a su garder (au moins pour moi) une certaine proximité avec les êtres humains normaux. C’était sans doute plus facile à faire pour lui, en tant qu’homme, que pour ses copines de panthéon. Les stars féminines avaient pour unique mission de porter le statut d’objet de convoitise, traditionnellement dévolu à ces dames, à un point d’incandescence permanent. Quand on s’appelle Greta Garbo, ou Ava Gardner, pas question de faire ses courses chez Auchan ni de repasser son linge soi-même !


Bogart, lui, cultivait ce curieux équilibre d’élégance et de nonchalance, une sorte de clint-eastwoodisme avant la lettre, old school. Il savait même être « négligé », dans une époque où l’on quittait à peine sa cravate pour prendre son bain. Charme de la virilité sûre d’elle-même. Qu’est-ce qu’un acteur, après tout, à part un corps qui bouge ? Nous aimons un acteur à travers les années parce qu’il a joué dans de grands films, ou parce qu’il incarne parfaitement une époque. Bogart cumule les deux. Il est l’acteur emblématique d’un genre qui a atteint d’emblée sa perfection : le film noir. Ça suffit pour faire une gloire, non ?

Dans ce petit extrait de The big sleep (Le grand sommeil- Howard Hawks 1946), goûtons le piquant des dialogues entre Bogart et celle qu'il avait épousée un an auparavant, Lauren Bacall, toujours vivante aujourd'hui.

Si ça se trouve, comme nous en ce 23 janvier, elle pense à lui.


18 janvier 2013

100 films que si tu les aimes pas, t'es rien qu'un con


Entre l’affaire Depardieu et celle dite du salaire des comédiens français via le financement public du cinéma, on dirait qu’un vent fétide souffle sur cette respectable industrie. Le cinéma français n’avait pourtant pas besoin de ça, englué qu’il est dans une médiocrité générale d’où émergent, rarement, et presque par hasard, de bonnes choses. Quant au cinéma américain, la fatuité française le range depuis longtemps dans le camp de la « grosse industrie », c'est-à-dire à peu près au même rang artistique que la production de yaourts.
On se marre !


Le cinéma, on va vous expliquer ce que c’est. Et d’abord, ce que ça n’est pas : ça n’est pas une catégorie réservée aux cinéphiles, aux journalistes avertis, aux rats de salles obscures, aux étudiants en cinéma, aux monteurs, aux éclairagistes, aux comédiens ni aux historiens du septième art. Le cinéma, c’est un art pour tout le monde, blaireaux compris (du reste, les blaireaux ne s’en privent pas – voir les succès records établis ces dernières années en France). Les blaireaux sont d’ailleurs ceux qui financent le plus le cinoche, en allant voir les mauvais films. Respect pour eux ! Autre intérêt du blaireau : il est content. Il a vu un mauvais film, et est le dernier à pouvoir s’en apercevoir. Il reviendra. Un système basé sur une telle escroque, ça aussi ça mérite le respect !

Désormais, une clique particulière s’arroge le droit de classer les films par ordre de mérite. Des mecs des Cahiers du cinéma, non contents de nous dire ce qu’il faut penser de tel ou tel film dès sa sortie, nous assomment avec ce qu’ils appellent sans rire les « 100 meilleurs films de l’Histoire ». D’où qu’ils sortent, ces pions-là ? D’où t’as vu que L’Atalante est un bon film ? Pire, Le mécano de la Générale, cette interminable longueur ! D’où tu vas prétendre que La règle du jeu est meilleur que There will be blood , ou que La maman et la putain vaut ne serait-ce que le générique de fin de Little big man ?



Nous, au CGB, on se réunit souvent pour statuer sur la marche du monde. Nos locaux de la Défense sont équipés pour rendre la chose agréable, on ne se plaint pas. On en profite pour regarder des films et les classer selon des critères scientifiques. Un écran géant ? Même pas, deux mètres par trois, c’est suffisant.
Les films, c’est pas compliqué : il ne faut avoir aucun respect pour eux. Aucun respect pour ce qui a été novateur mais qui pue la charogne, ou ce qui a fait rire au Moyen-âge mais nous fait rougir de honte aujourd’hui. Quand on lit Molière, ça tient le coup. Quand on voit Chaplin faire le con en patins à roulettes, ça tient le coup. Quand on écoute un dialogue de Truffaut, on a l’impression qu’il a été écrit trente ans avant l’an mille, et par un trou du cul !

Voici donc enfin révélés les cent films que si tu les aimes pas, t’es rien qu’un con !

1- L’inspecteur Harry (Donald Siegel 1971)
2- Pain et Chocolat (Franco Busati 1972)
3- Parfum de femmes (Dino Risi 1974)
4- Taxi driver (Martin Scorsese 1976)
5- L’arbre aux sabots (Ermano Olmi 1978)
6- The big Lebowski (Frères Coen 1998)
7- Citizen Kane (Orson Wells 1941)
8- Le voleur de bicyclette (Vittorio de Sica 1848)
9- Douze hommes en colère (Sidney Lumet 1958)
10- Uranus (Claude Berri 1990)
11- Raging Bull (Martin Scorcese 1980)
12- Un poisson nommé Wanda (Charles Crichton 1988)
13- Le cave se rebiffe (Gilles Grangier 1961)
14- Nosferatu (Friedrich Murnau 1922)
15- American Beauty (Sam Mendès 1999)
16- 100 000 dollars au soleil (Henri Verneuil 1963)
17- It happened one night - New York - Miami (Franck Capra 1934)
18- La grande bouffe (Marco Ferreri 1973)
19- Païsa (Roberto Rossellini 1946)
20- L'homme au complet blanc (Alexander MacKendrick 1951)
21- Calmos (Bertrand Blier 1976)
22- Josey Wales hors-la-loi (Clint Eastwood 1975)
23- Salò ou les 120 Journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini 1975)
24- Radio Days (Woody Allen 1987)
25- Le Bal (Ettore Scola 1983)
26- M le maudit (Fritz Lang 1931)
27- Baby Doll (Elia Kazan 1956)
28- Le Feu follet (Louis Malle 1963)
29- Fellini Roma (Federico Fellini 1972)
30- Les Temps modernes (Charles Chaplin 1936)
31- Le Grand Sommeil (Howard Hawks 1946)
32- La paysanne aux pieds nus (Vittorio de Sica 1960)
33- Le Corbeau (Henri-Georges Clouzot 1943)
34- Little Big Man (Arthur Penn 1970)
35- Duel (Steven Spielberg 1971)
36- Les Valseuses (Bertrand Blier 1973)
37- Le Décaméron (Pier Paolo Pasolini 1971)
38- Miracle en Alabama (Arthur Penn 1962)
39- Magnolia (Paul Tomas Anderson 1999)
40- Umberto D. (Vittorio De Sica 1952)
41- Tous en scène (Vincente Minnelli 1953)
42- Rollerball (Norman Jewison 1975)
43- Le Parrain (Francis Ford Coppola 1971)
44- Hôtel des Amériques (André Téchiné 1981)
45- There will be blood (Paul Thomas Anderson) 2007
46- Le Gouffre aux chimères (Billy Wilder 1951)
47- Mes meilleurs copains (Jean-Marie Poiré 1989)
48- La soif du mal (Orson Welles 1958)
49- Un air de famille (Cédric Klapisch 1996)
50- Fargo (Joel & Ethan Coen 1996)
51- Une balle dans la tête (John Woo 1990)
52- La Poison (Sacha Guitry 1951)
53- Un Idiot à Paris (Serge Korber 1967)
54- Autant en emporte le vent (Victor Flemming 1939)
55- Chantons sous la pluie (Stanley Donen/Gene Kelly 1952)
56- Les Duellistes (Ridley Scott 1977)
57- Il était une fois la révolution (Sergio Leone 1971)
58- Hair (Miloš Forman 1979)
59- Les Vieux de la vieille (Gilles Grangier 1960)
60- Il bidone (Federico Fellini 1955)
61- La famille (Ettore Scola 1987)
62- Ghost Dog (Jim Jarmusch 1999)
63- Fight Club (David Fincher 1999)
64- Zatoichi (Takeshi Kitano 2003)
65- Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol 1997)
66- La Grande Evasion (John Sturges 1963)
67- The Big Boss (Lo Wei 1971)
68- L'emmerdeur (Edouard Molinaro 1973)
69- La rivière sans retour (Otto Preminger 1954)
70- Un Singe en hiver (Henri Verneuil 1962)
71- Soleil vert (Richard Fleischer 1973)
72- Un mariage (Robert Altman 1978)
73- Et pour quelques dollars de plus (Sergio Leone 1965)
74- Deux hommes dans la ville (José Giovanni 1973)
75- L'argent de la vieille (Luigi Comencini 1972)
76- La Nuit du chasseur (Charles Laughton 1955)
77- Short cuts (Robert Altman 1993)
78- Gorge profonde (Gérard Damiano 1972)
79- Le Limier (Joseph Mankiewicz 1972)
80- Alien (Ridley Scott 1979)
81- Training Day (Antoine Fuqua 2001)
82- Heat (Michael Mann 1995)
83- Casino (Martin Scorcese 1995)
84- Mystic River (Clint Eastwood 2002)
85- Ben Hur (William Wyler 1959)
86- The gateway (Sam Peckinpah 1972)
87- Infernal Affairs (Andrew Lau/ Alan Mak 2002)
88- Boogie Nights (Paul Thomas Anderson 1997)
89- Memories of murder (Bong Joon-ho 2003)
90- Papillon (Franklin Schaffner 1973)
91- Network (Sidney Lumet 1976)
92- Tenue de soirée (Bertrand Blier 1986)
93- Barry Lyndon (Stanley Kubrick 1975)
94- Pulp Fiction (Quentin Tarantino 1994)
95- Beaucoup de bruit pour rien (Kenneth Branagh 1993)
96- Préparez vos mouchoirs (Bertrand Blier 1978)
97- Shining (Stanley Kubrick 1980)
98- Sue perdue dans Manhattan (Amos Kollek 1997)
99- Full Metal Jacket (Stanley Kubrick 1987)
100- Vol au dessus d’un nid de coucou (Miloš Forman 1975)

15 janvier 2013

Les gens qu'on aime : Donald Fagen

Non, nous ne sommes pas des amis parfaits. Par négligence, il nous arrive de perdre le contact avec les meilleurs des compagnons, parce que nous ne leur consacrons pas le temps nécessaire au bon moment, parce que nous faisons autre chose, parce que nous galopons au lieu de flâner ou parce que cela demande un petit effort, et que nous sommes faibles. Puis, quand le temps écoulé sans visite devient trop important, la honte nous empêche de reparaître en disant simplement bonjour. Nous cherchons alors des prétextes, nous nous maquillons, nous attendons le bon moment, qui ne vient pas. Nous échafaudons des plans pour pouvoir faire comme si de rien n’était. Peine perdue : nous cherchons la formule magique là où la plus grande simplicité serait requise. Et nous remettons au lendemain, puis au lendemain.

Souvent, à court d’idées géniales mais enfin décidés, nous choisissons l’occasion la plus « tarte » pour repointer notre museau : une fête, la saint-machin, un anniversaire. Au fond, est-ce que les anniversaires ne sont pas faits aussi pour ça, retrouver les gens qu’on aime ?...

Non, nous ne sommes pas des amis parfaits, mais qui nous le demande ? Nous choisirons donc ces prétextes grossiers, les anniversaires, pour parler ici de ceux qui nous sont chers ou simplement les évoquer. Faire connaître, rappeler, signaler leurs présences.

Ce 10 janvier 2013, commençons donc par célébrer les 65 ans de Donald Fagen, l’orfèvre discret du jazz-funk, le plus mal fagoté des princes de l’élégance.

Plutôt que d’en parler, écoutons-le. Un morceau emblématique, daté de 1982, résume à mon avis très bien l’art du bonhomme, Maxine. (Précisions d’emblée que le traitement de la batterie est le seul « défaut » de ce petit chef-d’œuvre, un détail qui rappelle le défaut majeur et général des années 80). Passons donc sur le son de la batterie pour nous régaler du meilleur, la mélodie, l’arrangement fascinant des chœurs, la grâce harmonique. Et en passant, le saxophone de Mickael Brecker…



Comme un chroniqueur américain l’a récemment remarqué, la différence entre les vieux rockers du genre des Stones et les dinosaures du calibre de Fagen, c’est que les premiers ont bâti leur gloire sur un public d’adolescents, avec des chansons qui s’adressaient à eux, avec leurs mots. Quand vous n’êtes plus adolescent vous-mêmes (pour peu que vous soyez anglophone), les love me, hold me, I wanna love you all night long, ça ne fonctionne plus. Ça paraît même d’une niaiserie confondante (sans parler du spectacle offert par des septuagénaires se dandinant dans des poses sexy…).
Donald Fagen, lui, n’a jamais écrit pour les adolescents américains. Et surtout, il ne s’est jamais contenté des 200 mots sur quoi on a bâti l’ensemble du rock. Sophistiqué, le mec ? Plutôt, oui. Le résultat, c’est qu’on peut écouter des chansons qui ont quarante ans d’âge sans céder à une condescendance navrée : ça tient le coup.

Maxine est justement une chanson d’amour qui met en scène des adolescents, ou de très jeunes adultes.

Some say that we're reckless
They say we're much too young
Tell us to stop before we've begun
We've got to hold out till graduation
Try to hang on Maxine

While the world is sleeping
We meet at Lincoln Mall
Talk about life the meaning of it all
Try to make sense of the suburban sprawl
Try to hang on Maxine

Mexico City is like another world
Nice this year they say
You'll be my senorita
In jeans and pearls
But first let's get off this highway

We'll move up to Manhattan
And fill the place with friends
Drive to the coast and drive right back again
One day we'll wake up, make love but 'til then
Try to hang on Maxine

Quand on parle d’une musique qui a accompagné notre jeunesse, on ne peut pas être objectif. Le cœur s’y met, et c’en est foutu de l’impartialité. Qu’importe ! Qu’elle soit « bonne », « grande » ou pas, c‘est aussi cette musique qui nous a fait, ça ne s’oublie pas. On l’aime comme on aime sa mère, presque. Elle nous soutient quand c’est nécessaire, nous berce, nous ravive, nous rassure. C’est une borne immatérielle à quoi on se repère, une chose qui ne change pas, quand tout se barre en brioche. Un air connu, c’est une langue familière qu’on comprend et qui ne se remplace jamais.


Alain Bashung disait qu’il ne pouvait pas entendre Be bop a Lula (version de 1956) sans pleurer. Tu comprends ça ? Passé un certain niveau d’intimité, la musique devient une forme particulière de l’amitié. On s’est trouvé, on ne se quitte plus. On profite des anniversaires pour se saluer. On y est fidèle parce que c’est ainsi, parce que c’était moi, parce que c’est elle.

Un connard a écrit qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve : qu’il écoute Fagen.