15 novembre 2011

Paradis immédiat

Le temps des utopies est derrière nous, c’est bien connu. Et petit à petit, c’est jusqu’à la capacité de se projeter qui disparaît : la société ne sent plus le besoin de deviner ce que l’avenir lui réserve, ni de se fixer des rêves lointains à réaliser. La mentalité collective vit désormais conscrite dans cette courte vue qu’on reprochait jadis aux politiques : l’horizon immédiat lui suffit.

Pourquoi inventer un avenir quand le présent en est déjà un ? Quand la nouveauté est perpétuelle et que les révolutions et les progrès sont le lot quotidien ? Pourquoi planifier le monde de demain quand on est convaincu qu’il n’y a pas d’au-delà et qu’il faut être heureux ici et tout de suite ? Penser le futur ? Le bonheur est ici et maintenant, pourvu qu’on mange sainement et qu’on fiche un peu la paix à la nature. Ici et maintenant parce qu’il n’existe rien d’autre.


Au 21ème siècle, les hommes ont appris à aimer leur présent, à en être euphoriques, au point qu’ils n’ont de souci plus que de l’améliorer, de le préserver, mais non pas de le changer. C’est une évolution assez sensible lorsqu’on regarde la production d’œuvres de science-fiction : ce qu’on appelle aujourd’hui science-fiction, ce sont en réalité des œuvres fantastiques, où s’opèrent des croisements entre différents univers imaginaires déjà existants. L’utopie, l’exercice de rêver, de fantasmer, est toujours là mais on rêve d’autres mondes, parallèles, pas de mondes « plus tard ». Toutes les ambitions et les lubies ont été remisées au profit d’une seule qui a pris toute la place : l’utopie ultime, l’utopie du présent.

L’utopie du présent fait voir par exemple le travail non plus comme du travail mais comme un moyen de s’épanouir ; elle fait voir l’argent qu’on n’a pas comme quelque chose qui « n’est pas ce qui compte » ; le lopin qu’on ne peut pas acquérir comme quelque chose de « tant mieux ! comme ça rien ne nous retient » ; et si l’entreprise n’offre plus de carrière toute tracée : bon débarras ! Bonjour mobilité, liberté, flexibilité… Petit à petit, les hommes apprennent à chérir un mode de vie au rabais. De bon gré ils respectent les principes de Restriction Durable© : préserver les ressources, se faire tout petit, ne pas laisser de traces, vivre sobre à tous points de vue... Les hommes s’affranchissent de tout ce qui pouvait les séparer d’un bonheur immédiat, à portée...

Désormais, le présent est tout ce qu’il y a : être ambitieux, visionnaire, ce n’est plus que penser à perfectionner ce présent, à l’entretenir… C’est penser, d’autre part, à éliminer tout ce qui sur terre fait obstacle à l’établissement du paradis immédiat. Voilà donc que se forment ces colonnes de gens qui s’indignent de tout ce qui ne va pas bien tout de suite et maintenant, qui ne tolèrent pas que le présent utopique soit entaché, et qui se mobilisent autour de moratoires, de plans d’action, parfois même de guerres humanistes… Ils sont si satisfaits de leur présent que, quand l’occasion se présente, ils veulent l’étendre aux régions du globe où il tarde à advenir.


4 commentaires:

  1. plus de projets d'avenir, plus de civilisation ...

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  2. Vers le "dernier Homme" ? : http://www.youtube.com/watch?v=GOO1NIDbbgQ

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  3. Ha magnifique cette photo avec le bouffon BHL, non mais quelle tête de con. Si tu veux faire une photo souvenir à Tripoli 90% de chances qu'il soit dessus, bientôt disponible à Damas et à Téhéran aussi si Yavhé le veut.

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  4. Oui, la photo est splendide. "BHL ex machina" : la démocratie descendue du ciel. Tout y est, elle parle d'elle-même, même pas besoin de légende.

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