30 juin 2011

Canicule : la nouvelle de l’été, hot et sans images

Plusieurs années après, je ne me souviens pas qu’il ait été particulièrement épouvantable, cet été. Il faut dire que canicule déclarée ou non, je n’ai jamais bien supporté cette saison : l’été, ça n’est jamais qu’un mois pendant lequel on est empêtré dans l’air, retranché à l’intérieur, à l’ombre, au fond du corps, et on ne fait plus que conduire ce corps comme un véhicule militaire, sous la tôle brûlante. Non, pas souvenir que ce fut plus terrible qu’une autre année : on se suait dessus, abruti, et c’est tout. Ce sont les journaux, surtout, qui le trouvaient intolérable. Mais ils ont beau le répéter encore aujourd’hui, pour moi 2003 n’est pas l’été de la canicule. C’est celui où Sarah est venue me voir à Paris.

C’était ça l’événement, plus que les vieux qui nous quittaient comme des mouches. Mourir parce qu’il fait trop chaud, c’est pas banal, mais que Sarah me rende visite, c’était exceptionnel. La première fois à vrai dire. Nous l’avions en réalité revue quelques mois auparavant, chez elle à Milan. Elle nous avait invités, Solène et moi, à faire un crochet par sa ville pendant notre séjour en Lombardie. Entre les lacs et la Chartreuse de Pavie, on s’était arrêté deux jours à Milan. Sarah avait été exécrable, comme d’habitude. Une vraie gamine, enfant gâtée, princesse de mes deux. La première journée, elle nous avait condamnés à la suivre dans son shopping. Elle cherchait un CD, il lui fallait le jour où on venait la voir. On a fait tous les magasins du centre-ville, arpenté les rayons et les bacs, on l’a suivi au pas et souffert ses minauderies aux vendeurs. Le soir, elle nous a conviés à assister à sa sortie entre copines. Le lendemain, on s’est débrouillé sans elle ! On l’a simplement vue le soir, en passant récupérer les bagages, histoire tout de même de dire au revoir.

Elle est comme ça, Sarah. On s’est connu en Erasmus : huit étudiants étrangers à l’université. En six mois de vie commune, Sarah a eu tout le loisir de nous taper ses crises et ses caprices. A chaque sortie, on pouvait être sûr qu’elle allait contrarier, faire à sa façon. Sarah, c’est un petit centre du monde ravi d’avoir les gens qui tournent autour. Vous faites le voyage pour elle, elle est enchantée de vous recevoir mais pas au point de modifier son agenda. Au terme d’une journée à ce régime, vous ne pouvez plus la voir autrement que comme une petite connasse. Il faut attendre le lendemain, une nuit de sommeil, pour oublier, la redécouvrir, et pardonner à sa beauté.

Avant cette halte à Milan, Solène ne la connaissait pas. Je lui avais dépeint cette amie de voyage comme « très sympathique » pour ne pas avoir à lui dire qu’elle était sublime - comme si elle n’allait pas s’en rendre compte au premier aperçu ! Quand elle l’a vue venir à notre rencontre, devant le château des Sforza, lieu du rendez-vous, Solène s’est retournée vers moi comme si je venais de lui jouer un mauvais tour. Ses yeux disaient « tu te fous de ma gueule ? C’est ça ton amie sympathique ? Cette déesse qui vient vers nous avec un sourire éclatant ? ». Sarah est un délicieux mélange de sangs italien et égyptien. De la grâce, des seins dodus, insensés, les hanches rondes, la peau gorgée de soleil, un parfum de cyprès traversé par le vent… Et cette fabuleuse pointe de mépris venue du fond de ses yeux noirs, qui fait toute la différence entre un joli brin de fille et une divinité.

Dans la France accablée par la chaleur, j’attendais donc sa venue. C’est elle qui m’avait fait signe : elle venait dans l’idée de passer quelques jours, le temps d’épuiser l’argent qu’elle gagnait par ses boulots de serveuse. De mon côté, j’avais omis d’avertir Solène, pas certain que la nouvelle la réjouisse autant que moi ; elle était ainsi chez des amis à ce moment. Sarah et moi devions passer la semaine tous les deux, mais je ne songeais pourtant pas à tenter quoi que ce soit ; depuis longtemps je m’étais fait une raison : Sarah n’est pas pour moi. Sarah n’est pas pour nous. Sarah est pour les autres. Les goujats, les barmen, les cuistots, minets d’âge mûr, l’ambition en berne, inconsistants et lâches... Sarah est interdite à quiconque n’est pas précisément ce spécimen de petite frappe. Elle a un grain dans la tête qui la voue à tourner en rond éternellement, trimballée par cette farandole d’hommes qui à eux tous n’ont pas la jugeote d’un seul digne de ce nom. Vous pouvez être diplômé de l’X, gaulé comme un dieu, posséder un cabriolet, rien n’y fera si vous n’avez pas le tatouage ou la paire de lunettes qui va bien. Je me suis permis un jour de lui faire remarquer. Elle a aimé l’idée, elle a même découvert que c’était sa malédiction. Ce jour-là j’ai anéanti toutes mes chances : je suis devenu son meilleur confident, condamné à écouter le récit de ses erreurs perpétuelles. A moi les histoires de cœur qui tournent mal, les stratégies de l’armée des bons-à-rien pour profaner son cul de madone !

Nous étions donc deux dans ce Paris estival, désert, étouffant et plein d’ennui. J’étais allé la chercher à la gare, elle m’avait sauté au cou, « à l’américaine », puis nous avions lentement remonté le quai. A cette époque, je travaillais à Boulogne. Les journées, Sarah s’occupait seule ; elle connaissait suffisamment la ville pour cela. Vers 18 heures, je sortais du bureau en direction du métro. Il faisait chaud dans l’air. Au fond de chaque rue, on aurait dit qu’une soufflerie avait été mise en route. Par terre, c’était déjà l’automne : mi-août, et les balayeurs embarquaient les feuilles jaunies des platanes par charretées, avec deux mois d’avance. Je repassais chez moi jeter mes habits trempés de sueur et prendre la douche dont je rêvais depuis le matin. J’appelais ensuite Sarah pour savoir où elle était et je la rejoignais sur place. Sous la douche, la radio racontait qu’il faisait chaud. Sans blague ! Petit à petit, on entendait parler de morts, de maisons de retraite… Sous les mots, on pouvait déjà deviner les langues fielleuses et accusatrices : il faisait trop chaud, ça n’était pas pardonnable, il allait falloir trouver des coupables ! Cette vieille vulgarité qui consiste à s’indigner de la mort… Car enfin, si la vie par toi déjà passée t’a été agréable, si ses bienfaits n’ont pas été versés en toi comme en un fût percé sans que tu en aies gré, pourquoi ne t’en vas-tu pas du repas de la vie en convive repu ? Et si c’est en pure perte que tu as laissé filé ce que tu as eu en fait de jouissances, si tu es mécontent de la vie, pourquoi quêter encore un supplément ? Car tu sais, je ne vais pas goupiller pour toi du nouveau qui te plaise : il n’en existe pas, tout est toujours le même… Lucrèce !

Tout est toujours le même. Devant une grenadine ou sur une pelouse défraîchie, Sarah me racontait Paolo, Claudio et Saligo, son Napolitain de l’été dernier qui en était décidément un beau ! J’avais droit à tous les détails. Untel lui avait fait l’amour dans l’escalier, tel autre n’avait jamais donné suite à leur ébat… Sarah parlait de sexe comme d’une chose douée de malfaisance : un esprit fourbe, tapi dans l’ombre, qui malgré les résolutions les plus fermes, s’était encore emparé d’elle ! Elle me racontait ses aventures comme une série de maladresses sans concevoir que ses frasques ainsi étalées puissent titiller mon imagination. Les hommes étaient tous des lâches qui n’en voulaient qu’à son cul, mais l’idée ne lui traversait jamais l’esprit que moi, je puisse en faire partie ! Je lui étais inoffensif. Le soir tombé, on quittait le café et l’on dînait aussitôt qu’elle avait daigné arrêter son choix sur le restaurant pas trop ceci ni trop cela... Ou alors, elle décidait qu’elle voulait marcher seule et qu’elle me rejoindrait à l’appartement.

Les nuits, l’atmosphère restait suffocante. Celle de son départ, nous n’étions même pas sortis, asphyxiés. Toute la semaine, j’avais dormi dans le salon, cédant la chambre à Sarah, mais cette fois-ci elle ne l’avait pas encore rejointe : le canapé-lit du living était tiré et nous étions dessus à lire les munitions de journaux achetées. Sarah, épuisée par son excursion de la journée, n’avait pas tardé à s’endormir. Dans la torpeur de la pièce, je faisais un effort pour venir à bout de mon article mais mon esprit finissait par tracer des architectures qui étaient celles de son corps, endormi près de moi. J’avais posé mon magazine et je la regardais. Elle était comme une orange. Elle ne semblait plus souffrir de la chaleur. Sarah. De nouveau là : dans mon appartement, et partout dans ma tête. Sarah. Ce genre de femmes sont un cancer. Vous avez beau savoir qu’elles vont vous tuer, vous ne pouvez rien faire. Je savais pertinemment qu’elle était impossible, que ses envies changeantes sont tout ce qui m’insupporte et son humeur hystérique tout ce qui m’éreinte. Je savais que c’était un coup à s’y user. En vérité, Sarah est exactement le type de caractère avec qui je ne pourrais vivre sans que ça tourne au sang et au vinaigre. J’aurais déjà pu l’étrangler plusieurs fois à l’occasion des cirques qu’elle avait pu faire, ses numéros de petite fille ! Les fois où je devenais fou de trop penser à elle ne me faisaient pas oublier le reste : que Sarah est un concentré d’emmerdeuse, un poison, une mante dont les désirs te bouffent aussitôt qu’ils ont glissé un pied dans la porte ! Il vaut cent fois mieux Solène, qui est la femme la plus aimante, la plus équilibrée, la plus intelligente que je connaisse. Cent fois mieux Solène qui est la femme de ma vie, j’en suis convaincu. Bien que j’avais tout cela en tête, je sentais très bien que ça ne valait rien, que tout pouvait foutre le camp en un mot, en un geste, je l’aurais suivie sur le champ, même averti de son pouvoir de nuisance, même convaincu de l’issue nécessairement catastrophique, j’aurais dit oui, moi le dur, le détaché, je l’aurais suivie !

Les yeux ouverts, je la voyais distinctement sous la pleine lune. Nous nous étions endormis parmi les journaux, sur le canapé-lit ; l’un de nous avait dû éteindre la lumière. Comme cela arrivait trois fois par nuit, la chaleur avait réveillé Sarah : elle avait vaguement ronchonné puis s’était levée pour aller boire. De retour, elle avait passé un caleçon d’homme et un T-shirt, attrapé un coussin, et disparu dans la chambre à côté pour retrouver le sommeil. La chaleur n’était plus là. J’ai continué à l’apercevoir encore quelques minutes, distinctement, sur le plafond, avant de m’endormir.

Le lendemain, dimanche, tout a repris comme si de rien. On était debout à neuf heures, la température finissait juste d’être supportable. On a préparé paisiblement ses bagages. La valise bouclée, Sarah a regardé autour en soufflant. Elle avait l’air angoissé : l’idée de voyager par cette chaleur peut-être. Jusqu’à ce qu’elle se décide à m’avouer une chose : elle me parla d’une rencontre qu’elle avait faite, un type à Milan, il travaillait à la piscine municipale, avait 38 ans, était vraiment amoureux ! Il lui avait promis des choses, même de s’installer ensemble. Il savait la rendre heureuse et c’était l’homme de sa vie. Je l’avais interrogée du regard, puis à la réflexion, tout rentrait dans l’ordre : ce type ne devait pas valoir beaucoup mieux que les précédents, son charme tenait sans doute à son univers simple, à son immaturité attendrissante, à ses bobards foisonnants, ou à la couleur de son jean… L’histoire tournerait court une fois de plus : Sarah m’écrirait un mail dans lequel elle maudirait les dieux d’être tombée sur un naze. Peut-être même qu’elle viendrait me voir à Paris ! Puis elle tomberait amoureuse d’un même autre type et ainsi de suite… Tout rentrait dans l’ordre.

Nous nous sommes dit un simple au revoir sur le quai de la gare, comme à son arrivée, et elle est rentrée à Milan. Solène rentrerait le soir, on reprendrait le boulot le lendemain, et puis hop !

Le son du jour qui envoie Taponier et Ghesquière croupir à Fleury-Mérogis

29 juin 2011

Egalia, l'école du Bien

C’est en Suède que la locomotive du meilleur(e) des mondes tire la civilisation dans sa course folle vers la gare routière Goodtown, après que le diable ait remplacé la pancarte. La Suède qui abrite la plus grande agglutination de talibans progressistes imberbes, trop macho, mène à Stockholm une épure d’égalité des sexes dans une école primaire sous l’œil maternant de l’Union européenne. L'ambition affichée est de contrecarrer le conditionnement léonin des hiérarchies de valeurs entre sexes… ah, oui… de sexes opposés ! Il ne s’agit pas de fustiger les différences p’tites bites/grosses bites, chattes désertes/chatte boisées, chattes arides/chattes marécageuses ou bites karcher/ bites asséchées, mais de dénoncer la gerbante dichotomie des genres sexuels.
L’école maternelle Egalia, un nom qui ne fait pas secte du tout, mais du tout, tente de lutter contre non pas des clichés, mais contre ce qu’elle considère comme des clichés. Tout est passé au crible de sa paranoïa aiguë. De la réécriture des manuels scolaires à la décoration, de la bibliothèque égalitariste où trônent des ouvrages sur l’homosexualité, l’adoption ou le divorce (les mouflets ont au maximum six ans) à la sélection des jouets ( ??? ; les Barbies et les Big Jims sont-ils/elles remplacé(e)s par des poupées à l’effigie de Boy Georges ?) et jusqu’à la subrogation des pronoms personnels il/elle par le vocable ami (on se croirait dans l’excellent manga de Naoki Urazawa « 20th Century Boys », le créateur de « Monster » et de « Pluto » qu’il faut tous lire à tout prix, les mectons/gonzesses !). Lorsqu’un terrien externe, dont le métier est caractérisé par un terme machiste, comme technicien, débarque dans l'école, les enfants doivent l’appeler spontanément « une poule ! » (erreur de traduction du suédois vers l'anglais sur l'article source, voir plus bas), afin de ne pas se focaliser sur le sexe de Machin-Chouette. Il est formellement interdit de se retenir de la goinfrerie d’un succulent fou rire. Schnell !

Une poule qui a des dents

On apprend aussi que des pédalegogues sont recrutés pour identifier les comportements risquant de renforcer les différenciations masculin/féminin et de les corriger. Ainsi le contrôle comportemental, autre que la bonne discipline à la baguette, est en vigueur dans cet asile de fous établissement expérimental. Mais ce n’est pas une secte, voyons, c’est de l’égalité des sexes ou plutôt de l’égalité des foufounes, puisque l’homme a une foufoune comme les autres désormais (faut que je pense à m’acheter des Tampax).
« La société attend des filles qu'elles soient mignonnes, gentilles et jolies et des garçons qu'ils soient virils, rudes et souriants. Egalia leur donne l'opportunité fantastique d'être ce qu'ils veulent », déclare une enseignante de ce centre de rééducation égalitiste, l’oeil joyeux et humecté comme une raëlienne après la bénédiction sodomique de son messie. Elle élude surtout le fait qu’Egalia leur donne l’opportunité fantastique d’être ce qu’Egalia veut que les amis deviennent. Sans oublier la volonté débile des parents, complices dans cet homicide du réel, à faire de leurs enfants des bouts de choux de tolérance à tout prix, quitte à les plonger dans une vase mentale, parce qu’ils seront incapables de tendre vers le réel par la précision du langage et du concept. Pauvres mômes… jetés vivants dans le brasier du seigneur des mouches, Baal !
Excusez-moi, je me trompe peut-être, je ne suis qu'un enfant après tout, mais depuis quand l'école est censée rendre con ?

« Ce qui importe, c'est que les enfants comprennent que leurs différences biologiques ne signifient pas pour autant que les garçons et les filles ont des intérêts et des capacités différents », nous affirme le directeur de l'école, Lotta Rajalin. « Il s'agit de démocratie. À propos de l'égalité humaine. »
Le landernau que nous prépare Egalia, ces étrons parentaux et le « département fusion/inquisition » (copyright Muray) de l’Union européenne, est un touillage de 1984 et du meilleur des mondes. Cette égalité utopique, donc impossible à atteindre, sert de carotte pour faire avancer toute une civilisation vers un nouvel ordre/mafia/secte cosmologique (le monde ne leur suffira pas), dans l’intérêt unique de bien plus intelligent et cynique qu’eux. Ces abrutis sont les éclaireurs d’un monde où le générique génocide le singulier, où les représentations symboliques les plus floues et les plus volatiles seront les seules normes autorisées. L’opacité efface la clarté.
L’égalitiste trouve le réel insupportable. Il est frustré que son passage à l’âge adulte ait réduit en miettes l’innocence de son enfance, alors qu’il pourrait la retrouver par la béatitude de l’instant qui devient, en orientant son désir vers le réel, au lieu de tenter de jeter des hameçons dans des mares d’abstractions. En fin de compte, nos progressistes s'avèrent des régressifs qui souffrent du manque de leur paradis perdu et, ne le supportant pas, vivent un syndrome de Stockholm permanent sous la pression de la dure pesanteur du substantiel. Une gaieté superficielle que le moindre affront du réel gifle et perturbe, puis ce tourment passé, replongent aussitôt dans leurs eaux chaudes et cristallines à la recherche du galion Aequalis où est enfoui un trésor de perles de félicité, des écus d’ivresse et des vertiges de diamants, alors qu’en réalité, ils sont en apnée dans la piscine municipale chlorée du village global, tenu par le maitre-nageur avec un doigt dans le cul pour éviter de couler.
Et ils n’ont rien trouvé de mieux que de détruire à leur tour l’innocence infantile avant l’âge de six ans en leur déblatérant de l’homosexualité fistive, du divorce égalitaire et de l’adoption juste. C’est à se demander si les enfants deviennent les jouets Mattel de ces adulescents. Il ne s’agit pas uniquement d’inculquer un savoir et des connaissances à ces petits d’hommes, mais à les formater à une idéologie comme au bon temps de la toute-puissante Sacrée congrégation pour la propagation de la foi.
Ça ressemble à de la secte millénariste, mais ce n’est pas de la secte millénariste, c’est simplement l’Empire du Bien et sa « machine à bonheur » (copyright Bernays), ce nouvel homme technologisé par la programmation d’un instinct de désir de tous les désirs.
Sources maléfiques :  et

Bonus :
Pour ceux qui n'avaient pas encore lu ma nouvelle prophétique : le baiser de la lune en 2070.

LE BAISER DE LA LUNE EN 2070

Une absurdité prophétique de Paracelse


En 2030, suite aux deux terribles guerres mondiales des différents blocs continentaux, les survivants formèrent un pacte de non-agression et créèrent la Confédération Planétaire de l’Ultralibéralosocialisme Écarlate. Ils prirent pour dieu : « Trotsmith ».
Sous cette nouvelle ère, l’éducation des enfants est totalement soumise au joug du ministère du contrôle du savoir, bâti sur des connaissances confuses de l’Ancien Monde. Un cours d’éducation sexuelle tolérant est dispensé dès l'entrée en classe de CE1 et constitue l’essentiel du programme annuel.


— Bon, les enfants, on se calme.
Le silence retomba dans la salle de classe.
— Aujourd’hui, nous allons aborder un nouveau sujet un peu délicat, souhaité par le ministre de l’Éducation nationale, Madame Christiane Girard. Alors, je vous demanderai d’ouvrir grand vos orifi… euh… oreilles.
— Quelqu’un parmi vous connait-il le sens du mot « homosexualité » ?
— Moi, monsieur !
— Très bien, Nordine, nous t’écoutons.
Nordine se leva timidement et fouina quelques secondes dans sa mémoire.
— Ah, voilà ! Mon tuteur m’a dit que l’ « omoxsualité »
— Homosexualité, Nordine !
— Oui… que l’omo… sec… sualité était quand une… euh… tarlouze élargissait le trou de balle d’une pédale ! Je n’ai jamais su ce que ça voulez dire, monsieur, mais mon tuteur m’a toujours appris que je devais m’en souvenir toute ma vie et faire attention aux omo… sec… sualités. Il m’a parlé de phoques aussi, monsieur. J’ai bon, monsieur ?
Les autres enfants n’avaient pas du tout saisi le sens de ces explications obscures, alors que l’instituteur était choqué des propos infâmes du petit Nordine.
— Non, Nordine, ton tuteur raconte n’importe quoi ! Je vais devoir le convoquer d’urgence et je t’ordonne d’oublier ses saletés tout de suite !
— Bien, monsieur…
— Et arrête de m’appeler Monsieur ! Je t’ai déjà expliqué plusieurs fois de m’appeler Gérard !
— Oui, Gérard…
— Bien… Alors écoutez attentivement les enfants, car c’est d’une importance capitale pour vos équilibres psychologiques et émotionnels.
— OUI, GERARD ! répondit en chœur l’ensemble de la classe.
— L’homosexualité est un vaste, très vaste, très très vaste sujet. Dans les siècles obscurs et archaïques de notre beau pays la… euh… euh…, merde euh putain… oh, pardon les enfants, je veux dire zut, l’instituteur ne se rappelait plus le nom de son pays, nom chargé des insanités de son histoire, euh… AAAHHH… je l’ai su autrefois…
— La France, Gérard ? Proposa la petite Lindsay.
— Euh… oui, c’est ça ! Merci, Lindsay !
— Donc la Frange, dans des temps d’une barbarie sans nom…
— C’était l’époque des cisteras et antisémites blancs et arabes, Gérard ?
— Euh… c’est quoi un arabe ? dit Nordine.
— Pas tous en même temps, Nordine. C’est exactement ça, Moshe ! Et aussi des homophobes. C'est-à-dire qu’ils détestaient les homosexuels.
— Ils étaient tous méchants, Gérard ? lui demanda Sophie.
— Malheureusement oui, ma puce. Selon des statistiques révisées depuis peu, à cause de critères d’évaluations jugés insatisfaisants par le ministère de l’Histoire officielle, on estime de 72 à 93 % environ les « âmes inférieures » de ces époques. 1 à 3 % étaient des haineux et 3 à 93 % n'avaient pas l'intention de baiser avec les homosexuels.
« Baiser », Gérard ? demanda naïvement Zuzanna.
— Mais c’est quoi un arabe ? répèta Nordine.
— Oui, baiser, et j’y viens tout de suite, ma puce. Dans ces temps-là et encore aujourd’hui, les hommes et les femmes, que les enfants nommaient « père » et « mère », pratiquaient des rituels de plaisirs appelés « baise » ou « nique » et qui servaient aussi à la procréation naturelle. La procréation naturelle constituait l’ancien processus de naissances des humains. Il est rendu obsolète depuis les avancées fulgurantes de la science et de la création, il y a déjà quarante ans, du Centre International de Procréation Génétique d’où vous êtes tous nés, puis loués à l’année à vos tuteurs. Afin que vous compreniez mieux, nous allons visionner deux vidéos différentes. La première est ce que les « anciens », dans le but de se stimuler, appelaient un « film de cul » ou « film de boules » selon des sources divergentes.
— OOUUUAAAHHH, dirent les enfants à l’unisson.
L’instituteur, Mr Gérard Legôcho que je vous présente, abaissa l’écran de projection et se dirigea vers le projecteur à l’autre bout de la salle de classe. Sur le chemin, le petit Nordine lui demanda discrètement :
— Gérard, c’est quoi un arabe ?
— On n’a jamais su réellement, Nordine. On n’a pas d’informations précises issues du ministère du contrôle du savoir. Je sais juste que c’était un des types humains de l’Ancien Monde.
— Moi je sais, Gérard, dit Moshe, mon tuteur est un employé de la Confédération Planétaire de l’Ultralibéralosocialisme Écarlate et m’a déjà parlé d’eux. Ils avaient une peau mat comme toi Nordine et voyageaient sur des hippopotames à deux bosses. Ils avaient interdit toutes formes de religions sous peine de punition qu’ils appelaient « Chatwa ». Il me semble que ce sont eux qui s’étaient spécialisés dans la charcuterie de porc ou alors qu’ils ne mangeaient que du porc, un truc comme ça, je redemanderai à mon tuteur. Il m’a aussi dit qu’ils ne s’appelaient pas vraiment « Arabes » qui était un surnom, mais plutôt « bougnoules » ou « bicots ».
— Ah oui ! Ce sont eux aussi qu’on appelait jadis « bamboula », précisa Mamadou.
Nordine pouffa en entendant la sonorité grotesque de ces mots et se retourna vers le petit Wong-Chan, la tête de Sino-Turc de la classe.
— Bougnoule, bicot, bamboula !
Moshe et Nordine, les deux inséparables, s’esclaffèrent comme des folles.
Habitué, Wong-Chan reçut ses injures avec une indifférence et un flegme taoïstes.
— Il suffit, Nordine, dit l’instituteur, et concentrez-vous sur ces deux vidéos. La première, donc le « film de cul », est une forme de rituel de plaisir. Ce film a été sélectionné par la ministre en personne. Il s’intitule… euh… l’instituteur fouilla dans une des multiples poches de son baggy de marque « Che Style » et en retira un bout de papier, le défroissa, puis lut à haute voix : « l’apocalypse dans ton cul ».
— Gérard, c’est quoi un cul ? demanda Petra.
— Aujourd’hui, c’est l’idole poilue et sacrée, symbole de l’humanosocialisme universaliste, brodée en motif sur le drapeau de la confédération. C’est l’ancien mot pour le fion, Petra.
— Ils avaient un drôle de vocabulaire avant, répliqua Petra.
— Donc, on peut dire que Wong-Chan le bougnoule a un gros cul ! insista Nordine pour le plus grand plaisir de l’ensemble de la classe, qui se manifesta dans une orgie de rires. Excepté Petra, secrètement amoureuse de Wong-Chan, qui éprouva un pincement à son petit cœur d’artichaut.
— Nordine, c’est la dernière fois que je te le répète ! Tu te calmes maintenant ! Ce que tu viens de dire à Wong-Chan, ça s’appelle du racisme et c’est dégueulasse ! Je te conseille d’abandonner ces habitudes immédiatement, Nordine ! Tu sais bien que je n’ai pas le droit de te punir selon les « droits cosmogalactiques de la sainte enfance », mais lorsque tu seras majeur, les milices de sécurité publique « LA HARDE », elles, n’apprécieront pas ce type particulier d’humour. Les crimes discriminatoires sont les seules passibles de la peine de mort par empalement et sans jugement préalable. Compris, Nordine !
— Oui Gérard, bégaya Nordine en baissant les yeux, mais en pensant en son for intérieur « Abruti de bicot ! ».
Gérard Legôcho tenta de se ressaisir tant bien que mal. Ce déversement de négativité était inhabituel, lui qui avait tant suivi la formation spirituelle du parti et ses préceptes de positivité libératrice. Pour se calmer et endiguer la production de radicaux libres, il imagina avec une clarté et une vivacité brusque, le dieu Ultralibéralosocialiste « Trotsmith », puis ses émotions s’apaisèrent laissant place à un calme zenique.
— Concentrez-vous, je commence la projection.
Un lit à baldaquin… un homme musclé et tatoué… une femme aguicheuse en nuisette… un caniche nain et frisé en spectateur… une verge glorieuse… une vulve inondée… deux langues s’entremêlent… une main virile saisit un sein proéminent… un œil de caniche avide… un doigt dominateur farfouille l’antre… de doux gémissements… un regard féminin satisfait… une perforation vaginale… deux râles extatiques… un canidé émoustillé se dresse sur ses deux pattes… un déhanchement rythmé… un corps féminin se crispe et bouge dans tous les sens… t’aimes ça, chienne… défonce-moi, sac à merde… deux cris ultimes… un tintamarre du feu de dieu… une gerbe blanchâtre sur un visage… un caniche qui aboie et danse la gigue.
— Mais c’est dégueulasse, dit Nordine.
— Pourquoi le monsieur barbouille le visage de la dame avec du liquide blanc ? demanda Petra.
— On appelle ça une éjaculation faciale, ma petite Petra. C’est un rituel de clôture de la « nique », répondit l’instituteur.
— Et c’est obligatoire ? dit Petra.
— Oui, ma puce. On peut aussi appeler cet acte symbolique : « envoyer la purée », car ça peut s’avaler si on le désire, signifiant par là, que la femme accepte corps et âme l’offrande gracieuse de l’homme.
Petra se retourna vers Wong-Chan et mima discrètement avec ses deux mains une masse qui asperge son visage, puis quelque chose qu’on boit avec son pouce. Ensuite, elle lui fit le coup du regard de biche en clignant plusieurs fois des paupières.
Mais elle est folle ! C’est immonde ! pensa Wong-Chan.
— Le liquide blanc se nomme du « sperme » ou « liquide séminal » ou encore « foutre ».
— Comme « va te faire foutre », Gérard ? demanda abruptement Nordine.
— Oui exact, Nordine. Cette expression insultante vient de là. Le sperme est un liquide épais et blanchâtre produit par les glandes sexuelles mâles et renfermant les spermatozoïdes.
— Les spermes à taux bizarroïdes ? répèta Moshe.
— Non, les spermatozoïdes, Moshe. En un seul mot. Les spermatozoïdes fécondent l’ovule de la femme, c'est-à-dire se joignent à l’ovule pour permettre la naissance de bébés neuf jours plus tard, si mes souvenirs sont bons. Du moins, c’était ainsi avec l’ancienne méthode de fabrication d’être humain. Aujourd’hui, les spermatozoïdes chez l’homme et l’ovule chez la femme ont été désactivés après la fécondation dans l’utérus artificiel dans le cadre du système actuel de procréation.
— Donc avant, l’homme spermatozoïdait la femme dans la bouche, où se trouve l’ovule, pour faire des bébés. C’est ça, Gérard ? demanda Mamadou.
Gérard Legôcho se gratta la boite crânienne à la recherche de ses vagues souvenirs et parce qu’il n’avait pas l’habitude de trop raisonner, il en conclut rapidement :
— Oui, c’est ça, Mamadou !
OUAAHHHH, fit l’ensemble de la classe.
— La vidéo que vous venez de voir est une « baise » entre hétérosexuels. C'est-à-dire entre personnes de sexes opposés, c'est-à-dire entre un homme et une femme. Mais, les enfants, il existe aussi la possibilité d’une « nique » entre des personnes du même sexe, entre homme et homme ou femme et femme. C’est ce qu’on appelle : l’homosexualité, les enfants. Comme le ministère n’a pas retrouvé de vidéos des « anciens » sur le sujet, il en a confectionné une sous forme de conte, intitulé : « L’Ogre et le petit dépucelé »… regardez bien ce qui suit, les enfants.
Gérard Legôcho appuya sur la touche « Lecture » du projecteur.
Clairière boisée… un homme déguisé en lutin… un caniche nain et frisé en sympathique compagnon… un homme hideux vêtu d’un pagne et armé d’un gourdin surgit d’un buisson… Hum, un farfadet, j’ai faim… Non, pitié, ne me mangez pas, méchant Ogre… Dans ce cas-là, farfadet, plaque tes mains sur ce gros chêne à glands et voute le dos… futal et calefouette du farfadet baissé… (erreur de montage… t’es prêt, Robert ?... Ouais, vas-y cash, Marcel !) perforation anale… un œil de caniche avide… yeux de l’ogre révulsé et intense satisfaction… un canidé émoustillé se dresse sur ses deux pattes… yeux du farfadet injecté de sang et visage torturé… Ogre se retire… une purée envoyée sur le visage du farfadet… un caniche qui aboie et danse la gigue.
— Vous avez des questions, les enfants ?
— Gérard, le lutin avait l’air de souffrir, dit Moshe.
— Mais non, Moshe, ça faisait partie de l’histoire, mais en vérité, et pour avoir plusieurs fois essayé moi-même la « nique » homosexuelle, ça fait beaucoup de bien. On y prend un grand plaisir.
— L’omo… sec… sualité est obligatoire, Gérard ? demanda Mamadou.
— Oui et non, Mamadou. Il est obligatoire d’avoir essayé au moins une fois sous le contrôle d’un huissier. Ensuite, on s’adonne à la pratique de « baise » que l’on souhaite, mais l’homosexualité est vivement recommandée par la confédération. Il existe même un projet de loi rendant l’hétérosexualité illégale qui a de bonnes chances d’aboutir, puisqu’il est soutenu activement par le « Führoncle », notre guide bien-aimé de la confédération, et qu’il est le seul à pouvoir proposer et voter une loi.
La sonnerie de fin de journée retentit.
— Vous pouvez y aller, les enfants. Cependant avant que vous ne partiez, je voudrais rajouter qu’il existe un autre genre de « nique » que l’on appelle : « partouze ». C’est tout simplement de la « baise » entre plusieurs couples, toutes orientations sexuelles confondues. Il faut juste prévoir un karcher pour nettoyer le sperme, les enfants. Mercredi prochain, vous aurez une interrogation mimétique en couple. Couples que je vous laisserai le soin de former vous-même.
À ces mots, Petra se retourna vers Wong-Chan le suppliant du regard et Nordine attrapa la main de Moshe qui acquiesça (quelle belle utopie !), semblant dire : à la vie, à la mort et à la « nique » !.

27 juin 2011

Les syndicats sont sympa


En ce dimanche 26 juin 2011, le groupe GDF SUEZ organisait à son siège de La Défense un « Family day » : grande fête foraine dominicale à laquelle les employés étaient invités avec leur marmaille, pour leur faire découvrir leur superbe lieu de travail. Au programme : clowns, ballons, manèges, barbe-à-papa… Tout un cirque pour faire croire que bosser à La Défense est une aubaine ! La « com’ » n’ayant pas lésiné pour que ce jour soit fête, sur les affiches et flyers aux couleurs joviales du « Family day », les syndicats ont répliqué par un tract que je reproduis ici, assez juste et amusant sur l’évolution du travail :


Merci patron ! Le temps de garer la voiture, dans l’impatience de participer aux réjouissances. Ce dimanche 26 juin, nous allons vivre des moments incroyables. On pensait perdu le temps des fêtes joyeuses et traditionnelles, des kermesses champêtres et ensoleillées, réunissant petits et grands dans la gaieté du bonheur partagé, sous l’œil protecteur du « Saint-patron ». Aujourd’hui, finissons-en avec la nostalgie et remercions en cœur pour ce Family Day vanté comme un sommet de « détente et de convivialité ».
Penser que cela, enfin, va nous permettre de nous rendre un dimanche au travail au lieu de rester, comme chaque semaine de l’année, dans la frustration interminable d’un weekend loin du boulot. Et surtout pouvoir le faire en famille, sans retenue, pour célébrer dans la joie l’Entreprise et son patron bienfaiteur.
Que de ravissement à renouer ensemble, avec ces traditions anciennes, du temps de la machine à vapeur, où patron de forge et employés s’abreuvaient du même vin œcuménique, partageaient les mêmes agapes, bien loin des visions pessimistes et belliqueuses des militants de la lutte des classes. Les bonnes œuvres patronales d’antan, paternalistes et attentionnées, les « comités patates » soucieux de nourrir et de divertir ceux qui n’étaient pas encore « les ressources humaines »…
Qu’il est bon de sentir à nouveau ce parfum familier et ancien d’avant guerre, d’avant le Conseil National de la Résistance, d’avant la création des Comités d’Entreprises qui a vu confier la gestion des fameuses « œuvres sociales » aux seuls représentants des salariés.
Comme il est rassurant de s’apercevoir que le patron moderne n’a pas perdu la main et comme ses prédécesseurs, de près d’un siècle en arrière, il est encore capable d’initiatives fortes de collaboration sociale entre la direction et le personnel.
Inutile de préciser que cette journée fera la démonstration que les mauvaises langues se trompent. Celles qui, par exemple, enquêtes à l’appui, prétendent que 55 % des salariés pensent ne pas être écoutés par leur hiérarchie, 77 % jugent le partage des profits inéquitable et ne pas être reconnu par leur travail ou encore qu’un cadre supérieur sur deux des grandes entreprises dit ne pas adhérer à la stratégie de leur entreprise.
Non, vous dis-je, point de divorce entre les salariés et leurs patrons. « Family day » est bien là pour le prouver. Et merci aussi d’avoir utilisé l’anglais, parce qu’entre nous, en français : la journée de la famille » associée au travail pour la circonstance, cela aurait été un peu « too much » comme rappel historique.
Oui, il n’y aura que les mêmes grincheux pour y trouver la moindre fausse note. Rien n’est oublié. Pas même l’invitation à se réjouir de l’extension du travail dominical dans les commerces sur le quartier de la Défense, comme un témoignage, là aussi, de ces époques dorées où le code du travail pouvait s’écrire en grosses lettres sur une seule face d’un ticket pour prendre l’omnibus à chevaux.
Donc, ne boudons pas notre plaisir d’autant que l’argent dépensé à cette occasion est bien le notre, celui du fruit de notre travail. Celui aussi qui a été patiemment économisé grâce à une politique salariale particulièrement prudente et attentive à l’évolution des dividendes et des plus hautes rémunérations des cadres dirigeants.
Gageons d’ailleurs que nos collègues des plateaux d’accueil, emportés par ce nouvel enthousiasme social, trouvent aussi tout à fait justifié qu’on leur demande de se serrer la ceinture pour que l’on puisse ainsi amuser la galerie.


(Courrier des lecteurs) Pour une France fière et unie

"Non, l'immigration n'est pas une chance pour la France", a déclaré il y a quelques jours André Gérin, député communiste, exprimant une simple opinion politique, en résonance inverse de la célèbre phrase de Bernard Stasi "L'immigration est une chance pour la France". Ce qui lui a évidemment valu ni une ni deux d' être cloué au pilori avec en filigrane l'inscription "nazi" inscrite au fer rouge sur le front. On a l'habitude. "Indigne", "Nauséabond", "Les heures les plus sombres...", on connait la chanson, C'est à dire l'habituelle chape de plomb de nos médias ortho-penseurs tellement indépendants et objectifs que la majorité est propriété des plus grands groupe industriels et financiers de France. C'est bien pratique, remarquez. Dès qu'une sortie verbale publique déplait à notre bien-aimée oligarchie - qui se rêve nouvelle aristocratie post-moderne - chacun sort son blackberry et appelle les rédacteurs de ses joujoux-médias pour que ces derniers expliquent à leurs lecteurs ce qu'il sied de penser ou ce qu'il ne sied pas. A noter, que les rédacteurs en chef les plus zélés n'ont même pas besoin de l'injonction venue du haut pour recadrer la pensée du peuple abruti. De toute façon, inutile de se leurrer, ils ont tous été nommés suivant leur capacité d' aplatissement.

Gérin a raison. L'immigration n'est pas une chance pour la France. Mais l'immigration n'est pas non plus un malheur pour notre pays. En réalité, l'immigration est avant tout un simple fait. Un fait démographique et politique ainsi qu'un colossal enjeu dans la restructuration socio-economique du monde présent et à venir. Et comme dans chaque pays souverain de cette planète, l'immigration devrait être traitée de manière pragmatique et ajustée selon des critères sociaux, économiques et démographiques, non pas selon une idéologie xénophile ou xénophobe.

Comme on l'a vu, les détracteurs de Gérin ont tous porté directement ou indirectement leur attaque sur le même terrain que lorsqu'il s'agissait de Le Pen, à savoir le terrain ultra-balisé de l'antiracisme fourre-tout, la boite magique dont on sort divers accessoires rhétoriques possédant l'extraordinaire faculté de faire disparaitre les récalcitrants du débat public. Or, quelle est l'argumentation de Monsieur Gérin ? Quelles sont les idées qui ont motivé sa déclaration ?

"Oui c’est [l'immigration] une chance pour le capitalisme financier, pour diviser, pour exploiter, pour généraliser l’insécurité sociale, exclure, ghettoïser des millions de familles et de jeunes français de la vie sociale et politique.", nous dit Gérin. Et il continue:"Nicolas Sarkozy et l’UMP surfent sur ces réalités. Ils préfèrent favoriser la lutte ethnico-religieuse que la lutte des classes d’un même combat français et immigrés." "C’est le sens de mon engagement contre le voile intégral afin que la jeunesse des quartiers populaires soit au centre des priorités du pays pour la décennie à venir : une politique de l’enfance, d’éducation, d’insertion, d’intégration à la Nation. Faire reculer la paupérisation économique, sociale et culturelle de millions de familles devient une priorité nationale.

Ces questions sont centrales pour le renouveau de la gauche et du PCF afin de prioriser ces français enfants de l’immigration. Nous tendons la main à l’immense majorité des français de confession musulmane pour une reconnaissance d’un Islam spirituel respectueux des principes de la République et de la laïcité."


Qu’on lise bien attentivement ces quelques phrases. Où sont les diatribes racistes ? Quelles sont les paroles "indignes" ? Gérin base d'ailleurs assez démagogiquement son argumentation sur l'intégration des nouveaux citoyens français issus de l'immigration au lieu d'invoquer l'entière communauté nationale, français de souche et nouveaux citoyens français unis (car il faut arrêter l'hypocrisie consistant à dire que le français de souche n'existent pas, il y a des français de souche - disons ancrés dans le territoire hexagonal depuis plus de 5 générations - comme il y a des marocains de souche, des maliens de souche et des lapons de souche). Aussi stupides que soient les journaleux inféodés à la classe dirigeante, c'est à dire non pas aux politiques mais aux réels décideurs effectifs (ceux qui font et défont les PDG quinquennaux de la République), il est impossible qu'ils aient réellement cru que Gérin fût xénophobe, raciste ou je-ne-sais-quoi-ophobe. Leur souci dans la déclaration de Gérin est simplement qu'elle décrit de manière très synthétique la stratégie immigrationniste réelle, à savoir d'une part créer artificiellement une concurrence démesurée sur le marché de l'emploi - particulièrement au niveau des bas salaires - et d'autre part casser la cohésion nationale en favorisant le communautarisme à l'intérieur des populations d'origines immigrées de manière à ce que ces dernières ne fassent jamais aboutir leur propre processus d'intégration voire d'assimilation (cette assimilation républicaine qui a si bien réussi avant-guerre) et qu'elles ne puissent à juste titre être reconnues comme pleinement françaises par le reste de la communauté nationale.

Soit, comme exprimé par Gérin, précarité sociale des plus pauvres au profits exclusifs des dirigeants économiques et division de la population, Ce dernier point étant la condition sine qua non au maintien de ce système démesurément déséquilibré, car une population décommunautarisée et cimentée par une authentique fierté nationale, ça se manipule autrement plus difficilement qu'un conglomérat de communautés (religieuses, ethniques, sexuelles....) centrées sur leurs besoins propres.



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Le 21è siècle et l'émergence de nouvelles super-puissances économiques impliquent une forte cohésion nationale pour mettre en œuvre et faire aboutir les meilleures stratégies qui pourront permettre à la France de faire face aux considérables changements géopolitiques en cours et à venir.

La division ne profite qu'à une minorité qui semble se soucier du destin national comme de l'an 40. Alors que le rassemblement autour de valeurs fortes et communes devrait être le moteur de la dynamique française, nos gouvernants, dont les marges de manœuvre se trouvent réduites de jour en jour comme peau de chagrin par une intégration européenne soumise aux forces de l'ultra libéralisme (une perversion du libéralisme historique), ne légifèrent ou ne communiquent plus que dans le sens d'une division, d'un morcellement et d'un communautarisme directement inspiré du modèle américain. Or si ce système produit déjà des aberrations sociales outre-atlantique, certains effets pervers y sont contrebalancés par le patriotisme des enfants de l'Oncle Sam qui permet de cimenter le grand fourbis US. De ce côté-ci de l'océan, tout semble en revanche fait pour dévaloriser les Histoires nationales, tout particulièrement en France. On demande aux nouveaux citoyens français d'aimer leur pays, mais encore faut-il déjà que la France s'aime elle-même. Que cesse la comédie de l'auto-culpabilisation sur le passé esclavagiste ou colonial dont le seul effet notable est d'ériger un mur infranchissable entre les français issus de l'immigration récente et les nationaux de longue date.

La France a effectivement pratiqué l'esclavage, la France a effectivement un fort passé colonial. Et alors ? N'est-ce pas le cas de tous les peuples depuis la nuit des temps? Des peuples indos-européeens aux arabes, des chinois aux mayas en passant par les africains ? Pourquoi ternir l'image de la France en laissant volontairement penser aux nouvelles générations qu'il s'agit de singularités occidentales ? Pourquoi l'accent n'est il jamais mis sur les bienfaits culturels de l'Occident ? Pourquoi ne pas plutôt célébrer la France comme premier pays avoir aboli l'esclavage plutôt que l' honnir pour un esclavage ou un colonialisme pratiqué par une majorité des Etats de l'époque et sur tous les continents ? Et il ne s'agit là que d'infimes exemples de la pollution mentale distillé de Los Angeles à Bucarest par l'oligarchie financiaro-economique dans le but d'affaiblir les nations et de les asservir aux desseins d'interêts privés impersonnellement nommés « le Marché ». Je tiens à préciser que je ne remets en aucun cas en cause l'idée d'élite dirigeante. En soi, rien n'est reprochable à une élite exercant un pouvoir si sa représentation et ses objectifs reflètent les besoins de l'entité gouvernée en tant que système cohérent et équilibré (ou tout du moins tendant à l'équilibre).

Bref, pour le bien commun des nations occidentales, il est plus que temps que cesse la surenchère de la fausse compassion démagogique xénophile ainsi que ce grand cirque antiraciste qui contribue lui-même majoritairement au racisme et à la division. Car cette idéologie est purement et simplement une perversion du combat réel contre le racisme. C'est tout bonnement une instrumentalisation des immigrés et de leurs enfants à des buts démagogiques purement politiques et stratégiques. Si la première et encore la seconde génération d'immigration maghrébine et subsaharienne ont réellement souffert de racisme (car n'importe où sur la Terre, la méfiance vis à vis de l'étranger est une constante anthropologique) , ce temps est largement révolu et les enfants d'immigrés qui jouent le jeu de l'intégration et se donnent les moyens de leur réussite sociale y parviennent réellement. La division entre le peuple de souche et le peuple fraichement français est artificiellement maintenue par les médias via une stratégie de misérabilisme et de victimisation des enfants d'immigrés. Le discours consistant à traiter ces enfants ou petits-enfants de l'immigration comme d'éternelles victimes est non seulement contre-productif mais il s'agit de surcroît d'une véritable insulte à ceux qui se donnent les moyens de la réussite sociale.La France a toujours aimé ses nouveaux citoyens - ou ses nouveaux sujets sous l'Ancien Régime - si ceux-ci lui offraient leur amour. De Mazarin l'italien à Senghor le sénégalais, en passant par Napoléon le corse ou encore le Général Dumas (mulâtre dominicain, grand-père de l'auteur du Comte de Monte-Cristo).

Que les médias cessent donc de présenter comme modèle d'assimilation des individus se distinguant dans le sport ou la rap, Que l'on montre des médecins, des avocats, des ingénieurs, des entrepreneurs ! Car il y en a par milliers. Que cesse enfin l'hypocrisie grasse de cette comédie larmoyante. Que le drapeau français soit brandi par tous et que la nation puisse enfin communier en d'autres occasions qu'une Coupe du Monde de Football puante de mercantilisme. C'est à cette unique condition que pourra se recréer une cohésion nationale et que la France pourra maintenir son statut déjà grandement écornée de puissance économique et culturelle et qu'elle pourra regarder sereinement vers l'avenir.

Mais tout le monde ne semble pas y avoir intérêt.

Micktalope

26 juin 2011

Un ange passe...

Passez le petit blabla du début...

Mourir pour mieux vivre.



Le projet de légalisation générale de l’euthanasie (et la relégation de ses adversaires dans le camp du Mal) incarne l’un des plus forts penchants nihilistes de notre époque.
Quand on a la tête sur les épaules et qu’on sait ce que signifient les mots, pas besoin d’explication soutenue pour comprendre que l’euthanasie, comme la pendaison, les coups de tronçonneuse et les accidents de bagnole, ça s’oppose à la vie. En effet, il est indiscutable qu’un quidam bien euthanasié ne peut plus continuer à faire ses affaires comme si de rien n’était, sauf bien sûr s’il s’agit d’un chanteur engagé de la Nouvelle Scène française.

L’euthanasie, c’est la mort. Au sens propre, c’est censé être la « bonne mort », mais j’attends qu’on me montre ce qu’il y a de bon à être « accompagné » (lire « buté ») par un fonctionnaire sous-payé pratiquant son devoir entre deux récup' de RTT. Hélas, le principal caractère de l’homme moderne étant de faire l’inverse de ce qu’il dit (et vice versa), nous entendons partout les partisans de cette radicale barbarie prétendre qu’ils aiment la vie, qu’ils l’adorent, la respectent. Si on les laissait faire, ils arriveraient à prétendre qu’ils sont même les seuls à bien l’aimer.

Leur argument principal est simple : nous aimons tellement la vie que nous refusons de la vivre en étant malade, diminué, souffreteux, grabataire. Heureusement pour eux, ils ne pratiquent pas le même ostracisme pour la bêtise… Du haut de leur expérience, ils décrètent par avance qu’ils ne considèrent la vie valable qu’en pleine possession de leurs moyens, et qu’ils préfèrent mourir que de se voir diminuer. Sans même parler de l’orgueil éclatant qui s’affiche ici sans complexe, on est bien obligé de constater que ces gens préfèrent leur vision de la vie à la vie elle-même : définition même du nihilisme. Ils se font une opinion de ce qui est bien pour eux, et si l’unique moyen que la Nature a trouvé pour animer les amas de cellules que nous sommes n’y correspond pas, ils interrompent le processus !

Nietzsche était de constitution maladive et ne vécut pas bien vieux. C’est probablement ce qui le conduisit à tant vanter la « grande santé », à glorifier ce qu’il savait hors d’atteinte. En praticien involontaire de la souffrance, il était bien placé pour savoir ce que souffrir signifie et, contre tout romantisme, il définissait la bonne santé et la vie comme de souverains biens. Mais, sauf distraction de ma part, il n’a jamais prétendu qu’on devait les honorer à grands coups d’euthanasie ! C’est une rigueur logique dont notre modernité ne s’embarrasse pas. On adore donc l’hygiénisme le plus sec et l’euthanasie la plus méthodique dans un même mouvement. On prône la vie sans plaisir des abstinents et des bigotes, et on la juge encore si bonne que la maladie la rendrait indigne ! Une vie de comptabilité et d’eau d’Evian qu’on estime si parfaite qu’il serait préférable de l’abréger plutôt que de devoir la vivre à moitié ! Ben merde !
Après une existence passée sans fumer, sans boire, sans conduire imprudemment, sans se battre, sans saigner, sans manger de sauciflard, sans perdre son temps, sans se consumer, après une vie sans rillettes, la maladie doit être accueillie comme l’ultime tentative du Destin pour qu’on connaisse enfin une chose qui mérite d’être vécue. J’ai dit.

Aussi peu spirituelle que soit notre époque, elle ne peut se passer de mythes à sa mesure. Le mythe du héros qui meurt jeune, Kurt Cobain ou James Dean, peut être apparenté à cette phobie des microbes, à cette lutte hygiéniste, à ces cinq fruits et légumes quotidiens, à cette injonction à être et demeurer en bonne santé. Dean, surnommé « le cendrier humain », n’aurait probablement pas fait un joli quinquagénaire. Mais mort à 24 ans, il est ainsi préservé de ce qui fait la vie même : les atteintes au physique et celles, de lèse majesté, à l’apparence. Idolâtrer James Dean pour ça, s’épater qu’il soit resté jeune « à jamais », c’est confesser involontairement son propre dégoût de la vie. Pur nihilisme.
Comme les insensés qui préfèrent se passer de plaisirs de peur d’avoir à en payer le prix un jour, on adore la jeunesse de James Dean parce qu’elle n’a pas eu à se confronter à son destin, qui était de cesser, passer et disparaître lentement. On oublie que le destin idéal d’une jeunesse n’est pas de finir vite dans de la tôle froissée, mais de préparer l’âge suivant, de nourrir la maturité. Vivre, ce n’est pas être jeune, encore moins demeurer jeune, c’est voir passer les années et vieillir. Vivre, ce n’est pas poser un ultimatum à son corps : demeure en bonne santé où je t’anéantis !



Derrière ce lancinant désir d’en finir comme derrière l’injonction à ne pas faire d’excès, il y a aussi une question économique. Nos sociétés ayant adopté des systèmes d’assurance de santé qui pompent à nos poches, certains trouveraient plus juste que les malades cessent carrément de l’être et que les mourants se dépêchent de claquer ! Alfa et oméga de la bonne comptabilité, cette vision étrange de la solidarité apporte une solution radicale à tous les déficits. Plutôt que payer des gourmands à se soigner d’un cholestérol illégitime, plutôt que payer les maladroits à se guérir des chutes de cheval et plutôt que secourir les marins perdus qui auraient pu rester à quai, on inscrit le principe de précaution dans la Constitution et on criminalise d’un coup le cavalier intrépide, l’amateur de régate et les bouchons lyonnais. Quant à l’imprudent octogénaire alité trop longtemps, kaputt !

Au peuple le plus bête, il faut encore un but élevé : vaincre le Déficit de la Sécu. Les temps n’étant plus à l’héroïsme, c’est par le sens de l’équilibre budgétaire que le Français sera mené à l’abattoir. Il est incontestable qu’une population correctement éduquée dans le sens de la parfaite économie et de l’amour de la vie n’aurait qu’une hâte : en finir promptement.
Eugénisme et euthanasie proposant étymologiquement de « bien naître » et de « bien mourir », le citoyen modèle prendra donc soin de ne pas trop s’attarder entre les deux étapes de son existence, et de ne rien faire qui puisse l’écarter du Bien.
Amen.

22 juin 2011

Tripes, de Chuck Palahniuk

Comme c'est la teuteuf du boucan musical et donc par extension du banquet du cul, et pour venir en échos à mon billet sur la chapelle Fistine, je vous ai déniché une nouvelle de Chuck Palahniuk qui reste dans la mouvance des prosternés de la prostate. Au CGB, tels des théoriciens de la constipation, tout se tient...

Tripes
Par Chuck Palahniuk

Inspirez.

Prenez autant d'air que vous pouvez.

Cette histoire devrait durer à peu près aussi longtemps que vous pouvez retenir votre souffle, et continuer encore un peu. Alors lisez aussi vite que possible.

Quand il avait 13 ans, un ami à moi entendit parler du "pegging". C'est quand un mec se fait mettre un gode dans le fion. La rumeur dit que si vous stimulez la prostate assez fort, vous pouvez avoir des orgasmes explosifs sans les mains. A cet age la, ce pote était un petit maniaque sexuel. Il cherchait toujours une meilleure façon de cracher son jus. Il sort donc s'acheter une carotte et de la vaseline. Pour mener une petite expérience privée. Ensuite, il réalise le tableau que ça va donner à la caisse, cette carotte avec un pot de vaseline en train d'avancer sur le tapis roulant. Tous les clients de la queue en train de le fixer. Tous témoins de la grande soirée qu'il se prépare.

Alors, mon pote, il achète du lait, des œufs, du sucre et une carotte, tous les ingrédients pour un gâteau à la carotte. Et de la vaseline.

Comme s'il rentrait chez lui se mettre un gâteau à la carotte dans le cul.

A la maison, il taille la carotte avec un couteau. Il la badigeonne de lubrifiant et se la carre dans le trou de balle. Et là, rien. Pas d'orgasme. Rien ne se passe, sauf que ça fait mal.

Ensuite, ce gosse, sa mère lui crie que c'est l'heure de dîner. Elle lui dit de descendre, tout de suite.

Il retire la carotte et cache la chose immonde et visqueuse dans le linge sale sous son lit.

Apres dîner, il va chercher la carotte. Et elle n'est plus la. Pendant qu'il mangeait, sa mère est venue ramasser toutes ses fringues sales pour faire une machine. Impossible qu'elle n'ait pas trouvé la carotte, soigneusement taillée avec un de ses couteaux de cuisine, encore luisante et nauséabonde.

Ce pote à moi, il reste des mois sous un gros nuage noir et menaçant, attendant que ses parents lui en parlent. Et ils ne le font jamais. Jamais. Même maintenant qu'il est adulte, cette carotte invisible est suspendue au dessus de chaque repas de Noël, chaque anniversaire. A la moindre réunion de famille, cette carotte fantôme flotte au dessus de leurs têtes.

Cette chose trop horrible pour être mentionnée.

En France ils ont une expression: "avoir l'esprit d'escalier." C'est quand vous trouvez quelque chose à dire, mais trop tard. Par exemple vous êtes dans une soirée et quelqu'un vous insulte. Vous devez dire quelque chose. Mais sous la pression, avec tous les regards dans votre direction, vous sortez une réplique minable. Et au moment ou vous quittez la soirée...

Vous commencez à descendre l'escalier, et comme par magie, vous trouvez la phrase parfaite. La répartie de la mort.

C'est l'esprit d'escalier.

Le problème, c'est que même les français n'ont pas d'expression pour les trucs stupides qu'on dit justement sous la pression. Ces trucs ridicules et désespérés qu'on dit, ou qu'on fait.

Certains actes sont trop pitoyables pour mériter ne serait ce qu'un nom. Trop minables meme pour qu'on en parle.

Avec du recul, les experts en psychologie infantile et les conseillers scolaires disent aujourd'hui que la plupart des suicides d'adolescents sont en fait dus à des gosses qui essaient de s'étouffer pendant qu'ils se branlent. Leurs parents les retrouvent avec une serviette nouée autour du cou, attachés à la penderie de leur chambre, morts. Du sperme mort de partout. Bien sur, les parents nettoient. Ils mettent un pantalon à leur gosse. Ils essaient de rendre ça plus...présentable. Ou du moins intentionnel. La configuration classique d'un triste suicide d'adolescent.

Un autre pote à moi, un gamin de l'école, son grand frère qui est dans la marine lui avait expliqué comment les mecs du moyen orient se branlent différemment de chez nous. Ce frère était affecté dans un pays à chameaux ou on pouvait trouver une sorte d'ouvre-lettre fantaisie sur les marchés. L'objet en question était juste une fine baguette en laiton ou en argent poli, peut être aussi longue que votre main, avec un gros bout a une des extrémités, comme une grosse boule en métal ou un manche décoré façon sabre. Ce frère marin donc lui avait expliqué comment les arabes s'insèrent cette tige de métal dans toute la longueur de la bite. Ils éjaculent avec la tige à l'intérieur, et ça rend le truc encore meilleur. Plus intense.

C'est ce grand frère qui voyage autour du monde, et qui envoie des expressions françaises. Des expressions russes. Des astuces de branlette.

Apres ça, un jour, le gosse ne se présente pas à l'école. Il m'appelle le soir même, et me demande de lui noter les devoirs à faire pour les deux prochaines semaines. Parce qu'il est à l'hôpital

Il doit partager une chambre avec des vieux qui souffrent des intestins. Il dit qu'ils doivent tous partager la même télévision. La seule forme d'intimité qu'il a c'est un rideau. Ses parents ne viennent pas le voir. Au téléphone il me dit qu'à ce moment précis, ses parents voudraient d'ailleurs tuer son grand frère marin.

Au téléphone, le gosse raconte que le jour d'avant, il était juste un peu défoncé. Peinard dans sa chambre, il était affalé sur son lit. Il avait allumé une bougie et feuilletait de vieux magazines porno, prêt à se tirer sur le poireau. C'était après qu'il ait entendu l'histoire du grand frère. Cette astucieuse technique de branlette arabe. Le gosse cherche donc autour de lui quelque chose qui pourrait faire l'affaire. Un stylo bille ? Trop gros. Un crayon? Trop gros, et trop rugueux. Mais au pied de la bougie, il y a un morceau de cire fin et lisse qui pourrait fonctionner. Du bout du doigt, ce gosse arrache le long morceau de cire de la bougie. Il le fait rouler entre ses mains jusqu'a ce qu'il soit le plus long, le plus fin et le plus lisse possible.

Défoncé et excité a la fois, il le fait glisser de plus en plus profondément dans son urètre. Avec un bon morceau de cire toujours visible à l'extérieur, il se met au boulot.

A ce moment la, il se dit encore que les arabes sont vraiment malins. Ils ont totalement réinventé la branlette. Couché sur le dos, les choses se passent tellement bien que ce gosse ne s'occupe pas de savoir ce que devient la cire. Il est sur le point de lâcher la purée quand il s'aperçoit que l'extrémité visible de la tige a disparu.

La fine tige de cire a glissé à l'intérieur. Tout au fond. Si profond qu'il ne la sent même plus à l'intérieur de son urètre.

D'en bas, sa mère lui crie que c'est l'heure de dîner. Elle lui dit de descendre, tout de suite. Le gosse à la cire et le gosse à la carotte sont deux personnes différentes, mais on a tous à peu près la même vie.

C'est après dîner que les entrailles du gosse commencent à lui faire mal. Il s'était imaginé que la cire fondrait et qu'il finirait par la pisser. Maintenant son dos le fait souffrir. Ses reins. Il ne peut plus se tenir debout.

Comme le gosse téléphone depuis son lit d'hôpital, derrière lui on entend des sonnettes tinter, des gens crier. Et des jeux télé.

Les rayons X montrent la vérité crue, quelque chose de long et fin plié en deux dans sa vessie. Ce V long et fin a l'intérieur de lui collecte tous les minéraux dans son urine. Il grossit et devient rugueux, couvert de cristaux de calcium. Il se déplace et abîme la fine surface de sa vessie, empêchant sa pisse de sortir. Ses reins sont saturés. Le peu de choses qui parvient à filtrer de sa queue est rouge sang.

Le gosse est là avec toute sa famille qui regarde les radios aux cotés du docteur et des infirmières, avec ce V phosphorescent qui semble les narguer, et il doit leur dire la vérité. La façon dont les arabes se branlent. Ce que son grand frère marin lui a raconté.

Au téléphone, à ce moment précis, il se met à pleurer.

Ils ont payé l'opération de sa vessie avec l'argent de ses études. Une erreur stupide, et maintenant il ne deviendrait jamais avocat.

S'enfoncer quelque chose à l'intérieur. S'enfoncer à l'intérieur de quelque chose. Une bougie dans la bite ou la tête dans un noeud coulant, on savait que ça finirait mal.

Ce qui a mal fini pour moi, je l'appelle la “chasse au perles”. Ca veut dire se branler sous l'eau, assis au fond de la piscine de mes parents. Je prenais une grande inspiration, j'allais me caler au fond de l'eau et j'enlevais mon maillot. Je restais assis la pendant deux, trois, voire quatre minutes.

Rien qu'avec la masturbation, j'avais développé une grande capacité pulmonaire. Si j'étais seul à la maison, je le faisais toute l'après midi. Quand j'avais balancé la sauce, mon sperme restait la, suspendu en grosses gouttes laiteuses.

Ensuite je plongeais a nouveau, pour tout récupérer. Puis je balançais le fruit de ma collecte sur une serviette. C'est pour ça que ça s'appelait la “chasse aux perles”. Même avec le chlore, il fallait que je pense à ma soeur. Ou, encore pire, à ma mère.

A l'époque, c'était ma peur la plus terrible: j'imaginais ma sœur adolescente et vierge croire qu'elle prenait juste du poids, avant de donner naissance à un bébé débile a deux têtes. Chacune des têtes me ressemblant à moi, le père ET l'oncle.

A la fin, ce n'est jamais ce que vous craignez qui vous arrive.

La meilleure partie de la chasse aux perles, c'était le trou d'évacuation pour la pompe de la piscine. Oui, la meilleure partie, c'était se foutre a poil et s'asseoir dessus

Comme diraient les français: Qui n'aime pas se faire sucer le cul?

L'espace d'un instant, vous êtes juste un gamin qui se branle, et le moment d'après, vous ne deviendrez jamais avocat.

L'espace d'un instant, je m'installe au fond de la piscine, et le ciel bleu clair ondule au dessus de ma tête à travers 4 mètres d'eau. Excepté les battements de mon coeur, le monde est silencieux. Mon maillot à rayures jaunes est autour de mon cou, par mesure de sécurité, au cas ou un ami, un voisin, ou n'importe qui d'autre viendrait me demander pourquoi j'ai raté l'entraînement de foot aujourd'hui. La succion régulière du drain me lape et je frotte mon cul maigrelet pour amplifier la sensation.

L'espace d'un instant, la bite en main, j'ai assez d'air. Mes parents sont au boulot et ma soeur a cours de danse. Personne ne sera de retour avant des heures.

Ma main s'active presque jusqu'au point de non retour, et j'arrête. Je remonte a la surface prendre une grande bouffée d'air. Puis je replonge et me cale au fond.

Je fais ça encore et encore.

C'est sûrement pour ça que les filles veulent s'asseoir sur votre visage. Cette succion donne l'impression de chier à l'infini. En train de me faire bouffer le cul avec la queue dressée, je n'ai pas besoin d'air. Les battements de mon coeur dans les oreilles, je reste sous l'eau jusqu'a ce que des petite étoiles commencent a fourmiller autour de mes yeux. Mes jambes étendues au maximum, le dessous de mes genoux est plaqué au béton. Mes orteils deviennent bleus, et mes doigts commencent à se friper à force de rester dans l'eau.

Et puis d'un coup je laisse venir. Les grosses goutte blanches se mettent a jaillir. Les perles.

C'est la que j'ai besoin d'air. Mais quand j'essaie de prendre appui sur le fond pour remonter, je n'y arrive pas. Je ne peux pas mettre mes pieds sous moi. Mon cul est collé.

Les services d'urgence vous diront que chaque année, environ 150 personnes restent collées de cette façon, aspirées par un drain d'évacuation. Laissez vos cheveux se faire prendre, où votre cul, et vous êtes bon pour la noyade. Chaque année, des tonnes de personnes le font. La plupart en Floride.

Les gens ne parlent jamais de ça. Même les français ne parlent pas de TOUT.

Je lève un genou, je replie un pied, j'arrive à me mettre à moitié debout quand je sens la traction contre mon cul. Je replie mon autre pied et j'essaie de prendre appui contre le fond en donnant des coups. Je réussis à me libérer, mais si je ne touche plus le béton, je n'arrive pas pour autant à la surface.

Je bats des bras et des jambes comme un malade, je suis peut être a mi chemin de la surface mais pas moyen d'aller plus haut. Dans ma tête, les battements de coeur se font de plus en plus violents, de plus en plus rapides.

Des petites étoiles lumineuses plein mon champ de vision, je me retourne et regarde… mais quelque chose n'est pas normal. Du trou d'évacuation sort une fine corde, comme une sorte de serpent blanc-bleu zébré de veines, et elle s'accroche à mon cul. Certaines veines perdent du sang, un sang qui parait noir sous l'eau et qui vient de petites déchirures dans la peau blanchâtre du serpent. Le sang s'écoule doucement, disparaît dans l'eau, et sous la fine peau blanc-bleu du serpent on peut voir des morceaux de nourriture à moitié digérés.

C'est la seule explication possible. Un horrible monstre marin, un serpent de mer, quelque chose qui n'avait jamais vu la lumière du jour s'était caché la, dans les abysses du trou d'évacuation, attendant de pouvoir me manger.

Alors, je lui fous des coups de pieds, dans sa peau veineuse, glissante et caoutchouteuse, et on dirait qu'il en sort d'avantage du drain. C'est peut être aussi long que ma jambe maintenant, mais ça s'accroche toujours aussi fermement à mon trou du cul. Avec un autre battement de pied, je gagne trois centimètres vers l'oxygène. Toujours retenu par le serpent, je suis 3 centimètres plus près de mon évasion.

A l'intérieur du serpent, on peut voir du maïs et des cacahuètes. On peut voir une petite bille orange-clair. C'est le genre de vitamines pour cheval que mon père me donne pour me faire prendre du poids. Pour que je rentre dans l'équipe de l'école. Riches en fer et en acides oméga 3 bien gras.

C'est voir cette pilule de vitamines qui me sauve la vie.

Ce n'est pas un serpent. C'est mon gros intestin, mon colon qui s'arrache littéralement. Ce que les docteurs appellent un prolapsus. C'est mes tripes aspirées dans le drain.

Les services d'urgence vous diront qu'une pompe de piscine filtre 250 litres d'eau à chaque minute. Ça fait environ 200 kg de pression. Le gros problème c'est que dans votre corps, tout est connecté. Votre cul n'est jamais que l'autre extrémité de votre bouche. Si je me laisse aller, la pompe déroulera mes entrailles jusqu'a ce qu'elle ait ma langue. Imaginez vous en train de lâcher une pêche de 200kg, et vous aurez une idée de la sensation.

Ce que je peux vous dire, c'est que vos tripes ne ressentent pas trop la douleur. Pas comme votre peau la ressent. Ce que vous digérez, les docteurs l'appellent matière fécale. Au dessus c'est le chyme, des poches de liquide dégueulasse farcies de maïs, de cacahuètes et de petit pois.

C'est toute cette soupe composée de sang, de maïs, de merde, de sperme et de cacahuètes qui flotte autour de moi. Même avec les tripes en train de me sortir du cul, la première chose que je veux faire est de remettre mon maillot.

Pas question que mes parents voient ma bite.

D'une main je retiens mes intestins, et de l'autre j'essaie donc de récupérer le maillot à rayures jaunes autour de mon cou. Mais pas moyen de rentrer dedans.

Si vous voulez savoir ce que ça fait de toucher vos entrailles, allez acheter une boite de ces capotes en peau d'agneau. Prenez en une et déroulez la. Remplissez la de beurre de cacahuète. Enduisez la de vaseline et tenez la sous l'eau. Ensuite, essayez de la déchirer. Essayez de la plier en deux. C'est trop dur, trop caoutchouteux. C'est tellement visqueux qu'on ne peut pas la garder en main.

Une capote en peau de mouton, c'est du bon vieil intestin.

Vous comprenez ce que je dois endurer.

Vous vous relâchez une seconde, et vous êtes étripé.

Vous nagez vers la surface, pour respirer, et vous êtes étripé.

Vous ne nagez pas, et vous vous noyez.

C'est un choix entre mourir tout de suite ou mourir dans une minute.

Ce que mes parents vont trouver en revenant du boulot, c'est un gros fétus nu et recroquevillé sur lui même. En train de flotter dans l'eau trouble de leur piscine. Attaché au fond par une fine corde de veines et de tripes mêlées. L'exact opposé d'un gosse pendu à cause d'un accident de branlette. C'est le bébé qu'ils ont ramené de l'hôpital voila 13 ans. Voila le gosse qu'ils espéraient voir devenir footballeur et diplômé. Un gosse qui s'occuperait d'eux dans leurs vieux jours. Voila tous leurs espoirs et tous leurs rêves. En train de flotter, nu et mort. De grosses perles laiteuses de sperme gâché tout autour de lui.

Ou alors peut être qu'ils me trouveront enroulé dans une serviette sanglante, gisant à mi chemin du téléphone de la cuisine, les tripes déchirées encore pendantes de mon maillot à rayures jaunes.

Même les français ne parlent pas de ça.

Ce grand frère dans la marine, il nous avait appris une autre expression sympa. Une expression russe. De la même façon qu'on dit “j'ai autant besoin de ça que d'un trou dans la tête”, les russes disent "j'ai autant besoin de ça que de dents au trou du cul".

Mne eto nado kak zuby v zadnitse.

On dit que certains animaux pris dans des pièges se rongent la patte, et n'importe quel coyote vous dira que quelques morsures peuvent vous sauver la mise

Putain… même si vous êtes russe, un jour vous pourriez vraiment avoir besoin de ces dents.

Autrement, ce que vous devez faire, c'est vous plier en deux. Vous passez un coude sous votre genou, et vous tirez la jambe vers votre tête. Puis vous rongez votre propre cul. Vous manquez d'air, et vous seriez prêt à mordre n'importe quoi pour respirer encore une fois.

C'est pas le genre de truc qu'on raconte a une fille pour un premier rendez vous. Pas si on veut avoir un bisou.

Si je vous disais le goût que ça avait, vous ne mangeriez jamais plus de calamar.

Je ne sais pas ce qui a le plus dégoûté mes parents: comment je me suis mis dans le pétrin, ou comment je m'en suis sorti. Apres l'hôpital, ma mère m'a dit: "Tu ne savais pas ce que tu faisais mon chéri. Tu étais en état de choc." Puis elle a appri à faire des oeufs pochés.

Tous ces gens dégoûtés ou qui se sentent désolés pour moi…

J'ai autant besoin de ça que de dents au trou du cul.

Aujourd'hui, on me dit toujours que je suis trop maigre. Dans les repas, les gens font la gueule quand je ne mange pas le rôti qu'ils ont préparé. Mais le rôti me tue. Le jambon aussi. Tout ce qui reste dans mes intestins plus de quelques heures ressort intact. Haricots verts ou thon en morceaux, je les retrouverais toujours tels quels dans les toilettes.

Apres une sérieuse réduction des boyaux, on ne digère plus la viande aussi bien. La plupart d'entre vous a environ 2 mètres de gros intestin. J'ai de la chance d'avoir mes 13 centimetres. Alors je n'ai jamais été pris dans l'équipe de foot. Je n'ai pas été reçu dans une grande école. Mes deux potes, le gosse a la carotte et le gosse a la cire, ils ont grandi, ils ont pris du poids, mais moi je n'ai jamais pesé un gramme de plus que quand j'avais 13 ans.

Un autre gros problème c'est que mes parents ont dépensé pas mal d'argent pour cette piscine. A la fin, mon père a dit au réparateur que c'était un chien. Le chien de la famille était tombé et il s'était noyé. Le cadavre s'était fait aspirer par la pompe. Même quand le réparateur a ouvert le filtre et qu'il y a trouvé un morceau d'intestin avec une pilule de vitamine orange encore à l'intérieur, mon père a juste dit : "Ce chien était barge".

Depuis la fenêtre de ma chambre, on pouvait entendre mon père dire : “On a jamais pu laisser ce chien seul plus d'une seconde”.

Puis ma soeur a eu du retard dans ses règles.

Même après avoir changé l'eau de la piscine, même après avoir vendu la maison et déménagé dans un autre état, et même après l'avortement de ma soeur, mes parents n'ont jamais plus mentionné cette histoire.

Jamais.

C'est notre carotte invisible.

Vous. Maintenant, vous pouvez respirer un grand coup.

Je ne l'ai toujours pas fait.

Fin

Nouvelle tirée de Haunted

20 juin 2011

Au nom du père, du fist et du saint-esprit

Certaines journées sont plus merveilleuses que d’autres. C’est ce que je me suis dit lorsque j’ai découvert cet article cardinal du site Rue89.com où il est question de spéléologie en terrains humides par de vrais passionnés. Il existe parfois, comme ça, des articles clefs en main, des petits bijoux de jubilations, de ces choses de la vie dont on ne peut passer à côté, du caviar à la louche offert gratuitement. C’est d’une évidence aveuglante que l’histoire surprenante de François, Juan Carlos et Nelly, la reuss de François, s’imposa à moi comme un colosse de Rhodes. Nos trois héros sont des explorateurs modernes, mais des fouineurs d’un type particulier. Ici, il ne s’agit pas de découvertes sur de vastes espaces inviolés, mais de chevauchées sauvages dans des interstices difficiles d’accès sans une certaine préparation physique en amont (et mental pour le spectateur). On est au coeur d’une pratique millénaire au fondement de notre civilisation, d’origine grecque donc, qui réinvestit le champ des possibilités d’expressions de soi, apparemment, par l’usage d’un poing enfoncé dans l’anus de son prochain. En osant un jeu de mots quelque peu grivois, nos trois personnages sont en quelque sorte des inspecteurs du fist.
(Cliquez sur "lire la suite" en bas d'article.)

Avant d’entrer à vif dans le sujet, soulignons d’abord, les hautes priorités professionnelles de nos deux journalistes de terrain qui nous ont ramené ce débreffage brulant comme un thermomètre après une sodomie. Quand certains reporters de guerre perdent leur temps et un fric monstre aux frais de leur rédaction, pour souvent finir en otage et inquiéter tout le pays, d’autres partent en vadrouille au péril de leur coccyx, afin de nous excaver les grandes vérités de notre époque.
C’est donc à Assigny, dans le Cher, que nos deux folliculaires débarquent dans la maison d’hôtes La Fistinière où se déroule le théâtre des opérations, là où ça tire à tout va, où les troufions douillent sévères comme en Afghanistan.
Ça commence par l’histoire de François et de Juan Carlos, d’origine colombienne, qui tombe amoureux l’un de l’autre dans une soirée appropriée pour ce genre de fistivité.
En couple, leur hobby devient une obsession pathologique névrotique maladive et alors apparait la saugrenue idée d’en faire un business juteux, vu que le marché est encore vierge, lui. C’est d’une mécanique bien huilée à la vaseline qu’ils ont monté ce pandémonium rural et en font profiter leur client de tout leur doigté en la matière.



« À l'époque, ils rêvent d'un endroit convivial et hygiénique, dédié à leur activité manuelle favorite avec à disposition tout le matériel nécessaire. Des préservatifs aux gants en latex. Cette idée ne va bientôt plus les lâcher. »
Enthousiaste à l’idée de faire du pognon sur le dos des enculés, Nelly, la sœur de François les rejoint et s’occupera de la cuisine (féministe où es-tu ?), pendant que les deux tourtereaux en latex prendront en charge l’accueil des clients et la sécurité des égayments.
« Si quelqu'un a un peu trop bu, on le surveille car ça peut vite devenir dangereux. ».
Ensuite, la gourgandine, de nature ouverte, participera aux réjouissances en donnant un coup de main et passera maitre dans le noble art du coup fourré.
« J'aime beaucoup fister des garçons. La première fois que je suis montée, François et Juan Carlos étaient un peu gênés, moi pas du tout. »
« Je l'ai toujours dit : Nelly c'est un pédé dans un corps de femme. Sexuellement, nos pratiques ne lui ont jamais posé de problèmes. Elle a cette mentalité très ouverte et accepte que la sexualité soit un jeu. »
précise Juan Carlos, dont Nelly boit les paroles cul sec, avant que François ajoute :
« Le fait de prendre du plaisir par le cul avec une femme, ça les excite. »
Ce que pense à peu près tous les hommes, mais pas dans ce sens-là.
Comme pour toute aventure palpitante, le péril peut surgir à tout moment d’un recoin sombre et les faucher de ses noirs desseins. Ces bourlingueurs bourrés d’audaces n’ont que deux peurs : le déchirement anal et du caca plein les doigts. Contre ça, que deux solutions viables existent : la délicatesse et le lavement.
C’est d’abord tout un art culinaire, la préparation d’un bon fist.
« Avant de faire un fist, on fait un lavement, donc il faut des aliments faciles à évacuer. Avec les tomates, il faut enlever la peau et les pépins. Il faut toujours des féculents. ».
Ensuite, il faut savoir être soigneux avec l’anus de son client (il a payé quand même), d’une finesse de mouvements d’un pratiquant de Tai Chi Chuan et la précision mathématique d’un expert en mécanique des fluides. Ça ne se fait pas de deux trois coups de cuillère dans le pot.
« Les intestins c'est très fragile. À l'entrée de l'anus, si on force, il peut y avoir une déchirure, donc une infection. Pour éviter ça, il faut dilater. »
« Il faut que les ongles soient bien coupés, limés, même si on porte des gants. Il faut utiliser un bon lubrifiant, attendre que les anneaux et le sphincter s'ouvrent successivement. Et puis autour de cet anus, il y a un individu tout de même, il faut être à l'écoute, savoir si ce qu'on lui fait lui plaît et surtout ne jamais forcer. »
« On peut y aller doigt par doigt ou assurer la dilatation par massage. Il faut toucher, caresser, voir comment ça s'ouvre et ne jamais brusquer. »
On pourra remarquer deux choses. D’abord le zèle dont se fourvoie le journaliste à nous retranscrire au plus près de la réalité et avec le plus de détails et minutie possible une séance d’un bon gros fist bien lubrique. C’est à se demander s’il ne s’est pas branlé pendant ces racolantes déclarations, et moi aussi. Pis, ce passage que je trouve génial « Et puis autour de cet anus, il y a un individu tout de même ». Au-delà de la cocasserie de cette phrase, le besoin de le préciser me semble inopportun, suspect, comme glissé à son insu par un inconscient mal intentionné.
Un bon client qui a déjà neuf tampons sur sa carte de fidélité. Plus qu'un et un fist gratuit lui sera offert.

Le fist-fucking, à ne pas confondre avec le fisc-fucking du ministère des Finances qui lui ne consiste pas à toucher certaines glandes, mais à les foutres, est un art de plaisance mésestimé du grand public. C’est aussi une profession de foi. Il faut en vouloir pour se lancer là-dedans.
« Qu'il s'agisse d'une pénétration de la main ou d'un bras, pour se faire fister, il faut vraiment le désirer fort, sinon ce n'est tout simplement pas possible. »
Cet article ne pouvait pas se finir sans une justification morale. Nos trois prospecteurs des abysses jouent la carte de la philosophie du plaisir charnel. Ce qui est surprenant, n’est-ce pas ?
« En tant qu'hommes, on peut avoir un plaisir fou par son cul en faisant appel à certaines glandes. C'est comme si on jouissait de la bite mais multiplié par mille. ».
La sainte jouissance et le divin plaisir de nos glandes sexuelles sont encore une fois de plus au rendez-vous des apôtres du porte-crotte.
« Ce qui m'a plu dans cette pratique du fist, c'est le respect absolu qu'il y a entre les deux personnes. Le fait d'introduire la main dans les intestins de quelqu'un, c'est une pratique très intime. Plus intime ça n'existe pas. Tout est dans la confiance et le respect »
Tout un bras dans les entrailles comme « art de vivre » et lien intime, profond et étroit entre plusieurs personnes. C’est beau comme du Angot.
« Il y a une grande recherche spirituelle dans cette sexualité. Je trouve de toutes manières que la spiritualité est partout, dans tout ce qu'on fait, on a pas besoin d'être entre les quatre murs d'un séminaire ou d'un couvent pour la vivre. Le message christique c'est l'amour. Aujourd'hui, j'ai l'impression de vivre ma vocation ici. »
Et pourquoi pas Fais à ton prochain, ce que tu aimerais que l’on te fist ou Au nom du père, du fist et du saint-esprit, tant qu’on y est !
De tout temps, les vices et actes qui portent atteinte au bon sens sont toujours justifiés moralement au nom d’une pseudo-philosophie pour se masquer à soi-même le non-sens tragicomique de sa petite vie misérable et/ou pour que ça glisse comme du beurre aux yeux de l’agora. Le problème n’est pas que ces trois névrosés qui s’automédicalisent le mental à renforts de lubies post soixante-huitarde se prennent pour des proctologues amateurs, font s’k’ils veulent, mais qu’on puisse envoyer deux pisse-copie pour enquêter sur que dalle, le néant, vacuum, trou de balle, un je-ne-sais-pas-de-quoi-qualifier-ça,-merde !, qui n’est même pas un fait divers. Ce genre d’articles intimiste est le bas de gamme du journalisme, relayant ce métier de plus en plus inutile au rang de piaillement de palier quand la concierge s’en mêle.

Tu seras un slip, mon fils !


En ce moment, une association féministe fait feu de tout bois avec succès pour qu’on parle d’elle. Cette association de braves s’appelle « Osons le féminisme », nom qui en dit bien plus long que n’importe quelle profession de foi militante. Ses milices de la Bonne Morale Féministe surveillent le paysage mondial en quête d’un dragon à combattre, d’une hydre à terrasser, d’un tsunami macho à sa mesure, bigre ! La plupart du temps hélas, elles ne trouvent que menu fretin mais savent parfaitement s’en accommoder : on en découd avec des pucerons, certes, mais on en découd !
Osons le féminisme, l’expression laisse supposer qu’il faut du culot, du courage, une forme de radicalisme frisant l’inconscience, une témérité de taureau pour se proclamer féministe et agir comme tel. Ce nom suggère que dans un contexte hostile, dans une société qui bafoue chaque jour le droit des femmes et fait prospérer le patriarcat le plus absolu, il faudrait « oser » - quel exploit ! se dire féministe, le revendiquer à la face moustachue du monde, comme il fallait sûrement du courage pour se dire Protestant dans l’Espagne de Philippe II ou se clamer pacifiste à la cour de Gengis Khan ! Quels types épatants, ces féministes (sans parler de leurs gonzesses) !

Après tant d’autres associations pour l’Etablissement Universel de l’Ordre Moral, Osons le féminisme se fait donc une spécialité de militer sur les pieds des Méchants. C’est dans l’ordre des choses. Rien à dire. Dans le viseur des escadrilles féministes, Petit bateau, l’entreprise spécialisée dans les fringues moches pour gosses, boîte dont le nom lui-même ne fait aucune place au genre féminin, et qui aurait aussi bien pu s’appeler Petite embarcation que Petite chaloupe, Petite caraque ou Petite pirogue, si ses fondateurs avaient été plus modernes.
Petit bateau est donc accusé d’un crime proprement inconcevable : proposer des layettes « pour garçons » et des layettes « pour filles » ! Oui, citoyen, tu as bien lu ! Pire que ça, les layettes susnommées sont caractérisées par des inscriptions d’une bêtise surprenante, il est vrai, qui alignent les poncifs les plus éculés sur les qualités qu’on veut prêter aux bambins : le garçon s’affiche « fort », « vaillant », « déterminé » tandis que la fifille est « jolie », « coquette » ou « amoureuse ». C’est tellement bête qu’on croirait lire l’ébauche précoce d’un programme électoral pour 2012, mais non : ce sont des layettes !



Nous sommes donc contraints d’imaginer une scène pénible, celle de la genèse du bintz. Le patron de Petit bateau commande à son staff « créatif » une nouvelle idée pour booster la vente des layettes. Les équipes se jettent sur leurs dictionnaires à idées et, après trois mois de labeur, proposent au boss le chef d’œuvre en question. Le vieux est trop endormi pour saisir le potentiel proprement révolutionnaire du projet, il donne son accord et retourne à Deauville finir une partie de bridge. La machine est désormais en marche, rien ne peut plus arrêter la course des événements et bientôt, la France entière découvrira que les « créatifs » (mmouahahaha !) de Petit bateau sont les plus étonnants tocards connus depuis Auto macho, auto bobo! de comique mémoire.

Une précision : il n’a jamais été question d’aller chercher quoi que ce soit d’intelligent dans les productions de la marque Petit bateau. Malgré les efforts des propagandistes de la publicité, je reste, tu restes, nous restons tous radicalement méprisants à l’égard d’un quelconque fabricant de slips, et c’est la moindre des choses. Qu’il s’affuble d’un nom « malin », qu’il fabrique ses layettes, mais qu’il ne nous prenne pas pour des billes.
Cependant, il est dans la nature humaine de toujours se surpasser, et la sottise inhérente à tout boutiquier (fût-il côté en bourse) est vouée à être dépassée par la sottise conquérante des militants, cette Nouvelle frontière. Car les militants, en l’espèce, prennent la guignolade au sérieux. Certains brandissent même le nom de la Halde, comme on invoquait jadis le tribunal de l’Inquisition ! Au lieu de s’en foutre, au lieu de se moquer outrageusement des guignols et leur faire la contre-pub qu’ils méritent, on dégaine l’Ordre et le Bâton. Le féminisme moderne n’est pas du genre à se laisser gagner par la tiédeur.



Dans la France médiatique qui s’annonce, tout indique qu’un titre de Méchant du Jour sera bientôt discerné, sous le haut patronage d’une de ces innombrables Associations de sauveurs de monde dont l’Histoire n’a pas su prévoir l’effarante prolifération. Les Méchants du Jour sont donc les fabricants de slobards cités plus haut, Méchants d’autant plus facile à cibler qu’ils sont connus pour leur grande bêtise. Ils ont aussi mauvais goût. Il n’y a qu’à regarder leurs productions, en effet, pour se convaincre qu’on laisse décidément les adultes faire n’importe quoi aux enfants dans ce pays. Dans l’Histoire de l’habillement, jamais aucune population n’a été aussi mal accoutrée que la nôtre, jamais l’alliance du pantacourt, du pull dégueu, du truc qui pendouille sans raison et du boxer à élastique supermoche n’a été poussée aussi loin. Jamais les parents n’ont dépensé autant de génie à fagoter les gosses plus mal qu’eux-mêmes dans l’extase auto-admirative la plus totale. Et sans le bienfaiteur de l’humanité qui eut un jour l’idée d’inventer les poignées latérales, il serait désormais impossible de distinguer l’homme de la poubelle.

Mais ce n’est pas d’esthétique que s’occupent les Oseurs de féminisme, c’est de conformité au nouvel ordre moral qui stipule que fille = garçon et que la poupée, tu vois, c’est fachiste ! Il ne s’agit pas tant de respecter une loi que d’être conforme à une nouvelle échelle des valeurs dans laquelle la différenciation des sexes équivaut à peu près à l’extermination de masse : crime imprescriptible. Il faut rendre illégale la prétention à élever les enfants comme on le veut (y compris en leur fourguant des stéréotypes lourdingues façon Petit bateau) et obliger le populo, ce con, à tâter des fourches caudines associatives. Certains féministes poussent le dogme de l’individualisme si loin qu’ils refusent que la société assigne le moindre rôle à quiconque en fonction de sa nature, notamment sexuelle. Ainsi, pour être parfaitement libre, l’animal mimétique qu’est pourtant l’homo sapiens ne devrait plus se construire en imitant papa ou maman, mais plutôt en lisant les productions pleines de bon sens des gender studies. Petit bateau n’a sans doute enfreint aucune loi, puisque la loi n’est pas encore assez dénaturée pour interdire que le petit dernier s’identifie à papa et que la cadette prenne maman comme modèle. Mais le crime contre les préjugés féministes n’est pas loin, l’avenir nous le montrera... Il s’agit bien d’un ordre moral, puisqu’il définit une ligne de partage du Bien et du Mal, ligne d’ailleurs semblable à celle que nos grands-parents ont connue, à ceci près qu’elle s’est déplacée : elle ne sépare plus désormais les hommes et les femmes en deux groupes distincts, mais s’insinue au beau milieu de leurs fesses pour bien marquer que la dualité a son fondement dans le nôtre.