1 février 2011

La minute de BatPat : Bono

Quand je me réveille et trouve le temps au beau derrière mes rideaux rouges, immanquablement, ma tête de lecture interne se met à jouer « It’s a beautiful day » de U2. Curieuse bénédiction, mécanisme d’autodéfense impossible à prendre en défaut, cette musique sécrète une endorphine pure à 100% « It’s a beautiful day ! Don’t let it go away ! » Ah, quelle respiration de volontaire optimisme ! Quelle perfusion d’énergie positive ! Cette chanson, poussée alors systématiquement à un volume raisonnable grâce à mon ampli Denon, c'est-à-dire suffisamment fort pour porter la bonne nouvelle de l’espoir dans tout le quartier, me revitalise et me rafraîchit l’âme et la peau, mieux encore que ma crème hydratante for nous les men.
« You’re on the road, but you’ve got no destination ! » On a envie de partir sur la route ! On rêve de road movie épique sur la route 66, enfants naturels des hippies que nous sommes tous ! Quel fabuleux souffle de liberté s’empare de nous ! On se sent en vie et on veut vivre ainsi ! Bien sûr, le combat est vite ajourné, car il faut revenir au quotidien et à ses contingences aliénantes, mais on se dit que peut-être à la prochaine écoute de ce morceau d’anthologie, on sera courageux, comme Bono nous y invite ; courageux, comme Bono. Bono, ange de la liberté, nouvelle Marianne à l’audience globale, qui monte au créneau dès que le monde se trouve en danger de tout à fait basculer dans le précipice du Mal absolu ; Bono, beau comme un Dieu, quand il s’avance seul au front, en première ligne dans le combat contre l’oppression des faibles par les forts, et plus forcément en chanson, mais toujours avec cette irrévérence engagée et polie qui caractérise notre champion du droit d’ingérence humanitaire. « Monsieur le Président, get things done ! » a-t-il adressé, menace à peine voilée par son talent poétique, à un Nicolas Sarkozy mignonnement décrit avec « pieds tapotant » et « genoux bondissant », Président du monde pour encore quelques heures... Paul Hewson est un homme engagé. Un homme engagé depuis toujours.

Certes, les débuts ont été tâtonnants ; pas assez punks pour les uns, trop new wave pour les autres (surtout du point de vue de leur engagement capillaire ayant débordé le groupe sur tous les terrains de Bundeliga), mais U2 trouve bien vite son chemin en choisissant le rock héroïque.
Le groupe commence modestement, en s’attaquant à la guerre civile et interreligieuse qui tiraille leur pays d’origine, l’Irlande. Le monde attendra ? Non, car les textes engagés de Bono sont plus subversifs qu’il n’y paraît, piégés qu’ils sont au message de paix universel et à l’appel à l’unité. « Tonight we can be as one ! » Dès leur 3ème album War, U2 fait la paix à la guerre, et Bono le catho endosse une tunique de chanteur christique, au supplice devant la souffrance et l’injustice qui sévissent dans le monde. Bono est sur scène le porte drapeau, comme lors de ce concert mythique à Denver. Il est l’étendard du drapeau blanc, Larry Mullen Junior, le petit tambour rythmant la marche des divisions de la paix, Adam Clayton et The Edge, des snipers armés jusqu’aux cordes. Sunday Bloody Sunday est un réel cri de ralliement pour une génération X, ramassis de paumés désabusés et nihilistes, qui trouve enfin à exister par l’engagement total pour une cause noble, pacifique, humanitaire et/ou équitable. Ce tube interplanétaire est à jamais une déflagration pour le vivre ensemble, un appel explosif à la citoyenneté et une menace pop-révolutionnaire pour la liberté, l’égalité et la fraternité. Bono est peut être aujourd’hui un milliardaire qui a fait fortune dans la musique (U2 pèse 1,6 milliards de dollars) et les affaires équitables (Elevation Partners, société créée par Bono, détient 40 % de Forbes, «la page d'accueil des leaders du domaine des affaires du monde entier»), il reste indéniablement le modèle ultime du chanteur de gauche. Qu’importe qu’il ne figure pas dans la liste des 30 artistes les plus généreux du monde. Le don n’est affaire d’argent que pour les cuistres et les Enfoirés. Car Bono, à chacun de ses concerts, se donne entier à son public, faisant de chaque scène, une barricade de protection pour les faibles et une tribune de libre expression pour les opprimés. « Mangez, ceci est mon corps », semblait-il nous annoncer lors de son Zootour, sous les traits de The Fly, nouveau Jésus de vinyle au regard omniscient avec ses yeux de mouche multifacettes plantés devant la Télévision, nouvelle déesse, télécommande en main, fétiche technologique qui a tout à fait désacralisé et démocratisé l’industrie du divin. Si vous pouvez tout voir, c’est que vous êtes Dieu. Ne zappez pas !

Par la suite, U2 continue sa mission d’évangélisation pour le triomphe des droits de l’homme. Peine de mort, bombe atomique, famines, apartheid, torture, tous les visages du Mal sont attaqués. Pourtant, Bono trouve encore le temps et l’énergie de le dire avec des fleurs, sublimant l’amour de destruction massive qui nous fera gagner à la fin. With or without You restera à jamais le morceau le plus mythique du groupe, slow définitif reléguant Still loving You des Scorpions au rang de vulgaire complainte pour gens moches. « My hands are tied, my body bruised, she’s got me with nothing to win and nothing left to lose. » Car l’amour est un pari, un pari qui peut faire mal, mais où tout se joue, car rien, si ce n’est soi, n’y est en jeu. « We shine like stars in the summer night, we shine like stars in the winter night, on heart, one hope, on love… », vers ajoutés à la fin du morceau par le poète lors d’un moment live de pur lyrisme, immortalisé dans Rattle & Hum, le film témoignage et confession du groupe, préfigurant déjà l’enfantement dans la joie de One, classé deuxième sur la liste des slows irrémédiables ; une chanson qui a toujours le potentiel de changer le monde...



Dans son appel du 27 janvier, Bono nous avertit que « la face hideuse de l'extrême pauvreté » est « toujours debout ». Et notre colombe de la paix enjoint Nicolas Sarkozy, son presque déjà ami intime (« Au cours d'une rencontre privée, il m'a encouragé à faire sonner la corne pour la cause »), cet « homme politique talentueux », dont il sait « où se trouve le cœur », à écouter la voix de la raison, quand bien même cette dernière s’étranglerait sur une fausse note à cause d’une envolée trop empathique, d’un cœur trop gros. Magnifique preuve de lucidité, de dignité et d’humilité réunies ! Bono ne peut pas y arriver tout seul…
Comment ne pas répondre à son appel de détresse ? Comment rester insensible à cet homme de toutes les causes qui lutte depuis tant d’années sans jamais rien attendre en retour ? Comment ne pas s’engager dans son armée du bonheur et militer pour qu’enfin il conquière ce titre tant mérité de champion du monde toutes catégories des droits de l’homme, qui se dérobe à lui depuis tant d’années ? Qui veut enrhumer U2 et faire taire Bono en lui refusant son dû, le Prix Nobel de la paix ? Qui veut nous barrer la route de notre dernière chance d’être heureux ? « Far away, so close. » Bono vox est la voix que l’humanité doit écouter si elle veut enfin apercevoir quelque lumière dans la nuit…
Hé les filles, ça vous dirait que je vous montre ma compassion ?


2 commentaires:

  1. J'avais des posters de U2 aux murs de ma chambre quand j'étais ado, euh, je... enfin. Aahhhhh.

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