9 décembre 2010

On neige en plein délire


C'est pas de moi, ce qui n'empêche que c'est bien quand même.

- T’as rien oublié ?
Valise bouclée, frigo débranché, eau coupée (avec ces vieux tuyaux, mieux vallait être prudent et ne pas tenter la noyade du voisin d’en-dessous, déjà suffisamment con). Fin prêts, qu’ils étaient.
Ayant décidé de profiter des vacances scolaires pour aller se casser la gueule dans les Alpes, au lieu de patiner à Paris, la famille Durandale avait retenu trois mois auparavant à prix d’or ses places au Club Merdre. Elle s’était bien rongé les sangs, la petite famille, parce que des Noël sans neige, c’était pas ce qui manquait because le réchauffement climatique, certifiait le pater, un sage.
Mais dès la fin novembre, ils avaient constaté avec plaisir que cette fois, les dieux monothéistes ne les avaient pas abandonnés (sauf quand la petite avait manqué se péter le coude en tombant sur une plaque de verglas en accompagnant sa mère à la boucherie : depuis, ils songeaient sérieusement à devenir végétariens). La neige tombait à gros flocons ; papa allait pouvoir passer sa flèche d’argent, maman se délectait à l’idée de se croiser les bras pendant une semaine, et la moutarde, ben, elle suivait.
Ou plutôt elle essayait… Les vacances avaient failli mal commencer quand Capucine, dix, ans, un mètre trente-trois, s’était retrouvée emportée par le flot des voyageurs pressés de rentrer dans le wagon, paniqués, on les comprend, à l’idée d’avoir à attendre au moins deux minutes cinquante-sept le prochain métro. On avait finalement réussi à la récupérer, la mère ayant poussé des hurlements déchirants parce qu’on allait louper le train et que c’était sûr en plus qu’on les rembourserait pas vu qu’ils avaient pas pris l’assurance annulation ! Finalement parvenus gare de Lyon sans blessé grave, ils se précipitèrent dans le train juste avant que les portes se ferment.
C’était un avec couchettes, le train : ils allaient bien dormir, bercés par le doux roulis du métal, après avoir avalé les sandwichs préparés par les bons soins de la mère, parce que sept euros pour deux tranches molles de pain demi étiquetés Sodexo, fallait pas pousser !
Sauf que le doux roulis du métal était quand même bien entêtant : seule Capucine parvint à fermer l’œil, se réveillant à l’arrivée après dix heures cinquante-deux de voyage (les rails étaient plus frais en quarante), reposée, pimpante, bref, prête à faire chier tout son soul ses parents au teint terreux et aux yeux cernés.
Heureusement, le club vous prenait en charge intégralement à partir du moment où vous posiez moonboots sur le quai, vous permettant ainsi de débrancher en toute sérénité votre cerveaux lessivé. Il n’y avait plus qu’à se laisser traîner.
Le « transfert » (terme technique que seuls les initiés clubistes connaissent), en car, durait deux heures et quelques, et se serait bien déroulé si la petite n’avait pas vomi deux fois, dont une sur les genoux de sa mère. L’odeur incommoda tout le car pendant les trois-quart du trajet, et les voyageurs se plaignirent à grands coups de glapissements, faisant regretter amèrement au père de ne pas s’être fait vasectomiser avant qu’il soit trop tard. Un concours de gerbe s’ensuivit car, c’est connu, le dégueuli est en réalité bien plus communicatif que le rire.
Tout le monde fut donc soulagé à l’arrivée dans la station (qu’il nous est interdit de nommer pour ne pas faire de publicité).
L’hôtel était épatant : une batisse de fer et de vitres, tout en longueur et en hauteur, donnant l’impression rassurante, quoiqu’un peu utopique sans doute, de pouvoir résister à la plus mortelle des avalanches. Discours de bienvenue bien rôdé d’un beau GO bronzé, cocktail gratos d’arrivée (ne pas s’habituer à la gratuité : après il faudrait se servir de colliers dont le père aurait quand même du mal à digérer la valeur monétaire de chaque perle). Queue pour recevoir les clés de la chambre, queue pour prendre l’ascenceur embouteillé. Prise de possession de la chambre, re-queue pour avoir ses skis, course au garde-morveux pour se débarraser de Capucine pendant les cinq prochains jours, et petite sieste réparatrice. Les vacances commençaient.

Réveil à dix-neuf heures pour ne pas louper le dîner. Arrivés dans la salle des repas, les Durandale père et mère constatèrent avec plaisir qu’on ne les avaient pas volés. Sur la nourriture, en tout cas. Assiettes remplies à ras bord (ce qui est payé est payé), l’heureux couple se casa avec succès à une tablée fort sympatique composée de deux autres paires de partenaires avec enfants disparus eux aussi, un retraité égaré, et animée par le GO de corvée.Les discussions, fort intéressantes, tournèrent autour de la météo propice et de la qualité indéniable de ce repas « gar-gan-tu-esque ». Ophélie (la mère de famille dont nous avions jusqu’ici préservé l’anonymat pour on ne sait quelle raison) jetait parfois à la dérobée des regards à faire foirer les vacances (fondre la neige, pour les tardifs), vers le GO qui en avait vu d’autres, au grand agacement d’ailleurs de son conjoint qui lui, s’il n’était pas un Adonis, avait oublié d’être miro. Ils passèrent leur première nuit dans une ambiance légèrement glaciale.
Le lendemain, réveil dès huit heures, pour ne pas louper le cours, qui débutait à neuf heures quinze. Capucine, babillant sur les copines trop coool qu’elle s’était déjà fait, manqua les mettre en retard. Petit déjeuner rapide avant la dispersion des troupes, chacun devant rejoindre son groupe de niveau. Ils découvrirent alors que l’hôtel n’était pas vraiment « au pied des pistes », comme le précisait la brochure, mais plutôt à une bonne encablure de téléphérique (on pourrait peut-être en profiter pour réclamer un bon de réduction pour les prochaines vacances ?) ; Ophélie perdit presque un œil dans la file d’attente quand le skieur devant elle se retourna vivement, oubliant que ses batons pointaient à la verticale sur son épaule. Elle s’en tira avec une bonne griffure et la satisfaction d’une mémorable engueulade pendant laquelle elle avait affirmé avec conviction sa féminité la plus belliqueuse. Heureusement, « Que je t’aime », diffusée à plein volume par des hauts-parleurs jusque dans les endroits les plus reculés de la station, eut l’effet d’un baume apaisant et parvint à adoucir ses mœurs échauffées.
Nous ne nous étendrons pas sur les jours qui suivirent : ils se ressemblèrent tous plus ou moins. Capucine passait tous les soirs une bonne heure à son portable pour raconter par le menu à ses amies moins chanceuses le déroulement de sa journée (elle avait embrassé Gaston avec la langue le mardi, et ses parents se demandaient depuis pourquoi elle baissait le ton et gloussait quand ils venaient lui rappeler que son forfait millénium était loin d’être illimité). Ophélie s’était trouvé un nombre de points communs proprement ahurissant avec une Marocaine qui trouvait plus chic de venir skier en France. Et Jean-Philippe (le père de famille dont nous avions jusqu’ici préservé l’anonymat pour on ne sait quelle raison non plus) avait retrouvé un collègue N-2 auquel il toléra d’adresser la parole, parce que c’était les vacances. Il faudrait cependant veiller à retrouver une distance raisonnable, c’est-à-dire la plus grande possible, au retour à Paris…
Le vendredi, Jean-Philippe frôla de peu la flèche d’argent, après s’être mangé la dernière porte, mais c’était vraiment dégueulasse : il avait pris le départ avant-dernier, et les concurrents précédents avaient creusé des sillons profonds comme ceux d’une laboureuse dans un champs de maïs breton ! Sa femme ayant eu le mauvais goût de lui faire remarquer que le dernier n’avait pas semblé en être incommodé puisqu’il l’avait eue sa flèche, lui, il ne desserra plus les dents des vacances.
C’est donc dans une atmosphère un brin tendue que la petite famille prit le chemin du retour avec les deux cent quarante-sept autres clubistes. Capucine vomit à nouveau (deux fois) dans le car, ses parents ne parvinrent pas plus à trouver le sommeil qu’à l’aller.
Séparations bouleversantes sur le quai de la gare à Paris : mais on allait se revoir (le club Merdre avait un hôtel for-mi-dable à Agadir !), Capucine avait pris les numéros de ses nouvelles meilleures amies, et Jean-Philippe, toujours aussi silencieux qu’un moine de l’ordre des Chartreux, daigna serrer du bout des doigts la main de son N-2. Les vacances se seraient finalement bien terminées s’il ne s’était fait une entorse en descendant les marches (non salées) du métro.

10 commentaires:

  1. Putain j'irai bien skier moi.

    Hein ? Quoi ?

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  2. à mon avis les parents feraient bien de surveiller capucine -10ans- car elle va se faire aller au cul assez rapidos
    peut être même par le N-2 de son papa
    enfin tant qu'elle arrive à dormir en train....
    pour le reste....
    j'espère que les prénoms n'ont pas été modifiés...capucine et gaston ça connote vraiment bien "nouvelles classes moyennes"
    dans le prochain article ; "les machin trucs à la gay pride" ou "au goughi de bilbao"

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  3. rien à voir :

    je m'offusque ! merde ! je viens d'apporter ma contribution au quizz de noel.. j'ai personnellement souhaité voir le retour de céline, et j'ai pu constater que 15% des lecteurs souhaitaient la meme chose. bien. Cependant, j'ai vu qu'une majorité de lecteurs souhaitaient avoir du pognon, de la coke et des putes... je constate avec horreur que nombre de gens encore ne beneficient pas suffisament de ces delicieux privileges quotidiens.
    merde les mecs, vous savez qu'en sortant de chez vous vous pouvez trouver tout ça dehors sans compter sur un hypothetique papa noel ? y'a meme des services a domicile, comme ca pass besoin de bouger de l'ordi !

    un peu de bon sens citrique, votez pour céline, ou a la rigueur pour mettre un coup dans sego ;-)
    bon j'avoue avoir hesité sur la dictature sanglante et 7 ou 8 autres options.. au passage je felicite l'Hauteur du qvizz
    salutations
    weeeeess
    (qui vient de se faire livrer)

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  4. PS: j'ai bien aimé lire ce post, monsieur. merci

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  5. @ wess
    perso j'ai voté pour le plan cul ségo
    j'aurais aussi bien pu voter pour céline ( quoique le plan cul avec un vieux décrépi qui fouette du bec....ha ...c'est pas un plan cul....bavordavel ! j'ignorais ....je revote donc pour un plan cul avec ségo)
    @ tous
    pour être allé au ski avec les gamins ça ressemble pas vraiment
    sauf le vomi dans le bus
    il est vrai que nous n'étions pas partis par le clubmède ( savoir s'il y a aussi un club perse )

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  6. bonjour,
    je suis une nouvelle lectrice (qui se marre bien derrière son écran 38'').
    pas mal le récit de cette petite famille parisienne... ça sent le vécu, non ? moi je n'ai pas la chance de pouvoir partir au clubmerdre, ni même au "ski" avec mon fiston... mais je continuerai à vous lire pour rire, ça, ça ne coûte rien...
    bonne journée.
    F@

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  7. Jusqu'où va-t-on s'enfoncer ?14 décembre 2010 à 12:04

    Et voilà une lectrice. manquait plus que ça ! Comme si on en avait pas assez avec les pro et les anti Soral.

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  8. Appelez-moi Mademoiselle, j'insiste!14 décembre 2010 à 17:48

    Pas trop de vécu... Seulement la vision de quelques gadins mémorables sous mes fenêtres, et le sentiment que à défaut de sel, on pourrait au moins nous autoriser les skis à Paris!

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  9. "on pourrait au moins nous autoriser les skis à Paris!"

    Ah, ça me rappelle ces nuits enneigées où un pote me tractait de derrière sa caisse avec une corde, tandis que je surfais sur mon skimboard... A Paris, c'est interdit, c'est entendu, mais en banlieue, c'est bien connu, tout est permis.

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  10. Moktar la grosse tantouze14 décembre 2010 à 22:16

    "En banlieue, c'est bien connu, tout est permis"

    C'est entendu on sent celui qui a vécu

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