15 octobre 2010

En grève générale jusqu’à la retraite


Rue de Rennes. Sous un soleil de plomb. La foule. Les slogans hurlés dans les mégaphones, les banderoles, les stickers. Un ou deux fumigènes dans le cortège des flics en grève. Des zones de pub, la bouille à Besancenot, la hure à Mélanchon. On remonte le cortège. On croise les lycéens à l’angle du boulevard Raspail. Un cordon de CRS rase le mur ouest. Tiens, vous défilez aussi les gars ?! La FNAC. Un chat noir en vue. Puis deux. Puis plein. Nous voilà sur zone.

Mardi 12 octobre, on est à nouveau allé tâter le terrain de la mobilisation contre la réforme du régime des retraites. De Montparnasse à Bastille, on a battu le pavé au côté des chats noirs de la CNT, le syndicat historique d’origine espagnole appelant sans ambages à une grève générale. Et puis, on est rentré à la maison et on a allumé la télé pour prendre un peu la température du traitement de l’information. Résultat, entre la mobilisation conséquente, la sensation qu’étaient nombreux dans le cortège, ceux qui sont prêts à se laisser aller à un mouvement radical de contestation, et l’angle « choisi » par les journalistes, « les jeunes pour la première fois dans le cortège des manifestants, sont-ils manipulés par la gauche ? », comme une envie de hurler… de rire. Que la majorité des clowns à carte de presse veuillent étouffer le mouvement n’est évidemment pas un scoop. La question est, comment solutionner ce problème ?
Le feu c’est joli, mais la hache, ça défoule.


Au beau milieu d’une manifestation, quelques conclusions s’imposent. La première tient au folklore syndicaliste et à celui des partis politiques de gauche. Impossible pour un apartide de faire sans, alors faut faire avec leur manichéisme un peu grossier et puéril. Après tout, le mouvement de récupération peut s’opérer dans tous les sens. La deuxième tient à la gestion par les syndicats de la foule des manifestants. Un cortège n’est pas une foule fleuve. Plus précisément, un cortège, c’est comme un fleuve avec moult écluses. Chaque syndicat, voire chaque section territoriale ou corporative des syndicats, gère son propre segment. On divise la foule pour l’encadrer diront les syndicalistes, pour mieux la contrôler diront les mauvaises langues, notamment les cégébiennes. Une véritable logistique de jardin d’enfants. Propre à éviter tout débordement.
Une voiture customisée avec autocollants sur les ailes et sonorisation à caisson de basse ouvre le cortège. Pimp my strike ! Une banderole/étendard suit mais précède les sympathisants et autres fantassins encartés, bardés d’autocollants, véritables hommes sandwichs. La chair à canon patronale, la vraie, celle qui n’est là, sur Terre, que pour s’faire bouffer tout cru. Comme nous.

Chaque segment a ses propres slogans. A la CNT, on a beaucoup gueulé que ça allait péter. Sûr. Avec l’ambiance bon enfant, garantie par les pauses musicales festives, ce slogan s’avère totalement vidé de toute portée, de tout sens.
Mala vida ! Des mots en balles à blanc. Une contestation comme le super, sans plomb. Rock the casbah ? Les Clashs. Mais Rage…

A force de gueuler comme ça que ça va péter, on est à peu près sûr que ça ne va JAMAIS péter.
Derrière nous, le bourdonnement des vuvuzelas. Sont débarqués d’Afrique, mais pas d’nuit et en pyrogue. Les nouvelles trompettes festives de l’apocalypse made in CFTC. La bière mousse dans les vessies. Pas le temps pour s’arrêter d’pisser. Assourdissant. Assommant. Du rouge qui tâche. L’ange d’or ! Point d’chute. C’est la lutte finie !

Arrivé au bout du parcours, on s’aperçoit que tout l’intérêt d’une manifestation ne réside pas en sa marche, mais bien en son point de chute, qui rassemble enfin toute la foule. C’est naturellement l’heure pour les syndicats de chanter l’Internationale pour faire fuir le quidam, et déshonorer une éventuelle dimension solidaire, transcourants, de la mobilisation, et pour les CRS de s’assurer à coup de gaz lacrymo et de matraque, de la dispersion en bon ordre des mutins de Panurge. Le point de chute d’une manifestation, c’est toujours le point chaud.
Une vieille entame la causette avec la r’lève syndiquée. Y’a un vieux qui danse à moitié. Le syndicat cégette du ministère d’la Culure passe là, juste devant. Mes grenades ? Dans ma poche, j’ai le code. Appel à tous les Jacques. On s’éparpille pas hein. On reste. La place est encerclée. Tout l’monde jacte tout sourire avec tout l’monde. On va boire une mousse. On s’casse. On n’est pas à la veille du Grand soir…



Mardi, 20h, Laurence Ferrari annonçait une dispersion en bon ordre de la manif. Etonnant, tandis qu’on en arrivait tout juste. Dès mercredi, les images de bolossage de journalistes publiées sur Rue 89 venaient cruellement démentir et désavouer l’intégrité, la déontologie, l’éthique, ou tout simplement la rigueur de la…
…blonde à Bouygues. Enfumage. Et c’est pas fini.

Jeudi 15 octobre, alors que les lycéens de Jean Jaurès à Montreuil mettaient un peu le waï pour bloquer le bahut, un ado de 16 ans a reçu une balle de flashball en plein visage. L’ado est aujourd’hui en passe de perdre un œil. Bon nombre d’informations contradictoires ont alors afflué : les lycéens ont-ils été infiltrés par des « éléments extérieurs » ? Oui, puis non. De quoi semer le doute, jeter l’opprobre sur la levée des troupes lycéennes, suspectée de ne pas être spontanée, amalgamer chaque jeune à une vulgaire racaille de banlieue, soit minimiser l’événement. Car ce tir est bien un événement. Les CRS déployés ont indiqué qu’ils n’avaient pas eu le choix de tirer, acculés qu’ils étaient par le nombre. On imaginait tout de suite une horde de sauvageons énervés se ruant sur nos pauvres…
...tortues ninjas !

Or, les images publiées sur Rue 89 sont sans appel : le tir a été effectué à bonne distance, depuis une position non menacée… Le soir même, la secrétaire d’Etat chargée aux sports, Rama Yade, fustigeait Ségolène Royal sur le plateau d’A vous de juger, la pasionaria de gauche ayant la veille, chez…
…la blonde à Bouygues !

… adoubé « la mobilisation de la jeunesse », comme étant l’expression d’une lutte lucide pour la préservation des acquis sociaux. « Irresponsabilité » a tempêté Rama, transmuant sémantiquement la jeunesse ségolienne en groupe de « mineurs »…
Transsubstantiation lycéenne. Attention au retour de chiasse…

Un magnifique réquisitoire involontaire de la secrétaire d’Etat chargée aux Sports contre les Compagnies républicaines de sécurité : ils ont bien tiré sur un mineur alors qu’ils n’étaient pas menacés.
Les CRS allument gratos les enfants de la République. Dont acte.

La belle Rama, qui transpire la certitude de parvenir un jour aux plus hautes fonctions de l’Etat, car elle est une jolie femme et noire qui plus est, souffre d’un tel problème d’ego, qu’il l’empêche de mesurer le chemin qu’elle n’a pas parcouru depuis son entrée aux affaires, il y a maintenant plus de trois ans. A l’aise, mais toujours aussi creuse et vide, notoirement inutile et incompétente. A sa décharge, comme le soulignait très justement Alain Duhamel lors du débrief, les femmes politiques sont aussi ennuyeuses que les hommes, allant même jusqu’à leur piquer leurs tics verbaux et gestuels…
C’est l’attaque des clones de clowns ! D'la langue de bois pour les pantins ! Les jeunes, dans la rue pour cause de « crainte de l’avenir » ? Y’a de ça Yade, mais tu te Rama-sses encore en direct…

Quelques minutes plus tard, sur le plateau de Frédéric Taddeï, l’un des intervenants parlait quant à lui d’une possible dimension de solidarité intergénérationnelle et sociale.
Les atomes veulent constituer un corps. Les cellules jeunes sont nécessaires à la bonne santé du corps social, surtout qu’y sent déjà bien l’sapin…

Un éventuel symptôme qui révélerait les effets secondaires d’une libéralisation économique qui jette dans la jungle de la concurrence tous contre chacun. Rama Yade aura beau tenter de mettre tout ça sous l’étouffoir, et de pointer la manipulation de la jeunesse par les socialistes via l’UNEF, l’insécurité des banlieues et la menace terroriste auront beau être mises sur le tapis, les grèves reconductibles ont été votées, et les agendas ont déjà noirci à la date du mardi 20 octobre.
Le peuple n’est pas la plèbe. Pas assez con pour tout mélanger... On verra ça samedi… L’a raison Sarko, le problème, c’est l’pouvoir d’achat. Faut pouvoir, d’achat, s’payer une bonne tranche de grève…

Pendant ce temps, le gouvernement ne cesse d’annoncer qu’il ne cédera pas sur son calendrier. Le pouvoir joue la carte du pourrissement. Et il n’a pas peur de la pénurie, notamment en brut. Pour preuve, on commence à entendre parler des réserves stratégiques de pétrole de la France, dont on nous annonce qu’elles sont mobilisables selon des procédures qui relient les déficiences d’approvisionnement de la France en brut à des cas de menace armée extérieure…
Le souvenir de 68 est vivace ! On veut paralyser la grève qui paralyse…

Ajoutez le coût d’une grève à une limitation de ses effets dans ses vertus bloquantes, et vous obtenez une guerre de longue haleine, que le peuple, à bout de souffle, enchaîné à des crédits trentenaires, ne peut a priori pas s’permettre.
La poudre est mouillée. Mais les CRS se lâchent. Erreur en étincelle… « La guerre est donc un acte de violence dont l’objet est de contraindre l’adversaire à se plier à notre volonté. », écrivait Clausewitz. FlashballWar. Déclaration de guerre. C’est la montée aux extrêmes. Contre la violence armée, la violence doit s’armer.

On nous dit jouer la rue contre les urnes.
Révolution contre Démocratie. La belle comptine.

Or, la dernière fois que les urnes ont parlé, c’était pour sanctionner le pouvoir.
La Terre est rose comme une région d’France.

Or, dans les rues, c’est bel et bien une foule d’électeurs qui déambulent.
Stop. Les conditions historiques sont là. Les lignes de front sont multiples. Les gardes prétoriens sont chauds. Il faut repenser le point d’chute. Faudra bien en finir par là pour commencer. Faudra choisir. Ton prêt bancaire ou la vie ? C’est toujours la même. Bandits des grands buildings. La bourse ou la vie ? On va pas battre en r'traite ! Abolissons l'travail. En grève générale jusqu’à la retraite...

5 commentaires:

  1. A main droite: Les mythologies de gauche, le folklore syndical, la récup' des électeurs par mamie Martine ou tata Ségo, les leaders d'opinion auto-proclamés qui défilent, plus ou moins inspirés. Et les baveux complaisants, caméra au poing.

    A main gauche, le tout petit homme et ses serpillières qui aspirent à incarner le pouvoir raisonnable et fort. Sûr, ils veulent notre bien, malgré nous et nos emportements passionnels. Ils voient loin, eux, pauvres myopes que nous demeurons.

    Diable, comme la situation est excitante pour qui prétend à l'esprit critique !

    RépondreSupprimer
  2. b, dubitatif (mais tenace)16 octobre 2010 à 15:32

    Les syndicats sont par essence des outils de collaboration : ils ne luttent pas contre le pouvoir, fût-il celui de l'argent, ils négocient avec. Comme le Parti Zozocialiste ne lutte pas contre le pouvoir du capital, mais veut grapiller des miettes pour les plus faibles.
    Une manifestation, c'est une révolte codifiée comme du théâtre No : en amont sont négociées les places, l'ordre des troupes, avec la Préfecture le parcours, la «sécurité».
    Ensuite, on fait venir les petits soldats, on range les lycéens et étudiants entre le Snes et la CFTC…
    Même les drapeaux et les banderoles sont distribuées par les responsables, et ramassés après ; c'est c'est fait pour resservir, c'est qu'on sait quelle est l'issue. Qui les repasse entre deux aérations ?

    RépondreSupprimer
  3. Grocter et Pamble20 octobre 2010 à 16:56

    Mais mon pauvre monsieur b, avec les matières synthétiques, on ne repasse plus rien de nos jours. Je ne parle même pas de ces crasseux de la CNT qui se font un honneur de ne jamais laver leurs blue-jeans. Si c'est pas malheureux.

    RépondreSupprimer
  4. Tous les gros cons des cortèges sont directement rentrés chez eux quand ils sont arrivés au "point d'chute" mardi dernier. Comment tu veux qu'on avance avec des baltringues pareil ! Déjà qu'faut s'farcir tout leur folklore de tante... Par contre, y'a quand même une sacrée tripotée de connards en face, qui réfléchissent toujours selon les mêmes schémas éculés : les syndiqués sont que des pochetrons avinés qui bitent rien à rien à la dure réalité, et les jeunes n'ont pas droit à la parole parce qu'ils ont des dreads. lopettes ! Ah il est beau le paysage français !

    RépondreSupprimer
  5. (A) droite du malheur, (à) gauche du bonheur21 octobre 2010 à 17:06

    Le baltringueland, on l'aime ou on le quitte !

    Shivardi youpi !

    RépondreSupprimer