5 juin 2010

Sus aux vampires


La seule question qui compte lorsqu’on aborde le thème de l’écologie est celle du rapport essentiel de l’homme au monde. Tout le reste est bavardage de plateaux télés, chipotage sur la façon de poser le cautère sur la jambe de bois, quand ce ne sont pas bons sentiments vus du ciel pour faire larmoyer l’audimat.

Alors très bien. Mais qu’en est-il de ce lien ontologique de l’homme à la nature ? Ici deux vues-du-monde s’opposent : l’une postulant la séparation correspond à une conception dualiste et mécaniste du monde ; l’autre posant la co-appartenance implique une conception organiciste du cosmos. La première, dominante, issue du christianisme judéisé, affermie par la raison instrumentale cartésienne et l’idéologie des Lumières, est la vue-du-monde qui régente encore nos sociétés technicistes et marchandes. La seconde, dissidente, puise ses sources dans la tradition hermétique préchrétienne, dans les sociétés traditionnelles, ou aussi bien dans le romantisme du Sturm und Drang que dans le transcendantalisme de Thoreau. Elle alimente certains courants écologistes actuels qui sont de véritables grains de sable dans la mégamachine des valeurs utilitaires, c’est-à-dire des valeurs bourgeoises.

Car cette conception du monde qui s’est développée après le Moyen-âge jusqu’à devenir une évidence qu’il est interdit de remettre en cause, c’est bien la vision du monde bourgeoise ; vision pour laquelle toute chose peut être, à la gloire de Mammon et au nom du Progrès, vampirisée jusqu’à la moelle et enlaidie jusqu’à l’horreur. Pour les vampires adeptes de cette secte, le monde est un produit et l’homme un œsophage qui finira logiquement par ingurgiter ses propres excréments et comme dans Soylent Green, les cadavres de ses congénères. Quand il a tout sucé, il ne reste plus en effet au vampire que de se faire cannibale.


Mais comme nous le suggérions à l'instant, le mécanisme commence à s’enrayer, il devient difficile de faire perdurer le mensonge. Les incantations bourgeoises ponctuées de Progrès, Raison et Droits de l’Homme viennent heurter les écueils du réel. Le bourgeois-vampire est donc dans une position délicate, il faut qu’il continue à tromper son monde s’il veut précisément conserver les fruits de son usure du monde. Il va donc affirmer haut et fort qu’il est….écologiste ! Tout en continuant à n’agir que pour ses intérêts et ceux de ses congénères dégénérés.


Si pour lui le monde est un kleenex, le bourgeois-vampire n’aime pas la promiscuité de la morve. Il s’agit donc pour lui et lui seul de nettoyer la crasse sur certaines surfaces, en priorité celles où il réside, sans pour autant renoncer évidemment à en pourrir d’autres. La pollution, c’est comme la misère, l’essentiel est qu’elle ne se voit pas. Pour le bourgeois, il en va de l’environnement comme de sa personne, le principal c’est que ça fasse joli même si c’est du fake à 100% et qu’en dessous ça grouille de pourriture et d’ordure.

Ainsi comme il a pu, en d’autres temps, clamer haut et fort qu’il était antiraciste pendant qu’il faisait larbiner pour lui les bougnoules et les nègres (ce qu’il continue de faire d’ailleurs en leur chantant d’autres chansons), le bourgeois s’affiche aujourd’hui ouvertement écologiste, pendant qu’il salope tout ce qui lui rapporte du pognon. Magie de la communication. Sa logique marchande pourrit tout mais, cela ne l’empêche pas de nous vendre l’idée que c’est grâce à elle que les problèmes environnementaux seront résolus. La main invisible du marché, la privatisation de tout, l’usure, la démocratie représentative, tout son arsenal qui a fait ses preuves dans la destruction, il le rebaptise aujourd’hui Développement Durable et il cherche par ailleurs des solutions pour, comme il dit, redonner du Sens et de l’Ethique au Progrès . Comme c’est mignon.

Faut-il alors un dessin pour faire comprendre ce qu’il faut opposer à une telle conception du monde ? Peut-être que non. Mais face à la perversité du bourgeois-vampire qui parvient donc à se faire passer pour ce qu’il n’est pas, il semble toutefois nécessaire de poser quelques jalons.

Comme en matière de problèmes économiques et sociaux, bien entendre que la solution ne viendra pas de ceux qui ont créé les problèmes. Le libéralisme même repeint en vert ne résoudra rien, bien au contraire. Ensuite, comme toujours, il y a les réformistes et les opportunistes, ceux qui pour reprendre la formule de Bossuet « déplorent les effets dont ils chérissent les causes » ; une figure emblématique cette engeance étant le business man et collectionneur d’hélicoptères Yann-Artus Bertrand.

Proscrire donc en premier lieu tout réformisme gestionnaire qui ne participe qu’à la reconduction du système et qui consiste à aller dans le mur, mais plus lentement, afin d’avoir le temps quand même d’en profiter. En l’occurrence, il s’agit donc de rompre avec la perspective anthropocentrique instrumentalisante et productiviste qui domine la pensée moderne (même sous ses formes « modérées » de rupture tranquille). Il faut donc être imperméable à tout compromis, être littéralement radical, ce qui signifie donc aller à la racine, puiser à la source. Et là, on voit déjà les têtes ébouriffées des humanistes locaux s’agiter comme celles de rabbins en prière, effrayés qu’ils sont par la constitution possible de ce qu’en d’autres temps on appelait des classes dangereuses. Car c’est effectivement de là que peut venir le danger pour le bourgeois moderne. Des écologistes qui vont s’abreuver aux « sources cristallines » (Laurent James). Celles de la Gnose Chevaleresque, de la Sapience Primordiale, de L’Idéa platonicienne, de l’Europe Aurélienne matinée de Lumière Orientale, toute source sacrée du Beau et Du Vrai. Non pas pour penser différemment, mais pour ne plus penser, pour ressentir, s’éveiller. Mais ressentir non pas pour se soumettre sans condition à la Nature et à son Ordre mais pour travailler avec elle (avec Lui) à la réalisation de soi, c’est-à-dire à sa propre élévation. Faire de l’homme le « Berger de l’Être » (Heidegger), tel devrait être le but de tout écologiste conséquent. Opposer au désenchantement de la séparation, une ontophanie de l’éternité retrouvée.

J’entends déjà l’écologiste économico-matérialiste de la Technique-Monde lancer un : « Oui mais on fait quoi concrètement ? ». Comme si tout ceci n’était pas concret. Alors certes, certains écolos finissent par évoquer la solidarité communautaire, la relocalisation, la démocratie participative. Mais « Spiritualité », « vie intérieure », « Âme », « Symbole » sont des expressions qu’ils continuent à considérer comme trop fascistes. Leur imaginaire est loin d’être décolonisé. Ils ne sont donc pas trop gênants pour la stabilité et la reconduction du Nouvel Ordre Planétaire. Mais qu’est-ce qui est réellement dérangeant pour ce totalitarisme caméléon qui aujourd’hui prend des couleurs vertes ? Une fois qu’on lui a opposé que le monde n’est pas un parc de loisir mais que le monde est Dieu, que la nature est Dieu ; une fois qu’on laisse entendre à ses sujets qu’ils leur faut s’ouvrir pour rencontrer à nouveau le Mythe et se délivrer du Mal, que le Grand Pan et le Christ réconciliés seront à même de terrasser le Dragon ; une fois qu’on a rappelé qu’il est écrit que « : L’homme ne se nourrit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu », y-a-t-il un autre modèle, un autre choix entre un despotisme éclairé et gestaltiste défenseur du Cosmos Vivant et de l’Esprit et l’actuel despotisme obscurantiste de l’Economie Totale promoteur de l’Univers Machine et la Matière ? Dieu seul doit le savoir. Si nous prétendons être écologiste, la seule chose que nous avons à faire consiste donc, le pieu entre les dents, à Le chercher.


« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » – Bossuet

« Toutes les choses vivantes sont liées les unes aux autres, ce lien est sacré et rien, ou presque rien, n'est étranger à quoi que ce soit [ ... ] Représente-toi le monde comme un être unique et une âme unique. Considère comment tout contribue à la cause de tout, et de quelle manière les choses sont tissées et enroulées ensemble » Marc Aurèle

14 commentaires:

  1. "La seule question qui compte lorsqu’on aborde le thème de l’écologie est celle du rapport essentiel de l’homme au monde."

    Tout est dans la taille du pénis à mon avis... je n'ai pas lu la suite, du coup: mais je suis sûr que c'est super intelligent. On est sur le Cultural Gang Bang quand même.

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  2. Dites-donc Mr Beurk, votre commentaire ressemble fort à de la retape pour vos blogounets insipides.

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  3. Comme c'est émouvant, un blog qui se meurt... et pathétique aussi: ces ultimes soubresauts d'orgueil de son chef.
    Bon, moi, je plaisantais en fait, rien de plus... mais mes commentaires (comme les articles de mes blogounets insipides) font souvent mouche -et vous avez été vexé par le dernier en date, mon lapin.

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  4. Quel chef? Moi ?
    Hihi...
    Le dernier quoi en date? Commentaire ou article? Parce que pour ce qui est des articles, je ne lis jamais Candidose sidérante machintruc.

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  5. l'anonyme de minuit une8 juin 2010 à 01:21

    « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »... on dirait que cette phrase a été inventée exprès pour décrire finkielkraut

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  6. Moi je n'aime pas Heiddegger, un peu de sérieux tout de même. Vous ne croyez tout de même pas que les forêts allemandes offrent des perspectives d'horizon suffisantes pour penser clairement, surtout venant d'un post-fasciste. Vouloir éliminer le fascisme marketing par un hitlerien me parait un tantinet discutable. Pour ma part je ne crois pas en dieu, ni en l'âme etc. Tout cela me parait trop abstrait. Mais le retour à des sources culturelles, l'idée intéressante de re-plonger l'humain dans la nature, ça je trouve sympa... Pour ma part, j'ai écrit un roman -non encore publié- qui parle de l'humain dans la nature exactement comme il faut -concret, organisé, poétique- . Je n'ai pas encore trouvé d'éditeurs, mais ce que je dois dire c'est que pour le lire avec bonheur, il faut pouvoir projeter positivement dans une relation amoureuse assez "naturelle", c'est à dire sexuellement heureuse et libre. Et c'est là que le bat (bas) peut éventuellement blesser, je ne sais pas. En tous cas, je l'avais envoyé à une maison d'édition qui se vantait de faire de la résistance à l'esprit marchandise, puis, quelque temps après, j'ai regardé leur site, ils faisaient la promotion de Houston Nancy. Parce que, comme cela a été souligné, le corps compte dans la nature, dans la perception de celle-ci. Maintenant, la culture, c'est important pour changer les choses, mais à mon avis, sans une petite crise boursière,on aura du mal à éviter la fin du monde

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  7. nb : j'arrive sur ce blog en provenance de scriptoblog, voyage qui m'a conduite à lire le super résumé de Bernay, propaganda, qui en dit long sur la reptilisation de la classe dirigeante.

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  8. Si tu parles de la fiche de lecture de Propaganda de Bernays sur Scripto, le texte est fidèle à la pensée de l'auteur, mais il y a quelques erreurs dans le préambule présentant Bernays.

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  9. Des erreurs importantes ? Ce n'est pas le neveu de Freud ? Il n'a pas écrit sur la syphillis ?
    nb : je ne sais pas du tout qui tient ce blog. C'est un peu un jeu avec un bandeau sur les yeux.

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  10. En tous cas, ce texte sur Bernay, je l'ai envoyé en Afrique, à un ami là-bas, pour l'informer, et il m'a répondu qu'il a été impressionné. Je pense qu'il n'imaginait pas qu'il existe des gens aussi cyniques... S'agissant du texte contre les vampires, j'ai trouvé sa lecture agréable. Maintenant, j'ai donné ma participation sur d'autres pistes de résolution du problème.

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  11. Faudrait que je me replonge dedans et je n'ai pas le temps ni l'envie. Juste de mémoire, il est présenté comme le premier conseiller en relation publique, même si effectivement c'est lui qui a inventé le terme, c'est Ivy Leadbetter (un nom comme ça ; il était le grand-père adoptif de William Burroughs, l'écrivain) en travaillant pour Rockfeller. C'est Ivy Leadmachin qui a inventé la philantropie médiatisée des milliardaires par exemple.
    Bernays a surtout amené certaines sciences sociales et psychanalitiques dans ce métier.
    Le métier des relations publiques existe en fin de compte depuis la nuit des temps, mais c'est l'apport des sciences de l'inconscient qui constitue sa version moderne. Bernays n'est pas le neveu de Freud, mais le petit-neveu de freud, par son père et sa mère (compliqué). Il avait proposé à son grand-oncle de venir travailler à new-york et Freud a refusé en allant jusqu'à le répudier pour la récupération de sa freuderie.

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  12. Ce n'est pas un blog collectif idéologiquement uni, je dirai même que l'auteur de ce billet n'a pas son pareil pour être unique. :-)

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  13. Présentation du bonhomme

    http://www.culturalgangbang.com/2008/06/edward-louis-bernays-marionnettiste-des_18.html

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