15 juin 2010

Conseil de crasse

Attention : témoignage de professeur remonté...

"Les vacances approchent sans trop se presser, le mois de juin est « reconquis » : encore une bonne semaine de cours, et le début des conseils de classe. Si certains profs peuvent n’être pas persuadés d’avoir une utilité quelconque auprès de leurs élèves, ils peuvent en tout cas avoir une certitude : leur présence dans cette mascarade trimestrielle est définitivement pure formalité…

Ainsi, prenez une adorable tête blonde… (ou autre), absente les deux tiers de l’année, arrivant péniblement à une moyenne générale de 6 (les notes sont toujours sur 20, au cas où certains en douteraient…) en comptant le sport, les arts plastiques (besoin de guillemets ?), la musique et la note de vie scolaire, dernière trouvaille en date pour faire remonter les moyennes et tenant compte de l’assiduité, du comportement en classe, de la fréquence des retards et de…l’attitude au réfectoire pour les demi-pensionnaires (oui, vous savez lire, rassurez-vous) : le jeune padawan se verra automatiquement invité à passer en classe supérieure, à moins que ses parents ne décident que non, décidément, 6, c’est un peu faiblard, et ne préfèrent lui imposer (ô tortionnaires d’un autre âge aux méthodes éducatives dignes des plus sévères remontrances de la Cour Européenne) un humiliant mais parfois bénéfique redoublement ! Ces parents, on s’en doute, ne sont pas légion…
Eh oui, le redoublement n’est plus qu’un mauvais souvenir dans la moitié des collèges réputés « difficiles » (doux euphémisme pour désigner ces lieux où la cote de maille est plus nécessaire que la parole diplomatique la plus acérée). Les qualificatifs ne manquent d’ailleurs pas aux chefs d’établissement pour désigner cet infamant procédé : « barbare », « stigmatisant » (comme si ladite moyenne n’y suffisait pas…), j’en passe et des moins bons.
Tout au plus se contentera-t-on d’inscrire sur son bulletin cette sévère sentence : « Résultats insuffisants » (mais insuffisants pour quoi, se demandera-t-on ? Certainement pas pour passer…). Toute remarque un peu plus énergique serait un traumatisme dont ces jeunes insouciants ne se remettraient pas : il faut flatter, inventer les mots les plus doux, les formules les plus sucrées, les périphrases les plus euphémistiques pour ne pas causer des blessures d’adolescence que dix ans de psychanalyse ne suffiraient pas à cicatriser.
Car attention, l’heure est à la valorisation du néant : prix du mérite, prix de la « solidarité » ( ! )… On attend avec impatience le prix du baggy qui dévoilera le plus le caleçon CK-Zéro, le prix de la plus belle french manucure, le prix de la sixième la mieux maquillée, le prix de la plus jeune maman (les profs adooorent organiser des collectes de vêtements de nouveaux-nés destinés à la progéniture de leurs précoces collégiennes)… Inflation des prix, sans doute pour compenser la politique économique européenne…
C’est ainsi que l’on enseigne à notre chère jeunesse la valeur du travail et de l’effort : habitués à passer en funambules d’une année à l’autre, voilà nos méritants chevaliers du labeur tout désorientés lorsque le couperet tombe fatalement en fin de 3ème : voie professionnelle (il est vrai que des compétences particulières en terme de french manucure peuvent alors s’avérer salvatrices).
Et c’est ainsi qu’après une année somme toute plaisante passée à multiplier les tournures ironiques, les menaces en tous genres, les rabachages, les sanctions méritées, mais aussi les petites réussites (une œuvre imposée lue et appréciée, une lecture librement effectuée après un conseil donné avec coeur, quelques progressions annuelles réellement méritantes, quelques remarques d’élèves spontanées et positives), on se retrouve en fin d’année écoeuré, bien conscient d’être une présence fantoche, une baudruche dans laquelle une administration condescendo-compationnelle souffle le zéphyr…jamais la tempête."

7 commentaires:

  1. Entendu il y a quelques semaines à la radio, un haut responsable de l'Ed Nat' "Le nombre d'exclusion est en baisse, nous cherchons de plus en plus des moyens alternatifs et modernes" - de mémoire.

    Ouaip. Fermer les yeux : c'est moderne. Et tellement plus facile. "De toute façon ça ne changerait rien", "on va quand meme pas l'exclure". Idem pour le redoublement... Irresponsable pour les profs, et pour les autres élèves - après tout, qui redouble ? Les cancres. Qui se fait exclure ? les violents.

    On baisse les bras... et on en est fier "c'est moderne".

    RépondreSupprimer
  2. Pensez-vous que les profs soient satisfaits de la dérive de l'enseignement ? Il faut comprendre que ce sont les derniers à qui l'on demande leur avis pour toutes ces réformes plus imbéciles les unes que les autres qui tombent au gré des économies à réaliser ou de l'objectif imbécile des 80%.

    RépondreSupprimer
  3. b, dubitatif (mais tenace)15 juin 2010 à 20:03

    Et vîtes-vous les chiffres montrant l'efficacité quasi-nulle des (rares) redoublements ?
    Plutôt que de lui resservir une seconde fois l'amère soupe qu'il n'a pas réussi à boire, ne vaudrait-il pas mieux que le cancre puisse profiter de classes relai, des passerelles, où l'enseignant tenterait d'adapter un peu plus l'enseignement à la difficulté ?
    Pouvoir éloigner certains de leurs délétères milieux ?

    Mais, ah oui, ça demanderait plus de moyens, vaut mieux les centrer sur le minimum vital du citoyen…sans sports ni arts plastiques ni …allez, quoi, ça sert à quoi, au fond, l'histoire géographie ?

    RépondreSupprimer
  4. Professeur Lafeignasse16 juin 2010 à 17:23

    En ten que prof de Frenssè je suit scandalisé par vau propo! Bon sur ce jme casse jsui en vacansses moi bande de fashaux!!!

    (ji é mairité ge fé kan mème dé journnai deu 4heur)

    RépondreSupprimer
  5. HAHAHAHA!

    http://www.marianne2.fr/Incroyable-effrayes-par-la-classe,-les-jeunes-profs-se-paient-des-cours-prives_a194138.html

    "On n’arrête plus la privatisation des études. Longtemps réservée aux lycéens et étudiants, le « cours de soutien payant » s’adresse désormais aux…enseignants eux-mêmes !La logique est la même : surfer sur la crise du système éducatif public en « offrant » de pallier à ses manques. Puisqu’il est de notoriété publique que les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) ne préparent pas les futurs profs à la réalité de leur métier, il n’est pas étonnant que des établissements privés se soient engouffrés dans la brèche.

    Selon un sondage CSA publié cette semaine, seuls 16% des enseignants débutants estiment que l’IUFM leur a fourni des outils et des méthodes directement applicables en classe. Les autres, ces milliers de jeunes profs parachutés en ZEP qui éclatent en sanglots en plein cours deux jours après la rentrée, seront autant de clients potentiels : on imagine déjà les bénéfices que ces écoles pourront tirer de leurs cessions « gestion de votre première classe »…

    (...)Chez Forprof, comptez 600 euros pour 30 heures de cours répartis sur une semaine avant la rentrée.


    Ils feraient mieux de faire du free fight...

    RépondreSupprimer
  6. Mon cher L(é)stat, tu sais tout comme moi que la question des "résultats insuffisants" ne se posera même plus puisqu'on n'aura bientôt plus le droit de noter avec la généralisation de l'évaluation par compétences. Plus de notes, plus de problèmes...
    Un jour, il faudra songer à guillotiner tous ces collègues qui sont heureux de supprimer, par décret ou par compétence, toute forme d'inégalités entre les individus. Il y a bien trop de rats qui suivent Meyrieu et l'inspection.

    RépondreSupprimer
  7. Mauvaises langues! Profs à queues fourchues! Mauvais éléments!
    Meyrieu a rétabli l'égalité:

    Grâce à lui, on n'arrive plus à différencier les UPI des autres élèves.

    RépondreSupprimer