31 mars 2009

Philippe Arondel "Damons le pion à la fausse intelligentsia" (entretien)


Philippe Arondel est économiste, ancien conseiller de Jean-Pierre Chevenement, membre du Club Ulysse et auteur de nombreux ouvrages comme "L'Impasse libérale" ou "L'homme marché " (Desclée de Brouwer) "Gouvernance: une démocratie sans le peuple?" (avec Madeleine Arondel chez Ellipses) ou "Manifeste pour une Europe des peuples" (Le Rouvre) dans lesquels il ausculte notre postmodernité libérale-libertaire. En exclusivité avant le G20, il nous livre ses impressions sur la crise de civilisation qui nous vivons actuellement. A consommer sans modération.




CGB: A la veille du sommet G20 le 2 avril à Londres (encore un pays anglo-saxon), force est de reconnaître que les "acteurs" sont divisés: d'un côté nous avons les USA de Barack Obama qui veulent soutenir la demande par un endettement massif et un plan de relance conséquent, de l'autre nous avons le couple franco-allemand (enfin le concubinage) qui mise plutôt sur l'éthique dans le capitalisme et des plans de relance assez chiches selon le FMI... Or, Dany Robert Dufour dans son ouvrage le "Divin Marché" (Denoël) nous a appris via Bernard de Mandeville que le capitalisme était amoral voire immoral... Réguler le capitalisme n'est-ce pas un voeu un peu illusoire?


PA: Tout le problème vient, à mon sens, de la véritable ambiguïté sémantique qui entoure le mot régulation et en rend l'utilisation commune sujette à bien des dérapages...pour le moins intéressés.S'il s'agit, au nom d'un concept de régulation surmédiatisé, de permettre au capitalisme de mieux fonctionner dans son ordre propre, bref d'être finalement plus performant, alors nous risquons tout simplement de passer "au travers" des questionnements fondamentaux qui surgissent ,jour après jour, face à une crise qui touche tout à la fois aux catégories de l'économique, au sens large du terme, et de l'existentiel. Si l'on veut se sortir de l'impasse mortelle dans laquelle nous sommes, il ne faut pas poursuivre la désastreuse chimère de la régulation- ce qui reviendrait à faire de certain capitalisme libéral l'horizon indépassable de notre histoire-, mais, bien au contraire, militer pour une re-réglementation en profondeur des activités marchandes régissant notre champ économique.


L'un des enjeux cruciaux du futur G20 tient dans cette question incontournable: les grands pays industrialisés parviendront-ils à dépasser leurs contradictions traditionnelles et à poser les fondements d'un autre ordre économique enfin dédié au bien commun...sans pour autant sacrifier à un néo-bureaucratisme hors de saison? Quant à l'Europe- dont la nullité institutionnelle et l'impuissance stratégique sont patentes face à la crise-, il est d'une urgence vitale qu'elle sache non seulement parler d'un seule voix, mais aussi apostasier sa Vulgate néo-libérale et faire le choix de la puissance qui libère, de l'autonomie idéologique permettant de reconstruire ,sur des bases saines, une nouvelle économie politique libérée des pesanteurs de la vision du monde libérale issue, en partie, de la philosophie anglo-saxonne.


Qu'on le veuille ou non, nous ne parviendrons pas à juguler la crise en nous enlisant dans les errements archaïques du souverainisme, qu'il flirte avec certaine droite réactionnaire, se love dans les habits usés d'un républicanisme à bout de souffle...ou se fasse le complice d'un ultra-libéralisme n'osant pas dire son nom! L'avenir ne peut pas venir des élucubrations de pseudo-patriotes mélangeant allègrement, en un cocktail absurde, le pire des hayékismes, le populisme et le mépris affiché pour la grande culture européenne

CGB: Pan! Sur le bec de Paul Marie Couteaux et de De Villiers.... Le plus amusant tout de même c'est que ce sont bien les anglo-saxons qui militent pour une relance massive! Après les heures sombres du Consensus de Washington voilà que nos amis d'outre-manche et d'outre-atlantique redécouvrent les charmes de la relance par la consommation ou les grands travaux... Une nouvelle preuve du pragmatisme et de l'utilitarisme anglosaxon cher à Jérémy Bentham?


PA: Rien ne serait pire, dans les circonstances présentes, que de se laisser aller à des simplismes désolants. Les Etats-Unis, même lorsqu'ils donnaient l'impression d'être littéralement confits en dévotions libérales, n'ont cessé d'user et d'abuser d'un pragmatisme offensif et pour le moins roboratif. Le Président Reagan, par exemple, contrairement à ce que répandent nombre de "pleurnicheuses"anti-libérales, n'a jamais hésité à utiliser, quand il le fallait, les recettes du keynésianisme le plus classique! La commande d'Etat, dans certains domaines stratégiques, a été l'un des outils les plus utilisés pour piloter l'espace économique et le faire en quelque sorte "convoler en justes noces" avec l'intérêt national américain.Il faut être d'une insondable naïveté comme un Commissaire européen moyen- on reste poli!- pour croire un seul instant que les Américains sont incapables de violer, pour la "bonne cause", leurs propres théories économiques. Au risque de choquer tous ceux- et ils sont légions par les temps qui courent!- qui ont fait de l'anti-américanisme flamboyant leur fonds de commerce électoral, je pense que nous avons des leçons à prendre du côté de nos frères d'Outre-Atlantique ,dont le volontarisme, aux antipodes de nos gesticulations saturées de dogmatime impuissant, s'enracine dans une culture nationale encore vivante.Nous devons nous mettre à leur rude école...pour mieux nous émanciper de leur tutelle parfois envahissante. Cette véritable "révolution culturelle"- empruntant le meilleur à nos adversaires- doit s'articuler autour d'un retour à un politique enraciné, à un Risorgimento national et européen visant à briser l'étau des impérialisme qui menacent notre être culturel et nos libertés.


CGB : C'est vrai que les européens sont plus royalistes que le roi et se font les chantres de l'antiprotectionnisme, le mirifique Jean-Pierre Jouyet n'a d'ailleurs pas hésité à déclarer "le protectionnisme c'est la guerre", on pourrait aussi citer le somptueux Pascal Lamy qui a recemment lancé à nos amis belges "le protectionnisme est dangereux et ne marche pas". A vrai dire toutes les institutions européennes, les gouvernements et mêmes les syndicats dénoncent en choeur "le protectionnisme qui mène aux heures les plus sombres de notre histoire" (en se référant au Smooth Hayley Act)... Pourtant, lorsque l’histoire se répète, écrivait Karl Marx dans le 18 brumaire de Louis Napoléon Bonaparte , « la première fois comme tragédie, la seconde comme farce »... Le protectionnisme, voilà l'ennemi?

PA: Tout le probléme, c'est de savoir ce que l'on met sous le terme de protectionnisme- un "gros mot" pour les "derniers hommes" de ce début de siècle!-qui est devenu, au fil des temps, une véritable auberge espagnole conceptuelle.Autant il me paraîtrait tragiquement contre-productif de se battre pour une forme "stalinienne" d'autarcie européenne ou nationale, autant il me semble des plus importants de réhabiliter un discours de "protection"modéré, sérieux, soucieux de prendre la mesure de l'interdépendance actuelle des économies ,afin de faire revivre, au plan européen, des stratégies lucides ayant pour finalité de tenir à distance la "violence ordinaire du marché". Notre génération ne peut se reconnaître que dans une seule tâche historique, celle consistant, contre vents et marées, à faire surgir un espace communautaire auto-centré, pratiquant, avec finesse, à ses frontières, un système "d'écluses sociales". Tant que nous n'aurons pas réussi,même à la marge, à endiguer la pression délétère d'un libre-échange dogmatique, faisant du dumping social le plus atroce l'un de ses leviers privilégiés, il nous sera interdit d'espérer autre chose qu'un "esclavage" économique plus ou moins civilisé, avec à la clé, inéluctablement, une montée en puissance des passions racistes et des égoïsmes catégoriels, sur fond de délitement de notre esprit démocratique. Il va nous falloir choisir très vite entre la dictature du marché, la réification de nos moindres comportements qui l'accompagne nécessairement, et la liberté tragique des hommes faisant leur histoire.

CGB: Écluses sociales?? Il n'y a guère que Villiers et le très isolé Guillaume Bachelay (PS) qui ont évoqué cette piste... d'ailleurs comment expliquez-vous cette incapacité philosophique et historique à gauche (bien plus qu'à droite) de concevoir le protectionnisme (même Marx était libre-échangiste), l'image du professeur DSK à court de munitions jeudi dernier face à un petit patron citant Maurice Allais et parlant de la pression du libre-échange sur les PME était à cet égard plus que symbolique... Qu'est-ce qui cloche dans le logiciel de la gauche?

PA: Pour des raisons idéologiques et historiques bien précises ,qu'il faudrait des pages et des pages pour expliciter en détail, on peut dire que la gauche, surtout celle d'inspiration marxiste ou libertaire, s'est toujours sentie mal à l'aise face à ce que l'on pourrait appeler le sentiment national.Sauf en de très rares moments où son intérêt idéologique s'est trouvé en phase avec le souci patriotique de la nation, elle s'est toujours distinguée par une sorte de volonté "cosmopolite"- au mauvais sens du terme- la rapprochant du libéralisme bourgeois le plus dénationalisé. N'oublions jamais qu'au moment de la grande rupture de la Révolution française, ce que l'on appelle la gauche fait partie, avec la bourgeoise libérale, du même bloc "moderniste"- et historiquement ce bloc portait des espérances clairement progressistes- s'opposant aux tenants d'une société traditionnelle...se reconnaissant notamment dans les pratiques d'un mercantilisme étranger, en nombre de ses aspects, à la Vulgate libérale des physiocrates.

Par ailleurs, si la gauche radicale a souvent brocardé cruellement les "pulsions" protectionnistes, c'est qu'elle y voyait, et parfois à juste raison, l'expression d'une querelle sordide entre les différents secteurs du capitalisme, entre les intérêts divergents d'une caste dirigeante unie, par ailleurs, autour de la défense féroce de ses intérêts de classe! Encore aujourd'hui, il est des patrons moyens et petits qui souhaitent tout à la fois un libéralisme de choc à l'intérieur de nos frontières et une protection douanière importante à nos frontières pour les protéger du dumping commercial drastique liée à une globalisation peu ou mal régulée...Cette position, pour sympathique qu'elle puise paraitre à certains, n'est pas tenable et nuit gravement au discours protectionniste dans son ensemble.Il faut réinventer, avec l'aide de tous ceux qui le veulent, un discours de la protection légitime, équitable, altruiste, visant à construire un ordre international juste.



CGB: "Ordre international juste"... ça fait un peu Ségolène! Ce "protectionnisme altruiste" (oxymoron?) outre que dans des écluses commerciales ne devrait-il pas s'exprimer dans une taxe sur libre-échange? Par ailleurs le protectionnisme altruiste peut-il lui seul répondre à la crise ou doit-on l'associer à d'autres politiques de type keynesiennes?

PA: Ce n'est sacrifier à l'on ne sait quel libéralisme que de dire que la fin des échanges libres, d'un espace dominé par la dynamique des échanges équitables, risquerait de déboucher sur des situations politiques plus que dangereuses.Ce qui est condamnable, ce n'est pas l'échange en soi ,mais l'aspect "impérialiste", au sens le plus prédateur du concept, qu'il peut revêtir lorsqu'il a lieu entre des pays dont les niveaux de protection sociale et l'hétérogénéité des systèmes productifs sont importants .La "globalisation"- une mystique délétère et matérialiste imposée au forceps par la pseudo-élite qui nous gouverne- est néfaste en cela qu'elle n'est le plus souvent que la cache- sexe de la domination des grands intérêts transnationaux et de certaines nations...violant délibérémént , pour la "bonne cause", leur propre philosophie économique!Il est d'une urgence vitale de nous désintoxiquer mentalement et de ne pas prendre pour argent comptant, avec une naïveté suicidaire, les rhétoriques fallacieuses de ceux qui, en fait, sont nos adversaires politiques et économiques.Plus que jamais, il nous faut refaire du réalisme- un réalisme n'excluant aucune finalité métaphysique- la colonne vertébrale d'une démarche démocratique refaisant du peuple l'arbitre de tous nos choix.

CGB (dernière question): Merci M. Arondel d'avoir répondu à nos questions... au final que peut-on souhaiter "pour notre cher vieux pays?"

PA: Je crois très sincèrement qu'il lui faut s'émanciper de toutes les langues de bois, que celles- ci s'enracinent dans la pire des Vulgates néo-libérales ou se réclament de ce néo-gauchisme contemporain, à visage bourdieusien notamment, qui constitue une impasse tragique. On ne sortira pas de la crise- une crise qui est tout autant d'ordre métaphysique qu'économique- en mimant dérisoirement les conceptions du monde d'hier, en essayant de refaire le chemin menant aux engagements de jadis.Comme presque toujours, la nostalgie est mauvaise conseillère...Désormais, et cela peut se révéler à l'usage plus que roboratif, nous sommes seuls au monde, destinés à inventer avec finesse et radicalité nos sauvetages de demain. N'ayons pas peur de damer le pion à la fausse intelligentsia qui "squatte"les allées du pouvoir médiatique, osons le rire décapant qui transgresse les catéchismes nihilistes dominants...et surtout, dans l'humilité, construisons pas à pas les outils nous permettant une parole libéré des pesanteurs du duopole capitaliste et marxiste. Oui, décidément, comme nous aimions à le rappeler autrefois, il vaut mieux allumer une petite chandelle que maudire l'obscurité...

Propos recueillis par René Jacquot


Eclipse totale


Samedi 29 mars, la grande opération « on-éteint-la-lumière-une-heure-pour-sauver-la-planète » a permis, en France, une économie d’énergie d’1 %. Dans les médias de masse, tout le monde s’en est félicité. Incroyable : tout ce barouf pour un misérable pour cent. La grande fête s’est naturellement déroulée dans la liesse aux quatre coins de la planète, dans le mépris le plus total de la réalisation du mystère de la quadrature du cercle : homo festivus festivus est une figure mondialisée, incarnation d’une humanité post-moderne que nous sommes de plus en plus tentés de qualifier de post-humaine...

Il y a quelques siècles, notamment chez les mayas, les éclipses totales de soleil étaient l’occasion de rassemblements mystiques en amont de leur survenance calculée et attendue. Elles signifiaient la puissance du principe cosmogonique, la dépendance de l’homme à son environnement ; elles signifiaient le retour de l’équilibre cosmique (notamment par la grâce de sacrifices humains), le renouveau de l’harmonie, le recommencement d’un cycle. De quoi souder les sociétés holistes…


Sac à foutre "post-moderne"


Aujourd’hui, en nous demandant d’éteindre nos lumières, pour sauver la planète, l’on met en branle une authentique figure inversée de ce cérémonial reposant sur la nature, comprise alors comme un concept n’ayant pas encore accédé à l’autonomie.
D’une part, c’est le jour néon post-moderne, soit la nuit électrique, que l’on a demandé d’éclipser. Une opération à la discrétion de l’homme, ce qui nous amène tout naturellement à notre d’autre part : l’opération ne fait que révéler la solitude de l’homme post-moderne ; il est seul aux commandes du monde. S’il n’est pas coupable de quoi que ce soit en la matière des catastrophes climatiques à venir, il est au moins responsable de tout ce qui est advenu et adviendra en la matière. A ce titre, il était plus qu’invité, sommé de participer à la grande fête…
Ce genre d’opération ne célèbre pas la conscience mise en acte des hommes de leur dépendance à l’environnement, des nécessités de préservation de l’harmonie systémique du cosmos, encore moins une quelconque solidarité d’homme à homme. Il ne célèbre que l’individualisme, le narcissisme et ses tendances morbides. Il n’exprime que l’impuissance et le désengagement de l’homme face à ses défis à venir. Cela, de manière d’autant plus prégnante, que le sacrifice demandé n’était tout bonnement pas un sacrifice.


Stand-bye...


Dans le clair-obscur de l’éclipse électrique du 29 mars 2009, le néo-fascisme du bio. La planète va mal. Les rapports scientifiques prophétisent de manière scientifique l’apocalypse, entendue dans son acception de destruction généralisée. Réchauffement climatique via l’effet de serre, réchauffement des océans, fonte des glaciers, le gulf-stream mondialisant le problème, catastrophes climatiques seront apparemment en boucle, à jamais : tempêtes, cyclones, ouragans, inondations, désertification, et on ne parle même pas des problèmes de biodiversité, de l’accélération exponentielle de la disparition des espèces. A ce rythme, elle ne tardera pas à répondre à celle de nos quasi-origines, maximale, mise en lumière par Stephen Jay Gould.

Tout événement climatique relayé par les médias est frappé du sceau de l’évangile de l’hyper catastrophe à venir. Et ils le sont d’autant, que les médias ne l’expriment pas systématiquement de manière explicite. De nos jours, il n’y a plus vraiment d’antagonismes entre un tabou et un totem. Chaque pseudo-sujet de réflexion possède ces deux figures en potentiel et les réalise simultanément, par le dit ou le non-dit, au choix.
L’homme post-moderne n’a plus de saint auquel se vouer. Il est démocrate et démocritisé, atomisé. Seul, il se responsabilise à tout bout de champ. Il est donc responsable de tout. Nous sommes dans la théorie juridique de l’équivalence des conditions, du battement d’ailes de papillon. En l’occurrence, c’est son mode de vie qui est incriminé, à l’origine du problème. Pour faire cesser le corrélat de la responsabilisation, à savoir, l’abominable sentiment de culpabilité, autoalimenté tous azimuts et de manière constante, l’homme post-moderne répond par le bio, une vague qui a aujourd’hui tous les atours d’une idéologie fasciste, tant elle est plus qu’une vulgaire mode passagère, et tant elle n’est qu’une arnaque de révolution.


Katrina


Le bio est-il naturel ? La réponse est non. Le bio, c’est comme qui dirait mettre la nature en carte postale. Le bio, c’est par exemple créer des réserves naturelles, soit des zoos hors zone urbaine, des oasis, terrestres ou marines pour protéger faunes et flores en péril. Opération trompe-l’œil ! La nature est un espace ouvert. Et l’activité de l’homme a porté à des limites jamais atteintes son ouverture structurelle. Tout est déjà corrompu. Tant est si bien que l’homme post-moderne européen est tenté de croire que le maïs a toujours poussé sous ses cieux. Effectivement, dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que le réel problème, pour un écolo, ce soit le maïs transgénique de marque Monsanto. Trop d’ouverture tue la diversité. Trop de narcissisme ne fait finalement que reproduire le phénomène de standardisation inhérent à la première révolution individualiste, démocrate et consumériste, mais non moins réificatrice, castratrice. La nature se moque des frontières et des zones. Elle ne connaît pas le concept de fermeture. La nature ne réfléchit pas. Elle se contente d’être. Qui croit réellement au caractère biologique des cultures labellisées bio ? Qui croit à l’étanchéité au sein même de la nature ? L’écolo n’a pas encore compris la tactique du système : concéder sur des détails, quitte à sacrifier provisoirement un aspect du problème (confer le décret sur les parachutes dorés ; en l'occurrence, pour exemple, le développement durable) pour se sauver lui-même, et laisser à penser qu’on progresse…


Développement durable : accumulation hype de capital


Le bio, c’est la réponse des gestionnaires capitalistes au positivisme écologique. Comme de bien entendu, cette réponse est cynique. Le bio, c’est l’ultime phase de la société de consommation qui recycle ses éléments perturbateurs systémiques. Le bio, c’est le naturel mis en marketing. Le bio, c’est la réinvention d’une nature vide, sa mise sous vide. Le bio est à mettre au crédit de l’homme : c’est une pure innovation. L’homme est devenu un authentique démiurge, Dieu par le bio. Le bio, c’est l’horreur industrielle sur fond de flower power. Quand la consommation se fait hippie, c’est tout le système qu’on consacre définitivement.


Nature morte (XXIe siècle)


Tous les sinistres adhérents inconditionnels au bio ont pour dénominateur commun la rhétorique du grain de sable. Consommez intelligent ! Commerce équitable, éthique, mais surtout sain ! Aucun, hors mis de rares énergumènes radicaux et reproduisant finalement l’esthétique du marginal honni, n’a renoncé ni ne renoncera jamais à son mode de vie. Là est la réalité du mouvement bio. Le bio, c’est un moyen bien pratique de continuer comme avant en se déculpabilisant et en jetant ses anathèmes au vent. Le Veau d’or post-moderne est un bouc émissaire à trois pattes. Qu’importe ! L’essentiel est d’y croire et de consolider son assiette psychologique. Le bio, c’est l’égoïsme et l’irresponsabilité mis en étiquettes.
Le bio, c’est un engagement sans obligation ni sanction. Le bio, c’est l’expression même du désengagement généralisé, de la désinvolture de l’humanité post-moderne, de son manque de sérieux. Le bio, c’est de l’humour noir. Marée noire d’humour noir… Le bio, c’est l’incarnation de l’engagement dans des temps où le mode sacrificiel n’existe plus : une farce vide, comme d’éteindre ses lumières pendant une heure pour sauver le monde. Le bio, c’est l’éthique post-moderne : un vulgaire rouage du procès de personnalisation. Et la qualité de héros (à comprendre comme synonyme de citoyen éclairé, responsable et solidaire), à portée main, de doigt, d’un interrupteur...


Thomas Edison : histoire d'un mass murderer


Eteindre la lumière une heure pour sauver la planète, trier ses déchets, acheter ses produits dans les rayons bio des supermarchés, acheter ses produits dans les franchises bio, rouler « propre » en achetant des voitures déclarées « propres » par les technocrates de Bruxelles, voici les devoirs du citoyen post-moderne. En somme, il s’agit de simultanément remplir et trahir ses engagements, soit de tourner à vide.
Nous parlions des « voitures propres ». Outre le scandale de l’oxymore, les voitures rejetteraient moins de CO2 dans l’atmosphère. Soit, mais pour le reste ? N’avons-nous pas entendu dire que certaines particules suivaient le mouvement technologique de miniaturisation et ne pouvaient tout bonnement plus être filtrées ? On se garde bien systématiquement de nous fournir tout le panel des indices de pollution, toutes les informations inhérentes à l’impact des « pollutions propres » sur la santé publique. L’écologie est publicitaire ! Le moyen de transport est, outre la bouffe, le théâtre de l’hérésie écolo. Toute innovation, tel cet avion hybride qu’on voudrait faire voler à moitié à l’énergie solaire, est révélatrice de l’arnaque. Poussons le raisonnement jusqu’au bout : quid de l’impact écologique de la fabrication de cellules photovoltaïques ? Quid du gain au niveau de l’économie de kérosène, quand on sait que le maximum de la dépense se joue au décollage ? Et quid de l’impact écologique d’une voiture électrique ? Quid des centrales nucléaires 3ème génération ? Quid des 2% de son budget qu’EDF consacre aux énergies propres ? Toutes ces pseudo-innovations n’attestent que d’une seule chose : surtout, on ne change rien. Ou plutôt si : on change tout, mais sans risque de chambouler en profondeur notre mode de vie, ce qui revient au même…

Le débat s’est de toute manière déjà déplacé. L’économie d’énergie à tendance verte a déjà été greffée à la stricte économie d’argent. La preuve que la rhétorique écolo est parfaitement intégrée au système. Défiscalisation, économies d’énergie. L’argument choc : le retour sur investissement d’ici dix à quinze ans si vous équipez votre maison au solaire ou avec des chaudières géothermiques, après la farce du chauffage électrique à double-vitrage, la réduction des dépenses. L’économie d’énergie, heureux argument pour les fabricants automobiles en période de pseudo-crise du marché, vous n’avez qu’à voir les dernières publicités de bagnoles : la sémantique écolo a parfaitement fusionné avec la sémantique du pouvoir d’achat.


VRP labellisé bio


Dans toute cette affaire, c’est le pauvre qui sera encore une fois le dindon de la farce : l’écologie n’a-t-elle pas un coût ? Décidément, quels enculés ces pauvres !… L’écologie est un business, peu rentable sur le plan électoral, tant il a rapidement vérolé l’ensemble de la machine de production capitaliste. Et l’on voudrait nous faire croire à des Grenelle de l’environnement, qui ne sont que l’occasion de quelques mesquines, car fausses, ristournes ? Comme toujours, le système fait semblant de s’attaquer au problème. Il ouvre des faux procès, rejette la responsabilité au niveau individuel atomisé, multiplie donc les coupables. Le tabac tue ? Pourquoi jeter l’anathème sur ses victimes et non sur les fabricants et marchands de cigarettes ? La post-modernité : un mot sur une escroquerie généralisée…


Consensus rentable


Le citoyen se mesure aujourd’hui à sa collection de pastilles vertes. Emettez la moindre contradiction et vous serez déchiqueté dans la tenaille manichéenne du « si tu n’adhères pas au consensus écolo, tu es un criminel à abattre. » Le consensus est peut-être mou, mais il est imprenable, inattaquable, inexpugnable, au-dessus de tout soupçon.

Le fait est qu’éteindre la lumière pendant une heure n’a ouvert que sur une économie d’énergie d’1 %. Le désert post-moderne a reculé d’un grain de sable. Sacrée victoire ! Mais de ce pseudo événement, on ne peut tirer que la conclusion suivante : manifestement, nous, individus, ne sommes pas l’origine unique des dépenses faramineuses d’énergie… Conclusion hypocrite ? On devrait plutôt conclure qu’on n’a pas participé en masse à l’événement ? Quand bien même, nous et notre mode de vie, ne sommes pas responsables des catastrophes à venir…

Oui, le XXIème siècle sera le siècle de l’obscurantisme de la consommation éclairée. Oui, il sera le fier rejeton du XXème, plus évolué mais ressemblant à son père, trait pour trait : un siècle de fascisme, light, cool et écolo. « Déjeune double et dîne deux fois » comme l’écrivit Pétrone dans son Satiricon, mais sache que « quand la viande est trop tendre, les vers s’y mettent ! » En ces temps de fascisme light, effectivement, « L’univers fracassé descend au Styx ombreux. »

30 mars 2009

Nettoyeur, un métier d’avenir en temps de crise

Il existe des métiers à contre-courant qui en période trouble font florès. C’est le cas du doux métier de nettoyeur d’entreprise. Ici, il ne s’agit pas d’emmancher le balai ou l’aspirateur, mais plutôt d’encadrer le salarié, de le harceler afin de le pousser à la démission pour la plus grande joie du patron. Les démissions ont pour avantage d’assurer au big boss une rupture de contrat sans frais, pratique quand on a le projet de faire refaire les seins de sa femme, déjà refaits six mois auparavant.
Mais revenons-en à nos ragondins.


La vie peu orthodoxe d’un nettoyeur
Le nettoyeur fait partie de ces rares personnes qui aiment leur métier. Oui… le nettoyeur, déjà tout petit, rêvait de détruire la vie des autres. Le nettoyeur était le genre d’enfant à se faire racketter et défoncer la gueule dès la primaire. Là commence la naissance de sa tragédie. Son destin est inscrit dans ses gènes et les autres enfants l’ont senti. Donc par instinct et anticipation, ils en ont fait leur souffre-douleur. Dès lors, il a une soif insatiable de revanche sociale. Un jour, la gueule ensanglantée et le rectum inspecté, il a juré, les yeux en pleurs et levés vers le ciel, que lorsqu’il sera grand, il deviendra le nouvel antéchrist. Arrivé à l’adolescence, notre futur nettoyeur réussit à se procurer un exemplaire de « Mein Kampf ». Au fil de sa lecture, il remplacera immanquablement, par une gymnastique mentale implacable, le mot « juif » par le mot « salarié ». Pour le nettoyeur, cette œuvre culte est un livre sacré qui sera la fondation de toute sa vie et ne quittera jamais sa table de chevet et le tiroir de son bureau. Cette idéologie, brassé avec la culture d’entreprise, le nettoyeur en est le fer de lance, le glaive imparable, l’épée de Damoclés, le missile à tête-chercheuse de turc, le champignon atomique et la supernova tout à la fois. La première fois qu’il a été engagé pour jouer son rôle d’enflure, ce fut le plus beau jour de sa vie et généralement, le soir même, il va aux putes complètement beurré ou dérouille sa femme et ses enfants s’il n’est pas célibataire (certains vont quand même aux putes avant). Parlons-en de sa famille…
Le nettoyeur est condamné à la laideur féminine. Seule une femelle très moche peut en arriver à croire, par désoeuvrement, qu’elle empruntera la route du bonheur avec un nettoyeur. Le nettoyeur engendre aussi des enfants peu esthétisant à cause de la laideur de sa grognasse (et de lui-même selon les cas). La famille du nettoyeur vit un enfer psychologique perpétuel. Cet être ultradominateur terrorise sans relâche sa propre famille et promet une mort agonisante à sa femme si elle le quitte un jour. Les enfants du nettoyeur sont malheureux et deviennent à leur tour des monstres incapables de la moindre humanité. A cinq ans, ils arrachent des ailes de mouches, à 10 ans, dissèquent des lapins vivants et à vingt ans, ils deviennent des tueurs en série pour ceux qui ne se sont pas suicidés (pour infos, Émile Louis, Michel Fourniret et Jean-Marc Morandini sont des enfants de nettoyeurs. Ne leur jetez plus la pierre).
Le nettoyeur n’a pas d’amis. Il vaut mieux pas selon lui.

Le rôle et les armes de ce fils de salope de nettoyeur
Comme je l’ai expliqué plus haut, le nettoyeur adore son métier. Son rôle consiste à pourrir la vie des salariés que le patron veut pousser à la démission pour des raisons économiques (écran plat, Mercedes, garçonnière, costume Dior, Rolex Ségélaienne). Le nettoyeur est le meilleur ami de l’homme-administrateur. Il terrorise en aboyant sur le salarié et menace de mordre les mollets. Il s’en bat la race du Code du travail et certains ne savent même pas que ça existe. Le nettoyeur ne prend jamais de congés, rêve d’un 7/7 à 16 heures quotidiennes sans aucun jour férié dans l’année et milite pour la suppression de la retraite. Le nettoyeur ne fait pas ça pour le pognon. Il serait capable de le faire gratuitement ou contre un susucre de la main du maître.
Le nettoyeur est aussi un vampire psychique. Il instille une forme-pensée d’effroi indicible, d’horreur absolue à son effigie dans l’inconscient du salarié. À côté du nettoyeur, Freddie Krueger c’est Oui-Oui au pays des merveilles.
Le nettoyeur a un regard insoutenable. Il dégage la détestation et le mépris. C’est un gouffre béant, obscur, insondable et inviolable. Y pénétrer, c’est risquer d’exploser sous la pression de sa haine. Par un simple regard, il est capable de faire miauler un lion affamé.
Sa voix est autoritaire et fait peur aux dogues argentins. Il ne parle jamais… il gueule, éructe, débagoule, vocifère, vitupère, objurgue, anathématise, honnit, fustige, crie haro, stigmatise, réprouve et dégueule en permanence. Il est incapable, par déformation professionnelle, de baisser le ton en dessous de 65 décibels (l’équivalent du passage d’un train lorsque l’on végète sur un quai).
Certains nettoyeurs se sont tailladé volontairement une grosse cicatrice sur la joue pour augmenter le potentiel anxiogène.
Le nettoyeur n’est pas névrosé ou schizophrène. Il est juste structuré psychologiquement et naturellement pour le mal. Son inconscient est une chambre de torture. D’ailleurs, il est le descendant le plus direct du bourreau royal.
Lorqu’un salarié craque, le nettoyeur le suit jusque dans les chiottes pour enfoncer le clou. À ce moment crucial, il fait une proposition indécente au salarié en échange d’une atténuation de la pression. Et là, ça marche à tous les coups. Le salarié démissionne. Être exempté d’Assedic lui fait moins peur que de se faire défoncer la rondelle par le nettoyeur.
Lorsqu’un employé se casse, le nettoyeur est rempli d’une grande fierté, d’une grande poussée de patriotisme envers son entreprise. Il se sent gratifié et veut de plus en plus de boulot. Il peut pousser le vice jusqu’à planquer un micro dans le col de chemise de l’ancien salarié afin que le soir venu se délecter de la souffrance de sa proie, ainsi que celle de sa famille. Ça l’excite et c’est le seul moyen qu’il connaît pour trouver l’ultime courage de limer son laideron.
Le nettoyeur a quand même un profond regret. Il ne comprend pas pourquoi la loi interdit le meurtre de salarié. Si c’était le cas, il offrirait les meilleures performances à son entreprise. L’employé du mois indétrônable.
Si le métier vous intéresse, sachez qu’il existe des stages de reconversions dans la plupart des chenils et abattoirs industriels de l’hexagone.


La nuit, le nettoyeur rêve de charniers de salariés

Marie-Christine Boutin a-t-elle dépucelé Adolf Hitler?

Marie-Kristina von Boutin début 1914. La signature est bien celle d'Adolf Hitler.

On croyait que le Führer avait perdu sa virginité entre les mains de sa nièce Géli Raubal qui se suicidera en 1931 dans des conditions mystérieuses.

Eh bien on avait tout faux. Même Ian Kershaw s'était laissé abusé. Le CGB vous révèle en exclusivité mondiale un secret bien gardé.

Un lot de dessins datant de la jeunesse viennoise de Hitler vendus dernièrement aux enchères a permis de lever définitivement le voile : le premier amour du Führer fut Marie-Christine Boutin.

Descendante d'une famille huguenote réfugiée à Vienne après la Révocation de l'Edit de Nantes, Maria-Kristina est la maîtresse d'un riche négociant Juif Jacob Bloch.

Celui-ci, un amateur d'architecture et de peinture, a fait la connaissance d'un pauvre hère qui vend ses toiles sur le Ring. Séduit par le talent du jeune homme et son vilain caractère, le commerçant lui demande de peindre les grands monuments viennois. On n'en sait pas plus.

On retrouvera bien plus tard lors de la vente Mullock's la série des monuments peints (avec talent) par le jeune Adolf ainsi qu'un mystérieux un portrait de jeune femme : Maria-Katarina von Boutin.

On est en droit de se demander ce qu'il en fut de cette relation. Surtout quand on sait que quelques mois après avoir peint ce portait Hitler fit des pieds et des mains pour s'engager dans l'armée allemande.

La suite on ne la connaît que trop bien.

Une rupture amoureuse avec Maria-Katarina est-elle à l'origine du conflit le plus meurtrier de tous les temps?

Mme Boutin il est temps de lever le voile. Mme Boutin il vous faut parler.

29 mars 2009

(Ta Gueule) Contre les Murs

En exclusivité intersidérale voici le trailer officiel de l'adaptation américaine d'Entre les Murs. Une adaptation plus puntchy, plus "brut de décoffrage" comme on peut le constater sur ces premières images. A noter que François Bégaudeau tient de nouveau son propre rôle et que la totalité du film a été tourné en caméra DV (Dogma certified !!)



Adjani et sa Journée de la Jupe sont prévenues !! Francis Begodoo is back !!

Dans la peau d'un tatoué



Il devient rare de rencontrer une personne de moins de quarante ans qui ne soit ni tatouée, ni piercée. Dans le milieu que je fréquente le plus, celui des musiciens, un tel événement mérite presque qu’on en fasse un article dans le journal. Etre musicien SANS être tatoué/piercé, c’est risquer de se voir écarté au profit d’autres, plus décoratifs, dans une sélection, c’est en moyenne une perte de revenus de 21,458% (chiffres communiqués par Paracelse) !
Entre vingt et trente ans, il semble même que chaque Français se soumette désormais à ce rite d’intégration.
Si je n’ai évidemment rien contre la liberté de faire ce qu’on veut avec sa peau, même d’en bousiller la surface avec de l’encre, je m’étonne que la question de la critique du tatouage ne soit jamais soulevée. J’ai tenté le coup discretos avec des néo tatoués de ma connaissance : black out, on refuse de répondre à mes questions faussement simples (pourquoi tu t’es fait tatouer ? Pourquoi ce motif-là ? etc.), et on abandonne même assez vite son esprit de tolérance légendaire pour me signifier de me mêler de ce qui me regarde. Un tabou de plus : OK.
Dans nos pays, le tatoué est traditionnellement quelqu’un qui ne vit pas comme tout le monde, un exclu : taulard, légionnaire, Gitan, marin, artiste de cirque, etc. Une époque qui cultive sur une si grande échelle la rebellitude pour cadres moyens et post ados en mal de combats héroïques, ne peut pas passer à côté de cette façon de vivre son conformisme autrement : elle rend donc communs et socialement licites les tatouages & piercings, immédiatement vidés de leurs significations initiales, sauf aux yeux des benêts qui s’y adonnent! Il y a quelques années, la mode des Harley Davidson a déboulé en France. Des quelques exemplaires vendus par an, on est passé à plusieurs milliers : tout le monde, d’un seul coup, est devenu un biker. Petit bandana rouge, blouson à franges peinturluré, jean serré aux fesses, bottes à la con, casque idoine, gants stylés, tatouages, bourrelets de graisse autour du bide, écusson à tête d’Indien et gonzesse sur le porte-couillon, aucun accessoire ne manquait pour que, d’un seul regard dans son rétroviseur, le moins averti des bourgeois reconnaisse qu’un rebelle de la pire espèce était en train de lui foncer dessus ! René Girard n’a pas théorisé sur le mimétisme consumériste, mais c’est tout comme : une mode n’est pas toujours superficielle : certains consommateurs sont profondément cons.
Le tatouage, c’est encore différent. S’il est permis de se moquer (gentiment) des bikers rebelles affiliés à la sécurité sociale, en revanche se foutre d’un tatoué ou regretter qu’une adolescente se perce la gueule pour y insérer un anneau quelconque, c’est presque quitter la communauté des humains, c’est quasi interdit, c’est se ranger du côté de la force obscure.
Et pourtant ! Qui dira le conformisme de ces milliers de serpents, ces dragons, ces nobles chefs Indiens, ces famapoils, ces têtes de mort, ces sorciers, trolls, ces chopes de bière, ces putains d’aigles, ces lions terribles, ces chauve-souris, ces fleurs à épines, ces fées ailées, toute cette esthétique d’heroïc fantasy, ces enfantillages déclinés sous autant de formes vues mille fois ?! Sans parler des têtes de Mickey, de l’uniforme de Spiderman, des marques de bagnoles ou de motos, des logos Nike ou Ferrari, sans parler des têtes de Marylin, du Dalaï Lama, du Che !



Finalement, c’est un paradoxe qui me semble la plus belle source de comique. Paradoxe entre des gens qui veulent afficher leur individualité à la face du monde, renforcée par un tatouage qui se veut « unique », comme ponctuation visible de leur personnalité tout aussi remarquablement unique, mais qui utilisent sempiternellement les mêmes codes essoufflés, les mêmes icônes en solde. Tous différents, mais de la même façon ! Et puis, comme on le pratique sur les animaux, le tatouage est aussi une façon de marquer, d’apposer un signe d’identification sur un cheptel… Revendiquer la liberté à tout bout de champ et se comporter un peu comme un bétail, ça fait désordre.
Les rudiments de psychologie qu’on peut développer en fréquentant des êtres humains nous enseignent qu’en règle générale, les gens sont poussés à dire le contraire de ce qu’ils font (mécanisme de la double pensée, très bien analysé par J-C Michéa). Les irremplaçables brèves de comptoir répondent d’ailleurs à ce principe. C’est probablement aussi ce qui explique qu’un tueur en série ou un terroriste infiltré est, la plupart du temps, décrit par ses voisins comme un type normal, sans histoire, gentil avec la boulangère. Gentil en apparence, terrible dans les faits. La réciproque vaut également : les gens d’apparence rebelle, les montreurs de révolte à fleur de peau sont très exceptionnellement d’authentiques révoltés. Ils se bricolent une attitude de choqueur de bourgeois avec des bouts de révoltes estampillées historiquement, ennoblies par des luttes anciennes, et se les barbouillent sur la peau pour en tirer un bénéfice d’estime à leur propre yeux, et à ceux de leurs semblables. Comme des enfants se déguisent en cowboys terribles, avant de se précipiter sur des paquets de Pepito préparés par maman pour le quatre heures.
Sur la peau de son torse bombé, on fait écrire « Ni dieu, ni maître » à l’encre indélébile, pour mieux cacher son âme d’esclave et ses tendances grégaires. On est tellement peu sûr de ses valeurs formidables qu’on veut, en se les tatouant jusqu’au fond du cul, se les graver dans le corps, comme on condamne le héros de la Colonie disciplinaire à se faire graver la loi dans la peau, pour qu’il ne risque plus de l’oublier.
Alors, il reste ceux pour qui le tatouage n’est qu’un ornement, ceux pour qui ça fait joli. Là s’arrête toute critique, là commence tout arbitraire. Une splendide gazelle de vingt ans trouve joli de se faire tatouer un cep de vigne depuis le creux des reins jusqu’au cou : hommage à la filière viticole française ! ça ne se discute pas !

CGB Dimanche du 29/03/2009

28 mars 2009

Up your asses !



En début de semaine, on apprenait que le préfet du Rhône se scandalisait par écrit que l’aéroport de Lyon (Aéroport Lyon- Saint Exupéry) soit renommé « Lyon Airports ». Je ne me suis jamais senti aussi partisan du corps préfectoral qu’à ce moment !
Au départ, en 1975, l’aéroport de Lyon s’appelle « aéroport de Satolas, du nom de la petite commune iséroise où il se trouve, à trois ou quatre kilomètres d’une autre qu’on aurait pu choisir comme éponyme, et qui s’appelle Montcul (authentique)... En 2000, pensant que Satolas n’était pas assez prestigieux, on lui change son nom, et on l’appelle « aéroport Lyon –Saint Exupéry », du nom d’un écrivain mineur que le hasard a faire naître place Bellecour. Presque dix ans plus tard, chaque lyonnais qui se respecte continue de dire qu’il va attendre sa mère à Satolas, et c’est très bien ainsi.
Une bande de gros nazes gras et épais, au premier rang desquels Guuy Mathiolon, président de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon et président du conseil de surveillance ( ?) de Lyon Airports, ont résolu de faire vraiment beaucoup de fric grâce à cet aéroport. Avec d’autres ambitieux, ils veulent que Lyon deviennent une plaque tournante du commerce, une Babel des contrats en or, une Silicone Valley du dîner d’affaires, une Babylone de l’attaché-case. Ils veulent qu’à terme, New York et la City de Londres prennent exemple sur Lyon pour finir leurs fins de mois, et que les Princes d’Arabie viennent y quémander des crédits pour finir leurs palais. Le pognon, les affaires, ça, c’est de l’ambition, ça, c’est de la vision du monde ! Evidemment, ce genre de rêve ne saurait reculer devant aucun moyen, à commencer par les plus ringards. Ces incultes ont donc mandaté plus grotesque qu’eux pour pondre un concept-communication à la hauteur de leur bassesse : l’agence Brainstorming, dirigée par Jean-François Bourrec, ancien cancre de fond de classe reconverti dans les idées originales.
Devant les 200 000 euros de budget dévolus à l’opération de débaptisation de ce pauvre aéroport, ce mec s’est dit qu’il ne fallait pas y aller avec le dos de la cuillère. Pour un prix pareil, l’honnêteté et la conscience professionnelle commandent de se sortir les doigts du cul et de trouver une idée que les siècles futurs reconnaîtront comme une des dates de lancement du vingt-et-unième siècle, bordel. Illico, il a mis au travail son équipe de mousquetaires (consigne : « je veux du jamais vu » !) et, moins d’un quart d’heure plus tard (délai secret jamais révélé au public, mais que je livre en primeur sur ce blog), ils avaient pondu l’œuf : un nom anglais ! Il fallait y penser.
Au départ, la vérité est que le bon Bourrec s’est trouvé un peu effrayé par l’audace du concept : les commanditaires ne vont-ils pas reculer ? ne seront-ils pas trop déboussolés ? Ont-ils seulement entendu prononcer un mot en anglais avant ce jour ? Mais galvanisé par le souvenir de Baudelaire, de Van Gogh et de Galilée, qui surent eux aussi être en avance sur leur temps, le hardi tint bon et c’est le front haut qu’il proposa sa trouvaille à la CCI ivre d’enthousiasme et de petits-fours.
Le 24 février dernier, le nom de Lyon Airports est donc balancé au public dans un café lyonnais (le Gotha, ça ne s’invente pas) par les nullards réunis pour l’occasion, Mathiolon en tête, devant la presse locale endormie. On annonce également qu’un « consumer mag » va bientôt être lancé, trimestriel à destination des passagers qui n’en demandent pas tant. Il aura fallu un mois pour que le préfet, Jacques Guérault, écrive à la société Lyon Airports pour lui rappeler que l’Etat, actionnaire à 60% de la boîte, considère encore que la langue officielle de la république est le français, et qu’il faut changer ce putain de nom angliche et fissa (mot arabe signifiant « magnez-vous le train ») ! On note avec satisfaction qu’un Etat fort et centralisé est ce que l’homme a inventé de mieux pour cintrer les potentats locaux prompts à vendre leur langue maternelle contre un plat de pudding.

A part pour les quelques tocards responsables de cette pantalonnade, personne en France n’est assez dégénéré pour trouver normal qu’un aéroport (donc des panneaux indicateurs implantés sur les routes environnantes, etc.) porte un nom anglais. Quand les premiers yéyés sont apparus, au début des années 60, leurs noms à consonance américaine faisaient déjà pisser de rires nos parents, sans même parler de leur musique. A l’époque, qui aurait pu imaginer que cinquante ans après les Dick Rivers, les Johnny Halliday, les Richard Anthony, les Sheila & Ringo et les Stone & Charden, des individus doués de raison puissent utiliser la même ficelle, l’anglais, pour « faire rêver », ou donner une « dimension internationale » de la mort à un joli petit aéroport de province (et qui vous emmerde) ? Qui aurait pu prévoir qu’on tomberait aussi bas dans le mépris de soi ?
Pour l’instant, l’histoire se termine bien. Les ânes sont renvoyés près du radiateur, et les élèves normaux continuent de parler français en France. Qu’on laisse faire les chefs d’entreprise et les pubards de toutes sortes, et on verra bientôt des villes changer de noms pour rafler des marchés à l’export ! Lisez les arguments du Mathiolon, ils sont limpides et instructifs (le fichier PDF vaut son pesant de gifles, un résumé ICI). Ce faux-cul est capable de soutenir, dans une syntaxe à crever de rire, que les inventeurs de Lyon Airports sont des gens fiers : « Toute entreprise a une nationalité et en est fière. La nôtre est française. Elle est affichée à travers le nom de sa ville ». Ben oui, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas changé le nom de la ville, et c’est bien dommage. Les Anglais disent Lyons, ça serait quand même moins franchouillard que Lyon. Une ville bi millénaire en a vu d’autre, elle pourrait faire cet effort-là !

Janine

Campagne du secours mercatique

Avec les bons conseils de notre pôle financier (sous la direction de Maître Clarence B.), vous pourrez continuer à spéculer en toute tranquillité.

Le Schpountz métis

27 mars 2009

Le retour de la "voix de miel"


Je viens célébrer la sortie du nouvel album d'un des pionniers du rap français. Certainement un des plus grands que ce milieu a vu naître. 5ème album, toujours la même recette : un flow envoûtant, des textes poétiques, des métaphores sublimes, un sens du rythme évident, des instrumentales choisies méticuleusement, et un cœur gros comme ça. Bref, cet album, pour ceux qui connaissent, est plus une symbiose entre "Cactus de Sibérie" et "Lipopette Bar" musicalement parlant. C'est à dire un démarquage créatif en marge du mouvement. Sans pour autant s'éloigner de la qualité d'écriture d' "Opéra Puccino" ou "L'amour est mort". Bien au contraire. Oxmo Puccino détient cette fameuse capacité à faire émerger des classiques sur chacun de ses albums.

Les premiers extraits balancés sur son myspace était déjà très prometteurs. Depuis la sortie lundi dernier, tout est confirmé. Aux antipodes de la tendance, Oxmo puccino prend de gros risques, comme il l'a fait par le passé. Notamment avec des featurings osés sur une sortie rap actuelle.

Un voyage. Voila ce qu'Oxmo Puccino propose avec cet opus. Une évasion singulière et personnelle à l'écoute, en vue d'inverser cet effet sur scène, car l'ambiance qui règnera dans les prochains concerts s'annonce, grâce à la portée des morceaux, gigantesque.

Par ici pour en savoir plus et écouter 3 morceaux : WWW.OXMO.NET

On ne joue pas avec la nourriture!

21 mars 2009

6 milliards de brins d'herbes...

...Et une tondeuse

Sur une idée de Le(s)tat

Gerra / Morandini le C.L.A.S.H.

_ Allo Sky, c'est Gab à l'appareil.
_ Salut patron ! La forme ?
_ J'aimerais tant te dire que tout roule à merveille ... mais pour être franc je suis dans la merde la plus absolue !!
_ ???
_ Les derniers chiffres du CGB sont pas très bons et on parle de plus en plus de passer le bouclier fiscal à 60% !!! Salauds de gauchistes !!!
_ Ok patron, je vois ce que tu veux !
_ Merci Sky t'es le meilleur mais ne le répète pas aux autres !! Ah ah ah ah !! (je bande)


En exclusivité mondiale, le CGB vous propose d'écouter le dernier clash entre Laurent Gerra et Jean Marc Morandini qui risque d'ébranler la totalité de la REACOSPHERE !! Le chroniqueur de Radio Luxembourg n'a pas hésité à traiter le "journaliste" microcéphale d'Europe n°1 de N.A.Z.I. et de mouche à merde.

Après ce premier clash, Jean Marc Morandini réussira-t-il à évincer le blog Fdesouche du leadership de la réacosphère ???

Graine de star 1/2

Huntingtonons



Dans l'été de 2011, le saint Empire fédéral européen fut proclamé à Aix-la-Chapelle. Il comprenait les vingt-cinq pays de l'Union européenne, moins la Grande-Bretagne et le Bloc danubien et balkanique dont le dominateur serbe orthodoxe fonda sa capitale spirituelle à Pec. La Communauté germanophone de Belgique était réunie à l'Allemagne(...)
La plus grande partie du Moyen-Orient pacifié était proclamée zone internationale et placée sous mandat de l'ONU.
La Turquie, la Syrie, la Jordanie et les Etats de la péninsule arabique rentraient dans une libre confédération avec Israël.
La Russie et l'Europe étaient réconciliées par le sang versé en commun. Soixante-cinq millions d'Eurasiens étaient morts. Les lieux de culte, les monuments, les musées nationaux avaient disparu. Une immense réaction se produisit, favorisant l'avènement d'une espèce de religiosité compliquée, administrée par des télévangélistes charismatiques et millionnaires.
Les gens s'enivraient partout des fêtes pseudo-mystiques. On célébrait un dieu d'amour qui ne connaît ni commandement ni dogme.
Le printemps de 2012 fut nostalgique et langoureux.

Laurent Schang - Constat d'Occident

20 mars 2009

Paul une Tourtel

Haut fonctionnaire en tenue, début XXIème siècle


Par la pose de Jean Paul Cluzel, officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite, dans des calendriers de bon goût.
Par les bouquins de Catherine Millet sur ses partouzes mondaines ou l'extase de ce même monde germano-pratins sur les livres sur les orifices de Christine Angot.
Par les cadavres dans le placard de notre parrain ou les écrits ébouriffeurs de bourgeois de Dany le vert de gris.
Par les goûts pour les voyages de Frédéric Mitterrand et la retraite sereine de Gabriel Marzneff.
Par le front dégoulinant de sueur de Baudis un certain soir au 20h de PPDA.
Par le silence pudique des médias français sur les compositions théâtrales de Bellanger et ses compagnes de jeu d'Halcyon ou sur les parties fines sous drogue de dirigeant de TF1 qui finissent à la morgue.
On comprend mieux l'engouement tapageur de nos zélites pour la traque des déviants sexuels dans les cités dortoirs pour sous prolétaires du nord de la France.
Ca nous éloigne et ça les rassure.

Un cadavre au pilori

Bravo à Pascal Sevran qui remporte le "Y'A BON AWARD" à titre posthume, prix décerné à des personnalités publiques pour leurs déclarations racistes. Pour rappel, l'ancien présentateur de la "Chance aux chansons" avait écrit dans son livre : "La bite des noirs est responsable de la famine en Afrique".
Encore un effort messieurs des milices progressistes.
Vous verrez, vous redécouvrirez le plaisir simple qu'il y a à déterrer un mort pour le "juger" et ensuite le "pendre" (on peut même le torturer longtemps et haineusement sans qu'il crie).


19 mars 2009

Hégémonie culturelle


Et on dit que les japonais sont modernes...

Alors qu'ils n'ont même pas encore inventé le piano.... Regardez les artifices auxquels ces malheureux sont obligés d'avoir recours.



Kouchner lancera-t-il l'opération "Des pianos pour le Japon" ?

Ironie soit qui mal y pense n°10


Parfois, investir son salaire dans la chirurgie esthétique, ça ne paie pas de mine


17 mars 2009

Bonne Nouvelle

Le CulturalGangBang s'engage à ne pas reverser au Sidaction ses droits d'auteur.

Touche pas au Grisby !

Gad Elmaleh fait le malin chez Fogiel et a un avis salutaire sur la fiscalité rouge française. Monsieur trouve suffisant un ISF plafonné à 50 %, au-delà c’est injuste ! Je suis d’accord avec ça et croyez-moi que ça me fait l’effet d’un coup de latte dans mes petites couilles d’être en accord avec cet histrion aguerri. De toute façon, ça ne sert à rien d’augmenter le plafonnement. Ils ont tous des conseillers fiscaux qui leur réduisent substantiellement la facture sociale. Je propose donc le cas par cas dans le but de rafler un maximum à ceux qui ne le méritent point. Dans le cas justement de notre bouffon national, qui n’a que pour seul talent de gesticuler frénétiquement tel un bonobo trisomique défoncé à la mescaline, je suggére une fiscalité avec un plafond de 99,99 % (+ 00,01% reversé à une association caritative qui mène un combat contre l’aigreur en raison d’un nombre grandissant de comiques à la con) avec l'interdiction de quitter le territoire ! Car je trouve indécent que Gad Elmaleh puisse gagner ne serait-ce qu’un seul euro avec ses sketchs et films digne d’une diarrhée bovine. S'il existait une justice sociale dans ce pays, Gad Elmaleh serait miséreux et se nourrirait d'ordures !

La vraie place de Gad après que la justice sociale soit passée ! Et il est content en plus !

L'avenir...

Nous vivons les prémices d'une société de consommation qui bascule et se noie dans ses propres succès et excès. La voracité qui l'a fait triompher, est en train de creuser sa tombe. A force de flatter le droit absolu d'assouvir ses désirs, il n'est plus un seul interdit qui ne soit assiégé en vertu du sacro-saint principe de la liberté individuelle. L'idée d'interdire ou d'imposer quelque chose à quelqu'un est devenue insupportable. Triste époque en vérité que celle ou chacun doit toujours pouvoir faire ce qui lui convient. Ne lui reconnaîtrait-on pas ce droit imprescriptible, qu'il saurait toujours l'obtenir avec la pression des "utilisateurs", et la ténacité encouragée, sans discernement, par des médias qui se chargeront de lui faire avoir gain de cause face à la pusillanimité du politique. Il n'est aujourd'hui de perdants que ceux qui défendent des valeurs!
Alain Monnier - Survivance

Bashung parle.


Je signale aux amateurs que France Culture retransmet en ce moment une série de cinq entretiens réalisés avec Alain Bashung en 2002. C’est à 20 heures, de lundi 16 mars à vendredi 20. Ça peut se télécharger ou se ré écouter ici-même.
En revanche, ceux qui n’ont pas eu l’occasion, ou qui n’ont pas cru bon d’aller voir Bashung sur scène au moins une fois, on ne peut plus rien pour eux…

Le morceau du jour qui fait swinguer Josef Fritzl


Découvrez Ëåíèíãðàä!

16 mars 2009

Il n'y a pas de fraternité universelle


Régis Debray découvre que le libéralisme est le règne du chacun pour soi. Belle découverte. Il en appelle alors à la Fraternité comme remède à l'égoïsme de l"'homo oeconomicus" auquel veulent nous réduire les libéraux.

Régis, tu pourrais utilement méditer cette forte pensée d'un petit Comte italien de l'état des Marches écrite voilà deux siècles :

Voici un autre trait fort curieux de la philosophie moderne. Cette dame a traité le patriotisme d'illusion : elle a voulu que le monde entier fût une seule patrie et que l'amour pour l'humanité fût universel : projet contre nature, qui ne peut avoir aucun effet bénéfique, aucune grandeur, etc.

C'est l'amour de la communauté, et non l'amour des hommes, qui a toujours fait naître de grandes actions ; pour des esprits étroits, il arrive fréquemment que la patrie, ayant un corps trop vaste, n'ait aucun effet sur eux, et ils se choisissent d'autres corps, comme les sectes, les ordres, les villes, les provinces, etc.

Voilà pourquoi l'amour de la patrie a effectivement disparu. Aussi tous les individus n'ayant pu se reconnaître en une seule patrie, les patries ont toutes fini par se diviser en autant d'individus ; l'union universelle qu'avait exaltée cette fameuse philosophie s'est transformée en une véritable séparation des individus".

Giacomo Léopardi, Zibaldone di pensieri (page 127 de l'édition Allia).


La valeur de la révélation qu'a eue Régis Debray dépend de ce qu'il entend par communauté.

Est-ce un ensemble d'hommes et de femmes ayant en commun une terre, des valeurs culturelles, des repères religieux, une race?

Ou bien va-t-il s'agir une fois de plus de ce "couteaux sans manche auquel il manque la lame" que l'on appelle la Communauté universelle, l'Humanité, l'Homme et sa déclaration des droits et autres chimères illuministes dont Léopardi faisait déjà un sort?

15 mars 2009

Eglise troglodytique de Saint Cristofol de Peyre



Comme d'autres de mes camarades Cégébiens, j'ai la particularité d'être un athée passionné d'architecture religieuse, visitant chaque église, chaque cathédrale se trouvant sur mon chemin en attendant le jour d'y entrer à cheval.
Ce dimanche c'est l'étonnante église de Saint Cristofol de Peyre qui eut le bon goût de se dévoiler à moi. Eglise semi-troglodytique de base romane, datant du XIème et fortifiée au début XVII siècle, aussi aride que la roche de tuf sur laquelle elle est construite.

la bête vue du cimetierre

passerelle permettant de rejoindre les galeries de grottes. Non ouverte au public

Dites "ami" et n'entrez pas c'est fermé de ce côté

détails du fronton

la voute travaillée par l'homme et polie par le temps

Etage surplombant la voute, rencontre du travail de l'homme et de la falaise

Fonds baptismaux 100% bio

intégration de l'église dans la falaise


L'autre rencontre de la journée aura été la méconnue bière de l'aubrac, bière trouble, douce et agréable qui doit faire une parfaite bière d'été.


Vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir

CGB Dimanche 15/03/09

14 mars 2009

En exclusivité sur radio classique

Gaby



Tout est permis, rien est possible


On vous parle depuis quelques temps de Matthieu Jung... ce jeune disciple de Muray et de Taillandier qui se tâte encore avant de devenir un mécontemporain total.

On pourra avoir un échantillon de sa pensée chez Pierre-Louis Basse sur Europe 1 en compagnie du redoutable Jérôme Leroy (que l'on aime aussi) mais également ci-dessous dans cette tribune de Libé.





Aux rames, citoyens

Matthieu Jung, écrivain

Que la situation était grave, on le savait, mais qui aurait pu se douter qu’elle était à ce point-là désespérée ?

Je ne parle évidemment pas des 90 200 demandeurs d’emploi supplémentaires recensés en France au mois de janvier ni de la récession sévère annoncée pour 2009 dans l’Union européenne, propulsant d’ores et déjà le taux de chômage à 8,2 % dans la zone euro, calamiteux chiffres consécutifs à la crise financière cataclysmique qui dévaste l’économie planétaire.

Non, non, simplement, la RATP a lancé récemment dans le métro et sur la ligne A du RER une «campagne pédagogique pour aider à la régularité du trafic sur ses lignes». Autant dire que ce n’est pas bon signe. Sans trop extrapoler, on peut en déduire en effet que l’incivilité de nombreux usagers atteint des seuils si critiques que, en plus d’éprouver les nerfs des autres passagers, elle empêche désormais les trains d’avancer. Pour l’occasion, mes camarades provinciaux seraient bien avisés de ne pas trop se gausser des Parigots tête de veau parce que le parisianisme honteux est une maladie contagieuse, dans ce domaine.

Lors de sa précédente campagne pédagogique, «Objectif respect», à l’automne 2006, la RATP voyait dans les comportements discourtois de l’être humain contemporain la preuve d’un retour à la préhistoire, ce qui n’est pas gentil pour nos ancêtres de Cro-Magnon. Après celui de la régression anthropologique, les communicants ont choisi cette fois le thème de la retombée générale en enfance, c’est pourquoi vraisemblablement cette campagne se veut pédagogique - du grec paidagôgia, «direction, éducation des enfants».

Durant tout un mois nous avons subséquemment découvert, collés sur les fenêtres des voitures, imprimés sur des bulles de bande dessinée aux couleurs de l’arc-en-ciel, à destination des débiles légers que nous sommes tous devenus, pourvus de cerveaux immatures habitant des corps d’adultes, nous avons découvert des slogans tels que : «Au signal sonore, je m’éloigne des portes.» «Préparer ma sortie facilite ma descente.» «Une seconde perdue en station = du retard sur toute la ligne.» Nous saisit alors la nostalgie toute «joedassinienne» des strictes, sobres et concises «règles de sécurité et d’usage» pas pédagogiques et pas sympas, déjà affichées en cinq langues sur des autocollants même pas ronds comme les bulles de bande dessinée aux couleurs de l’arc-en-ciel et dont le ton pas cool laisse planer des sous-entendus carrément comminatoires. «La fermeture des portes est annoncée par un signal sonore : ne plus descendre dès qu’il fonctionne ; ne pas gêner la fermeture des portes.» Et voilà, c’était tout.

Comment vouliez-vous qu’on s’en sorte ?

C’était il y a une éternité, il y a un siècle, il y a un mois.

Mardi 10 mars, la campagne pédagogique a pris fin. Adieu bulles de BD, autocollants, puérils slogans.

Nous voilà instruits, à présent, et jetés dans le vaste monde des grandes personnes responsables. Nous allons devoir prendre le relais et nous débrouiller tout seuls, au lieu de compter sur les proliférants cyclopes vidéosurveilleurs qui nous filment en permanence de leur œil morne et fixe ou d’en appeler systématiquement aux forces de l’ordre, toujours plus haïes, et pourtant toujours plus désirées. Comme l’assène un personnage des Possédés de Dostoïevski, «dans aucune société et nulle part, on ne peut s’en remettre à la seule police. Chez nous, chacun exige en entrant qu’on commette à sa garde personnelle un argousin spécial. On ne comprend pas que la société doive se garder elle-même».

De fait, c’est à chaque citoyen qu’il incombe de s’opposer modestement au désastre, de signaler à certains gougnafiers que retenir les portes deux ou trois fois d’affilée, écouter de la musique à plein volume sur son portable ou jeter ses déchets made in fast food sur les banquettes ne compte pas encore au nombre des droits de l’homme néoténique. Il va falloir se montrer courageux, aller au contact, exprimer son mécontentement, y compris aux patibulaires à capuche. Calmement mais fermement montrer qu’on n’a pas peur, même si on pète de trouille comme les comédiens au lever du rideau.

Mais voilà que dans quelques jours, chassant le long hiver, le printemps revient, et avec lui d’inexorables et délicieuses poussées d’hormones. Aux infidèles occasionnels, aux cœurs solitaires qui n’ont pas encore trouvé leurs marques sur Internet et se sentent aussi mal à l’aise aux comptoirs des bars sans happy hours que dans les boîtes de nuit non-fumeurs, je signale qu’à quelques enjambées une bouche de métropolitain leur permet d’accéder au plus grand site de rencontres hexagonal, démocratique et prodigieusement bon marché, atout non négligeable en ces périodes de baisse du pouvoir d’achat. Mieux que nulle part ailleurs s’y trouve représentée la sacro-sainte «diversité» : Lætitia (Hôtel-de-Ville), Fatoumata (Palais-Royal), Khadîdja (République), Aurélie (Gare-de-l’Est), mon salut sur vous !

Républicaines, retirez vos écouteurs, rendez-vous disponibles, le prince charmant n’enfourche plus son cheval blanc, il est assis sur le strapontin en face de vous. Républicains, du cran, faites-vous mâles, descendez à la même station que la jeune femme qui vous regarde depuis dix minutes, et offrez-lui un verre.

Aux audacieux, je promets mariage et bébé pour 2010.


Frère Moustache


Le CGB membre de la fraternité St Régis Ier vous présente la dernière entrevue du maitre dans Le Monde des Religions de mars-avril 2009.

Pour les amateurs, Régis Debray sera demain en dédicace à 17h30 au salon du Livre de Paris sur le stand de Gallimard.



« On a besoin de retrouver le sentiment du "nous", au-delà de nos "moi-je".
C'est une question de survie »

La question du politique dans ce qu’elle a de plus essentielle, celle du lien social, du vivre ensemble, est au cœur des travaux de Régis Debray depuis son maître livre, Critique de la raison politique (Gallimard, 1981). Sa réflexion sur le politique l’a conduit à s’intéresser de très près au fait religieux, puisque sa thèse centrale montre que toute société se fonde autour d’un principe invisible qui unit ses membres. Son dernier livre, Le Moment fraternité (Gallimard), est à la fois une remarquable synthèse de ses travaux antérieurs sur la sacralité du politique et une réflexion stimulante sur les limites de la « religion civile des droits de l’homme » et le concept si ancien et si moderne de fraternité. On peut ne pas partager toutes les thèses du médiologue ou avoir une vision plus optimiste que la sienne, mais qui s’intéresse au devenir de nos sociétés lira cet ouvrage brillant, parfois dérangeant, toujours éclairant. En exclusivité pour Le Monde des Religions, explication de texte et débat avec l’auteur.

Vous ouvrez votre livre par une profonde réflexion sur le sacré. Pourquoi, selon vous, toute société a-t-elle besoin de sacré ?

Parce que ce qui nous unit nous dépasse, pour le meilleur et pour le pire. Qu’est-ce qui peut transformer en un « nous » singulier un essaim de « moi-je » ? Comment faire groupe et qu’est-ce qui permet à une personne morale de ne pas disparaître avec les personnes physiques qui en font partie ? C’est la question que je me pose depuis plus de trente ans. L’union ne va pas de soi puisque l’homme, dit-on, est un loup pour l’homme. Et pourtant, il existe des collectifs, nations, tribus, clubs, équipes, loges, églises. Qu’est-ce donc qui fait d’un puzzle une durable architecture ? Il me semble que c’est une transcendance, située au-delà du donné immédiat. Pour qu’il y ait de l’appartenance, il faut un point d’absence, un trou fondateur, un vide sommital qui peut être un ancêtre, un texte, un événement, un mythe, une attente. Ce point de fuite, qui assure à la fois cohésion et pérennité, c’est ce qu’on appelle le sacré. J’y vois un besoin invariant, aux formes d’expression très variables puisque chaque groupe humain produit ses sacralités : ce n’est pas la même chose de se regrouper aux pieds de la statue d’Athéna, de Jésus-Christ, de Lincoln ou de Lénine.

Cela implique qu’il y aura toujours de l’irrationnel dans l’existence collective… Souhaiteriez-vous que nous parvenions à nous passer de cet invisible qui fonde le sacré ?

En pieux matérialiste, j’ai longtemps espéré que l’on pourrait s’en passer, en faisant de l’homme son propre père, en réduisant toute communauté de destin à une légère autogestion. Mais j’ai dû me résoudre au fait qu’il y a toujours dans la semaine un jour consacré à quelque chose d’autre qu’à l’ordinaire des travaux et des jours. Ne connaissant point de société ou de nation qui n’ait sur son territoire un centre névralgique, cristallisant une mémoire ou une espérance, j’aborde le mystère par l’observation du visible. En décrivant ce qu’il y a de commun à tous ces « lieux » emblématiques, qui peuvent être un monument, un mur, un mausolée, une crypte. Ce sont à la fois des points de rassemblement et des espaces circonscrits, à part. Ce qui nous permet de vivre en commun étant aussi ce qui nous met à part des autres, qui ne sont pas de la communauté. C’est le double jeu du sacré.

Le message très original de Jésus disant à la Samaritaine - « ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem qu’il faut adorer Dieu, mais en esprit et en vérité » (Jean, 4) - consistait précisément à sortir de cette logique de sacralité qui enclôt dans un espace, un territoire, une communauté. L’erreur de la chrétienté n’est-elle pas d’être revenue à une sacralité qui enclôt… Hors de l’église, point de salut ?

Ce que vous présentez comme une erreur, donc un dévoiement, je le vois comme une nécessité. Regrettable mais inéluctable. L’histoire pratique de la spiritualité chrétienne est une leçon de choses. Le Messie a donné la plus belle formulation qui soit au souhaitable et l’histoire de la chrétienté a fait retour au possible. De l’utopie théologique à une anthropologie plutôt vexante au regard de la grande Promesse. Jésus était venu nous dire que l’on n’avait plus besoin de temple pour prier, Dieu n’étant nulle part et partout dans le cœur de chacun. Or, que se produit-il dès qu’il meurt ? Les disciples lui font, si j’ose dire, du sacré dans le dos. Le fonctionnement réel de la communauté a démenti le message individuel qui lui avait donné naissance. L’eucharistie, oui, mais dans une église, et célébrée par un homme à part, un clerc.

N’y a-t-il pas une tension dans toutes les civilisations entre la religion institutionnelle, qui a besoin de délimiter le sacré, et les courants mystiques qui cherchent à l’universaliser ?

Cette tension paraît en effet indépassable. Le spirituel veut prendre le large, le religieux ramène au port. Les mystiques font la trouée et derrière eux, leurs disciples élèvent les murs, une enceinte doctrinale, réglementaire et géographique. C’est ce jeu que l’on retrouve dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. Il y a le soufi et il y a l’imam. Il y a l’abbé Pierre et il y a le cardinal. Le difficile, c’est de penser les deux à la fois.

La sacralité moderne, la religion occidentale, dites-vous, s’incarne dans les droits de l’homme. Une religion civile envers laquelle vous vous montrez assez critique. L’idéal des droits de l’homme n’est-il pas cependant nécessaire pour construire un monde viable et pacifique ?

On retrouve dans notre nouvelle religion civile, la religion des incroyants, la même intime opposition que l’on trouvait dans le christianisme entre l’inspiration de départ et l’institution d’arrivée. Entre le discours des Béatitudes, si vous préférez, et les croisades exterminatrices. Pas plus qu’on ne peut projeter sur le christianisme les crimes de la chrétienté, ni ceux du communisme sur la philosophie des Lumières, ce serait injuste d’imputer aux droits de l’homme les forfaits de l’Occident qui s’en réclame. Personne ne peut nier qu’il y a dans l’acquisition historique des droits de la personne un formidable déverrouillage. Ce qui peut exaspérer, c’est de voir une aspiration au sans-rivage légitimer et servir un système de pouvoir et de domination bien verrouillé, fait de cynisme, d’iniquité et de parti-pris. Je réclame, en bon laïc, une séparation claire entre le spirituel et le temporel, entre l’idéal régulateur et l’appareil d’État. Sinon, l’humanitarisme fait un nouveau cléricalisme. Il y a un tel complexe de supériorité chez les Occidentaux, une telle arrogance que les droits de l’homme sont devenus un système d’enfermement, de non-reconnaissance de l’autre, un véritable obstacle au décentrement. L’autosuffisance morale racornit notre champ de conscience. Ce n’est plus du narcissisme civilisationnel, c’est de l’autisme. La négation de la fraternité. Voilà qui est troublant : la profonde indifférence de l’Occidental moyen à l’autre en tant qu’autre.

Ce qui devait être une pensée qui inclut est devenu, selon vous, une pensée de l’exclusion…

Le problème est qu’elle ne se pense pas comme telle. Nos particularismes s’enrobent d’universalisme. C’est classique, me direz-vous. « Tu ne tueras pas », « tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », « tu respecteras autrui. » Oui, chapeau ! Mais quel est cet autrui que les droits de l’homme, à l’instar de la Bible, nous ordonnent de respecter ? Ce n’est pas l’homme de l’autre côté de la montagne. C’est le coreligionnaire, le frangin ou le cousin. Il faut absolument se rappeler les droits imprescriptibles de la personne, sans jamais oublier qu’un collectif ne se conduit pas comme une personne. Et que l’individu, en ces matières, n’a jamais le dernier mot. Viendra un jour, dans un siècle ou deux, où nous nous étonnerons de notre « anthropolatrie », où nous verrons dans notre foi un peu étriquée le stigmate d’un temps d’illusion où l’individu s’estimait encore au centre du monde, délié, coupé de la nature et du vivant. Cette déliaison fera un peu sourire lorsque l’on parlera des droits du vivant et des devoirs de l’homme envers le monde.

Le concept de fraternité est au cœur de votre dernier ouvrage. En quoi vous semble-t-il particulièrement pertinent aujourd’hui ?

Parce qu’il est dramatiquement oublié, dès lors que l’économie prend le dessus et que l’argent n’a plus de maître. Précisons que c’est moins à mes yeux un concept qu’un travail, un exercice, une gymnastique. Je parle, bien sûr, des fraternités électives. La fraternité, c’est le contraire de la fratrie biologique. Ce qui m’a aussi intrigué, c’est le pourquoi de ce refoulement, le pourquoi de cette déshérence actuelle. La fraternité, impensable dans l’Antiquité, en société inégalitaire, devient possible avec le monothéisme et pensable avec le christianisme, qui l’a mise en pratique dans les fraternités monastiques. La Révolution française a projeté cette donnée spirituelle dans l’univers politique. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de cultures qui aient envisagé une fraternité en dehors des liens du sang, de l’ethnie ou de la religion. Chez nous, elle est liée à l’idée de nation, c’est-à-dire à une communauté d’égaux devant la loi quelle que soit l’origine ethnique. La patrie, à la foi maternelle et virile. Et quand on regarde l’avènement dans l’histoire française de ce principe, on s’aperçoit qu’il est lié à la remontée du romantisme chrétien au milieu du XIXe siècle, en 1848 exactement, quand Jésus était le prolétaire de Nazareth, contre le pape et les privilégiés. Mais la première apparition politique de la fraternité chrétienne ou franc-maçonne renvoie à cette mère dont nous sommes tous les enfants et que nous devons protéger, la patrie en danger, à Valmy, en 1792. Il y a comme une double nature de la fraternité, à la fois religieuse et guerrière, sabre et goupillon. Elle n’est en tout cas jamais bénigne. D’où son refoulement actuel, en Occident, et plus particulièrement en Europe, qui ne veut plus entendre parler ni de guerre ni de communion.

Ce concept ne semble pas si refoulé… Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, pour ne citer qu’eux, ont récemment, dans des meetings, mis en valeur à plusieurs reprises la fraternité…


Le chef de l’État ? Vous m’étonnez fort. Il parle des droits de l’homme. La fraternité ne fait pas partie de la culture anglo-saxonne. Et Ségolène Royal, elle a bien senti l’aspiration latente, mais je crains qu’elle n’ait pas encore pris la mesure de ce qu’il y a de très âpre et de très exigeant dans les fraternités effectives. Le contraire du gnangnan.

D’autre part, la solidarité ne serait-elle pas la traduction plus contemporaine de la fraternité ?

Très certainement. La solidarité est une fraternité épurée de ses connotations évangéliques, de sa dimension messianique, plébéienne et combative. C’est une fraternité embourgeoisée, bureaucratique, émasculée mais fonctionnelle. La IIIe République a ainsi pu faire passer dans la loi ce dont on rêvait en 1848. Tant mieux. Mais retournons à la source vive, réveillons-la. Je réclame non un état officiel mais des moments vécus de fraternité, ou plutôt un état de société qui rende ces moments possibles. On a atteint un tel point d’insolence dans l’exhibitionnisme, la compétition, l’atomisation, le chacun pour soi, qu’on a tous besoin de respirer ! De retrouver le sentiment du « nous », au-delà de nos « moi-je ». C’est une question de survie non seulement spirituelle mais physique.

A vous lire, cette fraternité ne pourra se vivre autrement que dans les limites du sacré, c’est-à-dire sous la forme de fraternités localisées, juxtaposées. Pourtant, nous sommes nombreux à aspirer plus profondément à une fraternité humaine universelle. L’écologie, par exemple, ne constitue-t-elle pas, à vos yeux, une « nouvelle religion civile », qui, face à la menace de la destruction de la planète, serait en mesure de pousser les hommes vers ce qu’Edgar Morin nomme, dans son ouvrage Terre-Patrie (Seuil, 1996), « une prise de conscience de la communauté du destin terrestre » ?

Il n’y a pas à mon sens de fraternité sans la reconnaissance d’une filiation volontaire et culturelle. C’est l’art de s’inventer une famille qui ne doit rien à la généalogie. L’idée de Terre-Patrie est infiniment séduisante. Elle me semble manquer de finitude pour devenir opérationnelle, excusez le paradoxe. La solidarité écologique est parfaitement rationnelle. Nous sommes tous vulnérables, exposés aux catastrophes et responsables de l’avenir. Mais une communauté de vulnérabilité peut-elle devenir une communauté d’affection ? Les risques écologiques, qui ne sont que trop réels, peuvent-ils engendrer une histoire d’amour ? Peut-être que l’étage du haut, dans l’espèce humaine, est en train de se construire mais il n’empêchera pas encore, pendant longtemps, les massacres au rez-de-chaussée. Sans une histoire commune, qui est une parole de légende, il n’y a pas de ferveur communautaire, ni de transcendance sensible, partagée. Je ne vois pas ce que la terre peut nous raconter, ni en quelle langue. Elle parle aux géophysiciens et aux chimistes, mais l’homme de la rue a besoin de poètes. En fait, j’ai du mal à relier la terre natale avec un petit « t » et la terre avec un « t » majuscule, la planète et la patrie. La généalogie et la mythologie. Est-ce que la terre peut devenir mythique ? Peut-elle m’enchanter ? Me murmurer à l’oreille ? Peut-on redevenir chamane ? On ne détruit que ce que l’on remplace. Si vous voulez en finir avec les hymnes nationaux, ou avec les strophes de L’Internationale, inventez un hymne mondial, qu’on puisse reprendre en chœur. L’écrirez-vous en anglais ou en chinois ? Personne ne comprend l’esperanto. Vous voyez, mon tort est de ne pas être utopiste, tout en restant allergique aux conservateurs. Révolution et réalité ne sont pas antinomiques. Précisément, l’histoire des révolutions m’a enseigné que n’importe où ne fait pas un lieu et que l’homme ne peut pas se passer de lieu. Jésus était un merveilleux utopiste mais cent ans après lui, les chrétiens avaient déjà besoin de leurs petites reliques et d’un point de rendez-vous. Autant le savoir d’avance. C’est quand vous oubliez le besoin de sacralité qu’il vous rattrape par-derrière et vous égorge sans phrases. Prenons les choses de face, et on s’en sortira un peu mieux.

Propos recueillis par Frédéric Lenoir et Jennifer Schwarz