3 décembre 2008

Vous n'avez rien contre les jeunes ?

Quand viendra l'heure de son procès, la novlangue journalistique sera reconnue comme responsable de l'appauvrissement de la langue française. Déjà moquée en son temps par les Guignols et leur "50 mots qu'on parle à TF1", elle encourage la perte de sens par une utilisation tous azimuts des mêmes mots pour couvrir des réalités toujours plus éloignées. Énième mot vidé de son sens par les médias : les "jeunes".


jeune anglais en manque de repères

Utilisation du mot "jeune" systématique quand l'action se passe en banlieue, à tel point qu'on commençait à penser que c'était un code pour dire maghrébins et renseigner ainsi les lecteurs de Fdesouche sur l'appartenance communautaire des fauteurs de troubles.

Exemple de phrase type trop souvent lue qu'elle en est symptomatique : hier un groupe de jeunes de 22 à 39 ans s'est rendu coupable d'agression sexuelle avec actes de barbarie sur la personne d'une jeune femme dans la chaude cité des Viols Furtifs.

Hors peut-être pour brouiller les pistes, un nouveau groupe de "jeunes" est apparu dernièrement.

Après avoir été un nouvel avatar de l'extrême-ultra-méga-giga-gauche sanguinaire, le couteau entre les dents, héritiers des années de plomb et du terrorisme brigadiste, le groupe de pieds nickelés présumé coupable des sabotages de lignes de chemin de fer est aujourd'hui devenu un groupe de "jeunes". Et peu importe que l'âge de ses membres s'étale de 29 à 34 ans. Ce sont des "jeunes". Jamais ils n'ont été un groupement d'individus majeurs et vaccinés, pleinement conscients de leurs actes et les assumant. Hier terroristes sanguinaires (et donc irresponsables), il faut les voir aujourd'hui comme des enfants de la bourgeoisie, gentiment altermondialistes et romantiques.
Symptomatiques, ces extraits du journal Marianne de la semaine dernière, tirés d'un article sur l'affaire.

Présentation des membres de la petite communauté :
"L'une, master d'anglais en poche, fait du soutien scolaire et vit en colocation (...). Un autre licencié en sociologie, se fait de l'argent de poche comme garçon d'orchestre(...) Les cinq autres, qui dorment en prison, ont le même profil : grandis dans des familles où ils n'ont manqué de rien, avec plusieurs années d'études à leur actif (...) Julien 34 ans, est présenté comme le cerveau du groupuscule. Fils de chirurgien, diplômé d'une prestigieuse école de commerce et d'une non moins prestigieuse école de sciences sociales, il était un peu le chef de cette communauté (...) Ydlune, sa copine parisienne,30 ans, étudiante en archéologie (...) Benjamin, 30 ans, originaire de Belgique, fils de médecin lui aussi, faisait office de bras droit de Julien. (...) Et puis, il y avait Manon, de Limoges, 30 ans elle aussi, clarinettiste en son temps et premier prix de conservatoire."

Présentés par leur seul prénom, un peu comme des candidats de la Star Ac', par la profession de leurs parents et par les études qu'ils ont pu faire. Quand ils travaillent, c'est pour "gagner de l'argent de poche". Si leur âge n'était pas pas indiqué, on croirait avoir affaire à un groupe de copains vivant en cité U. Des "jeunes". S'ils ne sont pas vos enfants, ils sont au pire vos petits frères et petites soeurs.

Or pas du tout, ils sont tous trentenaires.Je sais bien que les médias essaient de faire croire à notre génération que nous sommes d'éternels adulescents assistés, des Tanguy ayant peine à quitter le giron familial, mais passé trente ans sommes-nous toujours des "jeunes" ou sommes-nous des hommes et des femmes adultes, travaillant, parfois père ou mère d'enfants, responsables de nos actes ?

On a bien compris qu'ils sont loin, assez loin de la lutte armée, des brigades rouges ou d'Action Directe même s'ils ont la tête farcie d'idéologie. Mais est-ce une raison pour les déresponsabiliser, ne peut-on passer à la clandestinité et prôner l'action violente froidement sans être de pauvres brebis égarées. En les présentant comme des enfants perdus, infantilisés, c'est aussi terminer de ridiculiser leur combat.

Il n'est pas un jour sans qu'une personne auteur de faits divers sordides ne soit qualifié de "jeune". Faut-il relever l'âge de la majorité ? Sommes-nous des Hobbits atteignant leur majorité aux alentours de 50 ans ?

Si ce n'est que par paresse intellectuelle ou manque de vocabulaire, nous sommes prêts à nous cotiser pour payer des dictionnaires de synonymes et à les envoyer dans les rédactions.

8 commentaires:

  1. "jeune" s'emploie dans ces cas pour signifier "jeune con".
    Le jeune con de trente ans agace. On aimerait tant qu'il passe au stade de "gros con" avant un jour, perte de poids aidant, devenir "vieux con".

    On notera dans le même genre la propension des médias à nommer uniquement par son prénom un adulte dont le faciès, le taux de mélanine et l'accent ne sont pas du tout du tout du goût du français pur souche gauloise.

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  2. Ben voyons... Faut arrêter la tisane à l'extrait de Fouria. Les médias appellent aussi par leurs prénoms dans leurs "magazines" les ruraux, les pauvres, les p'tits retraités etc..
    Bref tout ce qui s'éloigne de ce qu'on considère comme respectable depuis une rédaction parisienne.
    Donc pas la peine de sortir la machine à baffes anti-souchiens. Shoot again.

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  3. On peut aussi interpréter le phénomène comme étant le symptôme de la domination socio-professionnelle des baby-boomers. Combien sommes-nous à bac +4 ou 5 à vivre de petits boulots ne correspondant pas à cette qualification et surtout aux normes de réussite sociale? Alors si en plus, on le fait par libre choix comme le groupe de Tarnac au lieu de vouloir s'inscrire dans le moule de la "classe moyenne pavillonaire", c'est qu'on est vraiment un jeune attardé. Du coup, cela en deviendrait presque un compliment!

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  4. Bien vu, bien dit!
    Et outre leur novlangue, que dire de l'"accent" journalistique dès que ça devient télévisuel...On leur apprend ça dans leurs écoles!Une façon de parler à vous faire regretter 1000 fois la bonne vielle TSF.

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  5. Les jeunes, ça ne devrait pas exister.

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  6. Le jeunisme est un naufrage.
    Un petit tour dans un sympathique camp de rééducation leur ferait le plus grand bien, apprendre à casser des cailloux en rythme et dans la bonne humeur; c'est ça la vie!

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  7. A propos des "jeunes" de Tarnac:

    http://ungraindesable.hautetfort.com/archive/2008/11/18/etranges-sabotages-sncf.html#comments

    Le fait que Besancenot et ces crétins de la revue Multitudes aient condamné ce groupe "d'ultra-gauche" rend la bande de Julien Tarnat éminemment intéressante.

    Les vieux briscards du net que nous sommes connaissaient la revue Tiqqun tout comme Evidenz ou le site de Jean-Pierre Voyer...

    De doctes experts comme J-Y Camus voient même dans cette mouvance de relents barrésiens, delà à en faire des pionniers de la réacosphère il n'y a qu'un pas.

    Quoiqu'il en soit cette réminiscence de "l'ultra-gauche" est bien commode et je dis tout de go que ces autonomistes sont bien moins dangereux que les mystérieux groupes AZF ou que les nationalistes corses.

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