13 octobre 2008

Un week-end chez Shopi

Il y a un peu moins d’un an, on parlait déjà de la belle enculerie qui consiste à vouloir faire bosser les gens le dimanche. A l’époque, une équipe de penseurs ministériels avaient prétendu qu’en dehors de l’activité consistant à gagner son maigre salaire, le Français n’avait rien d’autre de bien intéressant à faire et qu’il devait donc pouvoir y passer sept jours par semaine. Cette idée est de nouveau d’actualité. Le gouvernement a attendu que les effets de sa politique se fassent sentir sur le pouvoir d’achat (c'est-à-dire qu’il ait bigrement chuté) pour envisager l’équation simple suivante : tu veux de la thune ? Bosse le dimanche ! Il est certainement utile de préciser que cette mesure ne s’appliquerait qu’à ceux qui ont « besoin » de travailler le dimanche : les fauchés. En effet, la règle générale de celui qui gagne bien sa vie, c’est d’utiliser le week-end, et particulièrement le dimanche pour se tremper dans sa piscine en compagnie de ses enfants, de ses amis (car quand tu as une piscine, tu as beaucoup d’amis !). Cette fois encore, le gouvernement lâche les arguments les plus spécieux pour convaincre les Français pauvres qu’ils ont « intérêt » à s’y mettre. Mais on a beau étudier la chose, il n’existe qu’UN SEUL argument en faveur de l’ouverture des magasins le dimanche, décliné sous diverses variantes, et il est de nature économique. Soit on nous promet de nous donner le double d’un salaire courant, soit on nous dit que ça relancera l’activité, soit que ça fera reculer le chômage. De l’économique, point final. Et de l’économique pas très solide, tout le monde en conviendra. L’idée d’avoir un jour commun où l’on ne travaille pas, où les esclaves se retrouvent pour faire autre chose que suer ou dépensuer (« dépenser dans la gêne»), où le rythme de la vie se détend, où le bruit du périph s’amenuise, un jour qui soit un rendez-vous commun à tous et qui symbolise l’existence de la simple vie en dehors de l’activité salariée, simple vie banale comme du repos pris ensemble, comme une balade dans un parc ou un tour en vélo, cette idée-là est trop insupportable aux tristes requins et aux imbéciles. C'est vrai qu'entre les services Carrefour, les produits Auchan et les conseils culinaires Shopi, on a vraiment de quoi combler son week-end.


Politique de civilisation

Il faut aussi rappeler que pas mal de gens bossent déjà le dimanche, par dérogation au droit du travail. Le dimanche, on peut aller se faire poser des points de suture à l’hosto parce qu’on a glissé du plongeoir, on peut bien entendu acheter son pain ici ou là, ou son journal, on peut conduire son camion frigorifique sur les routes chargées de glandeurs et, quand on bosse dans l’industrie, on peut se faire ses huit heures sous certaines conditions. Bon. Mais la grande question, celle qui occupe les ministres et le Pèzident, c’est celle de l’ouverture des magasins. Quand ils évoquent le travail du dimanche, il faut comprendre avant tout l’ouverture des boutiques. Il ne s’agit pas de permettre l’ouverture des centrales EDF, elles ne ferment jamais, il s’agit d’autoriser les philanthropes de la grande distribution à ouvrir en permanence pour que ce cochon de citoyen puisse y dépenser tous les jours. Il s’agit d’achever de transformer la vie des gens en une longue file d’attente aux caisses de l’hypermarché. Inciter le pékin à passer du temps dans la laideur d’une galerie marchande en dit long sur la vision du monde des dirigeants politiques, mais insister pour qu’il y passe aussi ses dimanches, c’est le signe d’un mépris qui ne s’était jamais vu. Il n’y a peut-être pas de mesure plus antisociale que celle qui fera définitivement graviter la vie des gens autour du boulot et de la dépense, les deux faces les plus laides de l’aliénation moderne.

Femme avec caddie. Duane Hanson 1969.Par un hasard extraordinaire, un sondage publié dans le JDD révèle à point nommé que les Français seraient favorables au travail le dimanche, alors que le même JDD annonçait l'inverse il y a dix mois à peine ! Rien ne remplacera jamais une bonne propagande de presse… Nous avons même un petit numéro de clown parfaitement au point, et que le Pèzident lui-même utilise ad nauseam sous l’œil des plus patentés lécheurs de cul. J’ai parfaitement conscience de proposer une épreuve douloureuse au lecteur, mais je crois qu’il faut voir et entendre ça pour se rendre compte de la bassesse des vues. Du courage !

ouverture dimanche - N Sarkozy 21 mai 2008
envoyé par Richard-MALLIE
On peut tirer une leçon générale de ce laïus populiste : quand on laisse ouvrir une partie des magasins le dimanche, il ne faut pas attendre autre chose de l’avenir que l’ouverture généralisée de tous les magasins ! Aujourd’hui, le VRP Luc Chatel cherche à amadouer les benêts en défendant le volontariat et la majoration salariale pour justifier le travail dominical. Mais dans quelque temps, si on laisse faire ça, on pourra s’asseoir à la fois sur la majoration salariale et sur le volontariat. On bossera le dimanche comme les autres jours, aux mêmes conditions, puisqu’on nous aura convaincus que le dimanche est un jour « pas plus long que les autres »… Et on trouvera toujours un président de la République quelconque pour caricaturer une situation et faire rigoler les demeurés.

Les turbinophiles ont toujours le mot « choix » à la bouche et on les comprend : quand vous vous adressez à des gens qui n’ont jamais aucun choix à faire, parce que trop coincés, trop pauvres, trop baisés par la vie, il est bon de leur faire miroiter ce bien rarissime, le choix. Ainsi, ils auraient enfin un choix à leur disposition ? Alléluia !Ha, bien sûr, il ne s’agit que du choix d’aller bosser pendant que d’autres ne bossent pas : après tout, pauvre, n’ayant que ta force de travail, tu as le choix de l’utiliser ou pas… Le travail le dimanche peut se justifier par la nécessité, par le caractère naturellement imprévisible des services à rendre (un hôpital, par exemple, ou un commissariat). Toute l’activité humaine n’est pas dans ce cas, loin de là. Il est évident que si AUCUN magasin n’était ouvert le 24 décembre, par exemple, la population se débrouillerait pour faire ses achats AVANT. Exactement comme chacun de nous se débrouille chaque jour pour acheter son pain avant que le boulanger ne ferme sa boutique ! Va-t-on demander l’ouverture PERPETUELLE des boulangeries parce que trois cons ne sont pas assez organisés pour y passer avant 20H ? En fait, on cherche à augmenter le temps d’ouverture au public pour augmenter mécaniquement les recettes. Mais alors, pourquoi ne pas ouvrir la nuit? Pourquoi ne pas laisser Carrefour ouvert continuellement 365 jours par ans, puisqu’il est si important de pouvoir faire ses putains d’achats en toutes circonstances? Pourquoi ne pas exiger des coiffeurs qu’ils soient au turf à quatre heures du mat? Quand un ministre a besoin de se faire raccourcir la mèche, comment fait-il, je vous l’demande?

Quand je circule en voiture le long des plus lamentables périphériques, je suis toujours effrayé à l’idée que des gens habitent ces immeubles dégueulasses, que des vies se déroulent là, au dessus du flux routier, dans le bruit et la misère esthétique la plus complète. Des gens qu’on a parqués ici et qui s’en contentent, faute de pouvoir faire autre chose. Mais on voit aussi que des maisons neuves viennent décorer les bords d’autoroutes, des lotissements complets qui, telles des mouches sur un étron fumant, s’agglomèrent au cul des bahuts. Des gens achètent ce type de maisons et la vie qui va avec. Ils sont volontaires pour ça. Devenir propriétaires doit leur paraître plus important qu’un détail comme 40 000 véhicules par jour sous les fenêtres. Ils ont eu le choix, et l’ont fait. Nul doute que parmi eux, on trouvera de nombreux volontaires pour bosser le dimanche ou faire ses courses, ce qui revient au même.

12 commentaires:

  1. Oui, enfin, l'ennui, c'est que s'il y a quelqu'un qui veut contraindre quelqu'un dans cette histoire, ce sont les syndicats qui veulent forcer les salariés à ne pas travailler le dimanche.

    Comme le révèle le sondage auquel vous faites allusion -- mais un sondage est forcément un mensonge dès lors qu'il ne va pas dans le sens des idées de celui qui en parle, n'est-ce pas?

    Le Parisien, ce matin, faisait état d'une grande librairie d'Eragny, dans le Val-d'Oise, dans laquelle plus de cent salariés s'opposent au syndicat Force ouvrière qui veut les empêcher de travailler le dimanche (sur un total de 160 salariés). Et ce n'est nullement un exemple isolé.

    Les syndicats agissant contre les revendications des travailleurs: on marche vraiment sur la tête dans ce pays! Etonnez-vous, après ça, du taux de syndicalisation dérisoire en France (8%, essentiellement dans la fonction publique)!

    Qui êtes-vous pour prétendre dicter à ces libraires ce qu'ils doivent faire de leur dimanche? Et en quoi cela vous pose-t-il problème qu'ils se décident sur des critères économiques?

    Evidemment que les choix que l'on fait en matière professionnelle sont dictés par l'économie. Comment achetez-vous votre nourriture, vous? Avec l'argent de papa-maman? Avec votre paie de fonctionnaire, qui, c'est bien connu, vient de la cassette privée du Roi de France, et non de l' "économie"? En tapant dans un gros héritage? En vivant d'allocations sociales?

    Qu'est-ce qui vous permet de traiter de si haut les salariés qui réclament de pouvoir travailler le dimanche, en insinuant que ce sont des esclaves (ils n'ont pas le choix) et des abrutis (ils sont trop matérialistes)?

    Si vous n'aimez ni le travail ni l'argent, n'en dégoûtez pas les autres, merci. Il y a des gens qui ont besoin de l'un et de l'autre.

    Personne ne vous oblige, vous, à travailler le dimanche, et nul n'y songe. Veuillez respecter la liberté des autres.

    RépondreSupprimer
  2. Accentuez l'accent et vous avez un sketch de Popeck.
    Putain et c'est pwésident de la fwance ça! Pwésident de mes couilles oui!

    RépondreSupprimer
  3. Hé ben ouais ducon plus y en a qui travaillent le dimanche, plus mon boss va me dire que je suis une grosse feignasse. Ces connards vont rendre la pratique habituelle. Donc indirectement ces no life me forcent à trimer le dimanche.

    Sauf que moi le dimanche je préfère rester au pieu avec ma femme à lui faire des enfants ou à m'occuper de ceux que j'ai déjà. Y a pas meilleur investissement pour l'avenir contrairement à ce que croit les p'tits blancs sans famille et sans ami dont le seul but et d'engrainer le plus de pognon possible pour se barrer en asie du sud est à cinquante balais et se taper le plus de putes mineures possible jusqu'à l'overdose de coke.

    Mais ne vous inquiétez pas les blancs, continuez à vous laisser chier dessus, "d'autres" s'occupent de faire grimper le taux de natalité de la fwance...

    RépondreSupprimer
  4. Voir de grimper nos femmes... pendant qu'on va bosser le dimanche.

    Pour le titre du sondage on aurait pu mettre:

    Timeo danaos et dona ferentes...

    Ce qui se traduit aussi par "Seriez-vous prêts à vous faire enculer le dimanche"

    RépondreSupprimer
  5. Tout à fait d'accord avec Dudule.

    SALES BLANCAOUIS !!!

    RépondreSupprimer
  6. Marchenoir a dit: "Oui, enfin, l'ennui, c'est que s'il y a quelqu'un qui veut contraindre quelqu'un dans cette histoire, ce sont les syndicats qui veulent forcer les salariés à ne pas travailler le dimanche." Mais cher monsieur, la loi aujourd'hui, et la règle commune, c'est repos le dimanche, oui ou non? La passion vous aveugle un chouia, on dirait. Des syndicats qui veulent qu'on applique la loi, vraiment est-ce trop?
    Votre intervention est affligeante, je vous le dis tout net. Elle m'afflige parce qu'elle confirme bien qu'il existe une foule d'aliénés (voir Marx pour cette notion)prêts à gober n'importe quelle salade pour pouvoir surnager dans cette société qui coule. Accepter que l'économie dirige nos vies, c'est accepter petit à petit qu'on ne dépense pas trop d'argent pour maintenir des vieux en vie, par exemple. L'économie doit servir les hommes, et pas l'inverse. Or le repos commun du dimanche, en plus d'être une tradition vieille de quatorze siècles, est l'ultime miette restant du temps familial, des moments dont on disposait pour être ensemble. Cette disparition vaut bien un plat de lentilles, je parie?
    Je ne traite pas de haut les pauvres cons qui acceptent ça, mais ça ne change rien à leur connerie. Je les connais bien, j'en ai tout autour de moi, dans ma famille. Mon meilleur ami est même un gars qui bosse alternativement la nuit et la journée, d'une semaine sur l'autre, depuis des années. Toutes les études montrent qu'il risque de perdre 10 ans d'espérance de vie à ce rythme, mais il préfère ça que rechercher un autre boulot... Tout meilleur ami qu'il soit, c'est un con, et je n'oublie jamais de le lui rappeler. Aimer quelqu'un, c'est ça. Il faut donc croire que j'aime les travailleurs. En revanche, se contenter de dire "qu'ils fassent ce qu'ils veulent puisqu'ils le veulent", comme vous, c'est se moquer des conséquences éventuelles. Ils le veulent, donc c'est bien, c'est ça?
    Enfin, vous concluez par le magistral "Personne ne vous oblige, vous, à travailler le dimanche, et nul n'y songe. Veuillez respecter la liberté des autres." qui est l'exemple même du sophisme pour collégien. D'abord, je pense que bien des gens "songent" à me faire travailler le dimanche, contrairement à ce que vous dites. Je peux me tromper, mais je prends le pari que ça deviendra une norme admise d'ici quinze ans et qu'on n'aura plus à être volontaire pour y avoir droit. Ensuite, si vous commencez à dire qu'il faut respecter la liberté des autres à tout bout de champ, vous risquez qu'on vous retourne la proposition: veuillez respecter ma liberté de dire que vous me faites chier.
    Post scriptum : si Léon Bloy pouvait savoir qu'on utilise le nom de Marchenoir pour défendre une loi qui fera encore plus marner les petites gens, il se retournerait dans sa tombe à faire péter les enfers!

    RépondreSupprimer
  7. On comprend mieux pourquoi "on" délocalise et mondialise à tour de bras.
    Vous semblez oublier Beboper que toute règle engendre ceux qui chercheront à la contourner.
    Quasiment tout ce qui peut se traiter par téléphone bosse déjà de l'étranger 7jours/7.

    RépondreSupprimer
  8. J'adore la tête du gros con UMP à droite de l'agent américano-israélien: suitant, dégoulinant...

    la bêtise, la bêtise malfaisante...


    Vient le temps de l'écroulement généralisé, et éspérons, des réglements... du grand soir... et des petits matins...


    Bien sûr, c'est une escroquerie, et une faute, ce "droit au travail le dimanche"...


    Un recul de plus dans une société en perdition!

    Karimrossmann

    RépondreSupprimer
  9. Ne vous inquiétez pas. Ils ont prévu de longues périodes de chômages en compensation des dimanches perdus. Elle n’est pas belle la vie ?

    RépondreSupprimer
  10. A propos du sondage qui était, effectivement, bidon:



    www.travail-dimanche.com/le-sondage-bidon-du-jdd/sondage-bidonne-la-reaction-de-marianne-2.html

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour, Je travaille pour le Credoc (centre de recherche et d'études sur les conditions de vie des français) et nous avons fait une étude statistique sur l'opinion des français concernant le travail le dimanche. D'après les cas étudiés, je dirais qu'à peu près 80% des français sont CONTRE l'ouverture des magasins le dimanche, la plupart considérant que les personnes travaillant dans le commerce ne pourront plus avoir une vie de famille s'ils n'ont pas au moins un jour de congé commun avec leurs enfants.

    Le sondage délivré par l'Ifop de Mme Parisot est un faux lamentable.

    J'ajouterai qu'au cours de cette étude j'ai interrogé un employé de supermarché qui travaillait le dimanche matin de façon régulière. Il m'a précisé que son salaire n'était pas augmenté ce jour là et que s'il refusait on lui faisait du chantage au licenciement.

    Il ne faut pas rêver, cette mesure permettra de nombreux abus supplémentaires en sus de ceux que subissent déjà les salariés français. "Le dimanche c'est payé double" quand on a un patron règlo, or ce n'est pas le cas de tous...

    Voilà, Mort aux cons!

    RépondreSupprimer