17 octobre 2008

Psychaos


Enfin une explication globale et totale de la crise qui nous traversons de la part de Dany Robert-Dufour dans Le Monde de ce week-end.


Mutation du psychisme en vue, par Dany-Robert Dufour





Durant cette intense panique boursière dont nul augure économiste ne saurait, à ce jour, prévoir l'issue, on voit se répéter un curieux spectacle : ceux qui étaient, hier encore, les plus ardents défenseurs du libéralisme financier dérégulé ne cessent de faire acte de contrition et de promettre l'entrée dans un cycle vertueux. Mieux vaut tard que jamais, certes.

Mais la question qui se pose est de savoir si l'on peut vraiment s'en remettre, pour sortir de cette crise, à ceux qui ont conduit notre civilisation, avec tant d'efficacité, de cynisme et de suffisance, droit dans le mur. C'est une question importante, car, si elle n'est pas résolue, les opinions publiques risqueraient fort, sitôt le désenchantement et la récession installés et, comme toujours en pareil cas, de se mettre en recherche d'hommes providentiels. Il ne faut jamais oublier qu'après la crise boursière de 1929 sont venus 1933 et la tragique ascension d'un Hitler. Chacun sait qu'en Europe même, certains s'essaient déjà aux gestes expéditifs qui pourraient rassembler les foules déboussolées.

Pour éviter la répétition d'un tel drame, il faut prendre conscience de l'ampleur des dégâts et des diverses tâches de reconstruction qui s'imposent. Car le libéralisme financier dérégulé n'a pas fait que saper les bases de la finance et de l'économie marchande mondiale. Loin s'en faut : ce sont toutes les grandes économies humaines qui sont atteintes.

Elles sont en effet articulées entre elles, de sorte que certains changements essentiels dans l'économie marchande (la dérégulation) entraînent des effets substantiels dans l'économie politique, l'obsolescence du gouvernement et l'apparition de la gouvernance, issue de la corporate gouvernance, aussi appelée "dictature des actionnaires". Mais ce n'est pas tout, puisque ce dernier aspect ne peut que provoquer des mutations dans l'économie symbolique (disparition de l'autorité du pacte social et apparition de nouvelles formes de lien social comme les groupes dits "égo-grégaires", qui se caractérisent par l'exhibition conflictuelle et souvent spectaculaire d'égoïsmes en recherche de satisfactions consommatoires). En outre, ces mutations dans la culture affectent nos façons de parler, autrement dit l'économie sémiotique (par l'apparition d'une novlangue libérale marquée par des transformations de la grammaire et des altérations sémantiques où, par exemple, toute forme d'autorité, même laïque, est bannie).

Enfin, ces transformations peuvent atteindre une économie qui semble a priori rétive à toute soumission aux lois de l'économie marchande : l'économie psychique, avec une sortie du cadre freudien classique de la névrose et une entrée dans un cadre postnévrotique où la perversion, la dépression et l'addiction prédominent.

On dispose d'un concept susceptible de décrire cette propagation d'une économie à l'autre : la transduction, terme issu des travaux produits dans les années 1960 par le philosophe Gilbert Simondon. Lors d'une propagation transductive, chaque région constituée sert à la région suivante de principe, de modèle et d'amorce, si bien qu'une modification peut s'étendre progressivement et qu'une mutation générale peut apparaître après s'être propagée de proche en proche. Aujourd'hui, ce sont donc toutes nos économies, celles dans lesquelles nous vivons, qui sont malades. La conséquence est inéluctable : notre génération a été "salopée" par le marché et celle de nos enfants risque fort de l'être plus encore si nous n'intervenons pas, nous en avons déjà des signes inquiétants.

Le tableau ne sera complet que si l'on ajoute à ces économies celle qui les englobe toutes : l'économie du vivant. Elle est très malade aussi. Elle est en effet victime d'une contradiction majeure entre le capitalisme, qui vise la production infinie de la richesse, et la finitude des ressources vitales qu'offre la Terre. La Terre n'en peut plus, elle ne cesse d'émettre des symptômes d'épuisement : réduction de la diversité des espèces, risque accru de pandémies, épuisement des ressources naturelles, pollutions irréversibles diverses, inexorable réchauffement climatique aux conséquences encore incalculables, surpopulation... On voit donc les plus grands défenseurs du libéralisme dérégulé manger leur chapeau en public : après avoir exigé la privatisation des gains, ils supplient de passer à la socialisation des pertes.

Il est possible, quoiqu'incertain, que ces injections massives de capitaux publics puissent, à terme, stabiliser le système bancaire. Mais ce qui est impossible, c'est qu'elles résolvent les considérables dégâts causés dans les autres grandes économies humaines par l'effet transductif de cette idée folle qui s'est emparée du monde depuis une quarantaine d'années. Nous sommes donc à un seuil : il faut non seulement secourir l'économie marchande, mais aussi et surtout porter remède à toutes les grandes économies humaines menacées de collapsus par un principe toxique qui a été présenté comme panacée universelle. Il faut en finir avec la croyance que les intérêts égoïstes privés s'harmonisent par autorégulation spontanée.

La providence divine qu'on invoque depuis les origines du libéralisme n'existe pas. Les hommes ne peuvent s'en remettre à un supposé mécanisme invisible, qui ferait les choses pour eux et mieux qu'eux. Il ne faut pas "laisser faire". Il faut au contraire que les hommes interviennent. Il faut qu'ils régulent leurs activités par eux-mêmes, sinon la régulation se fera au profit de certains intérêts privés plus forts que d'autres, métamorphosant la cité en une jungle, cependant que ses habitants seront tenus de se transformer en joueurs pervers.

Il ne s'agit sûrement pas de se débarrasser entièrement et sans autre forme de procès du libéralisme. Car il nous a amené de très appréciables bienfaits par rapport aux systèmes antérieurs : libertés individuelles et élévation globale du niveau de vie (en dépit de l'accentuation des inégalités). Il s'agit plutôt de se débarrasser de ses effets pervers qui, en devenant envahissants, ont rendu ce système contre-productif. On souhaiterait donc entendre nos décideurs faire des propositions allant en ce sens. Le retour d'une confiance minimale est à ce prix.

Dany-Robert Dufour, philosophe, université Paris-VIII,
Collège international de philosophie

12 commentaires:

  1. Clair, net, sans bavure. J'aurais bien aimé le lire sur les propositions pour sortir (ou améliorer) le système. Parce que si on attend les "décideurs"..

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  2. C'est pitoyable cette revanche simulacre que sont persuadés d'avoir trouvé ces vieux prophetes du totalitarisme dont vous êtes.
    Cette crise est issue d'un defaut DE liberalisme, et non d'un defaut DU liberalisme!
    Les subprimes ont violé la plus sacro sainte regle de la deregulation, celle qui optimise tout le systeme: la transparence.
    Sans elle, la maximisation des interets tombe aveugle, la main invisible choppe un parkinson. Ce n'est pas les liberaux qu'il faut pendre, mais bien ceux qui les ont méprisés.
    Le systeme n'est pas à remettre en cause parce qu'un element endogène est venu l'attaquer dans son dos.
    Pour tuer un virus vous tueriez le corps qu'il infecte, je vous trouve consternant de bétise, Dany Robert compris (ya qu'a voir son prénom!).

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  3. C'est vrai que les symboles du libéralisme que sont les paradis fiscaux sont vachement transparents.

    Y en a ici on a l'impression qu'ils viennent de naitre.

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  4. A lire cet ennuyeux et médiocre article je me suis demandé à quel moment j'allais me mettre une balle dans la tête. Puis je me suis dis qu'en réalité, cet article était une blague du CGB. Qu'il n'existait pas vraiment. Oui. Sans aucun doute.

    Vérifions tout de même.

    Ah si. Il existe vraiment.

    Ô misère...

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  5. C'est bien le propre du CGB, il n'y a pas de ligne... Les articles que je publie n'engagent que moi.

    Je sais bien qu'à Ilys, vous ne goûtez guère Michéa, Dufour, Orwell, Lasch et toute la clique conservatrice.

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  6. "A lire cet ennuyeux et médiocre article je me suis demandé à quel moment j'allais me mettre une balle dans la tête."

    Ni plus ni moins qu'un article d'Ilys.

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  7. Ilys c'est des grosses fiottes qui se retrouvent avec tous ces connards de soixante huitards bobos dans leur camp: koukouch, bhl, field, glucksmann, adler, etc.

    Qu'ils balayent devant leur porte avant de la ramener!

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  8. Le libéralisme est une escroquerie. La concurrence n'est jamais libre et elle est toujours faussée.

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  9. Sans vouloir créer un quelconque et puéril clivage de blogs, ce texte est en effet médiocre : interrogations convenues, enfonçage de portes ouvertes balisé, petite référence au IIIeme reich racoleuse, analyses superflues ( la finance est imbriquée dans l'économie réelle qui est imbriquée dans le réel..sans déconner ?) accompagnées de leur jargon poussif ("transduction"), un petit coup à propos de l'écologie, des ressources, pour conclure sur un appel naïf au changement (qui plus est en appeler aux "décideurs" !). C'est indéniablement baclé, l'auteur nous a habitué à mieux, on dirait qu'il fait une conf' dans une université populaire...
    Le seul rappel intéressant : celui à propos des mutations culturelles, du langage, des névroses, mais ça reste en creux, autant, en effet, relire du Orwell ou du Lasch en attendant leur digne successeur.

    addendum
    Ah, c'est pour le Monde, oui alors d'accord c'est bien un exercice de concision foiré, qui n'apporte rien, j'imagine, au lecteur moyen.
    Non, et puis, franchement, en relisant : les rappels aux "ressources qui s'épuisent" juste après névrose et transduction, c'est pas possible, il l'a torché avant le bouclage..

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  10. On s'en fout du texte on est là pour se foutre sur la gueule!
    Hé ouais la concurrence elle est pas libre parce que y a des keufs partout. Virons les keufs et on pourra enfin aller concurrencer librement les bobos libéraux avec nos poings américains.

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  11. C'est vrai que je ne vois pas trop l'intérêt de l'article. Pas de quoi se taper la tête contre le mur. Chaque fois qu'il touche un point intéressant il passe au suivant.

    Et puis ce bon vieux Dufour ne sait vraiment pas s'exprimer.

    Pour autant je suis d'accord sur l'essentiel, le libéralisme déifié c'est maaal. Mais bon, si vraie que soit cette idée, elle est inutile énoncée comme telle dans notre société...

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