11 septembre 2008

Orwell decency


Mazette! Voilà que les organes officiels de la pensée tricatel commencent à s'intéresser à ce bon George Orwell.

Voilà que coup sur coup, deux vieilles putes mondaines daignent s'intéresser à l'anarchist tory... Pierre Assouline et Philippe Sollers ne tarissent donc pas d'éloge sur LA biographie écrite par Bernard Crick que Flammarion publie de nouveau après Climats en 2000 (ça ils semblent l'ignorer les foutriquets).

Qu'on se le dise, la collection automne-hiver sera très 1984 avec un blog posthume, la publication de ses chroniques A ma guise chez Agone, d'un petit opuscule bien troussé de Bruce Bégout sur la common decency (dédicace à René C. d'Italie) De la décence ordinaire (Allia) sans compter la réédition du premier chef d'oeuvre de Jean-Claude Michéa, Orwell Anarchist tory.


En parlant, du philosophe de Montpellier, son actualité est riche avec la sortie d'un nouvel opus, La double pensée (Flammarion) issu de ses entretiens sur l'anarchisme menés par Radio libertaire avec Thierry Clair-Victor mais également de sa conférence au Centre Ascaso Durruti publiée dans la revue anarchiste Réfractions (repris par la revue du MAUSS n°31, L'homme est un animal sympathique) "De quoi le libéralisme est-il nom?" dont le CGB vous offre en exclusivité un extrait:

Une stratégie politique radicale est vouée à demeurer inefficace tant que ses cibles essentielles n’ont pas été correctement identifiées. Or il s’agit là d’une tâche que le développement de la société libérale a considérablement compliquée. Le capitalisme contemporain, en effet, fonctionne désormais infiniment plus à la séduction qu’à la répression (réalité que Guy Debord s’était efforcé de saisir, en son temps, sous le concept de « société du spectacle »). Ce n’est assurément pas par hasard si l’industrie publicitaire (à laquelle il conviendrait d’ajouter celle du divertissement et des médias) représente de nos jours le deuxième poste de dépense mondiale, juste après celui de l’armement. Et le contrôle quotidien que cette industrie envahissante exerce sur l’imaginaire des individus moder-nes se révèle à l’évidence autrement plus puissant que celui des anciennes religions ou des vieilles propagandes totalitaires .

On ne saurait dire, néanmoins, que les organisations qui prétendent aujourd’hui encore « lutter contre le capitalisme » aient pris, dans leur ensemble, la véritable mesure de ces nouvelles données. Il est malheureusement trop clair que la résistance aux effets psycholo-giques et culturels humainement dévastateurs de la logique libérale ne constitue pas, à leurs yeux, une tâche politique fondamentale (à supposer même que cette tâche puisse avoir le moindre sens à l’intérieur de leur dispositif idéologique).Il ne suffit cependant pas de reconnaître que la « société du spectacle » est devenue la vérité effective du capitalisme avancé. Encore faut-il en tirer la conclusion logique et reconnaître que ce dernier ne peut plus reproduire les conditions présentes de son « développement durable » sans s’assurer en permanence la complicité plus ou moins active de chacun d’entre nous ; ou, en d’autres termes, sans chercher à transformer chaque sujet (en commençant, de préférence, par les plus jeunes ) en bourreau de lui-même, capable de collaborer sans état d’âme (et parfois même avec enthousiasme) au démontage de sa propre humanité.

Ce point est d’une importance politique cruciale. Il est impossible, en effet, de continuer à réduire le système capitaliste développé à une simple forme d’organisation de l’économie, dont il suffirait en somme, pour la rendre humainement tolérable, de « changer les modes de distribution et les gestionnaires à l’intérieur d’un mode de vie accepté par tous ses participants ». Il constitue en réalité une forme de « civilisation » à part entière, aux ramifications multiples, et qui s’incarne dans des manières quotidiennes de vivre, à défaut desquelles la croissance (autrement dit l’accumulation du capital) s’effondrerait aussitôt.

On soulignera, au passage, qu’il semble très difficile de prendre en compte cet aspect essentiel du capitalisme contemporain sans réintroduire, sous une forme ou une autre, le concept philosophique d’aliénation, concept dont chacun peut remarquer qu’il a opportunément disparu, depuis plusieurs décennies, de toutes les grilles de lecture de la nouvelle gauche (et donc également, par voie de conséquence, de celles de la nouvelle extrême gauche ).

3 commentaires:

  1. Les dernières vidéos de Bernard Stiegler que j'ai posté sur le CGB ne parlent que de ça. Le capitalisme industriel s'est transformé en capitalisme culturel qui a comme effet de détruire le niveau d’existence (désir/affect/philéa d’Aristote) pour ne laisser place qu’au niveau de subsistance (pulsion/envie) avec notre complicité involontaire par manque de connaissance sur ces sujets. Comme le fait comprendre Michéa, l’industrie des relations publiques est devenue le nouveau pouvoir indispensable qui porte le développement durable du capitalisme avancé. C’est une économie libidinale. Et là, on rejoint l’essai de Christopher Lasch « Le moi assiégé » où s’exerce le désir. On assiège le « moi » pour détourner le désir/affect vers des objets de consommation, alors que normalement son rôle est de mythifier les êtres humains entre eux (un enfant qui voit son père comme le plus fort du monde) ou alors les vertus. On peut aussi l’assiéger pour détruire ou changer le système hiérarchique de croyance/valeur du surmoi (création du nouvel homme).

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  2. En effet, cette tendance à la création d'un homme nouveau alexythimique et psychotisant, dénué de racines et de surmoi ... est egalement à l'étude chez Dany Robert-Dufour. Comme il le dit lui-même "Ne pensez pas, dépensez!"

    D'ailleurs dans la dernière livraison du théâtre, il y a une bonne intervention de D. Robert-Dufour et de Stiegler.

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  3. Mais comment fait René pour être au courant des sorties arrivantes ? Moi aussi je veux savoir un mois à l'avance ce que va sortir tel ou tel auteur intéressant !

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