18 décembre 2007

De la bonne gouvernance



Bon sang... mais c'est bien sûr!!! Si l'Europe est rejetée par les peuples c'est parce qu'il n'y a pas assez de bonne gouvernance qui prône le dialogue avec "la société civile"!!

Au CGBi, on se pose la question de savoir pourquoi l'art d'administrer sa maison est devenu l'alpha et l'oméga de tous nos politiques adeptes du consensus flanby.



Le moderne conchie ce verbe ringard qu'est "gouverner"... Non, pour aller dans le sens de la posthistoire il faut désormais parler de "gouvernance".

Gouvernance, ce vieux mot domestique du XIIIe siècle qui illustrait l'art de bien administrer sa maison a été remis au goût du jour en France principalement par l'action de la Commission européenne, du MEDEF et de quelques politiques (dont Jean-Pierre Raffarin). En vérité, notre "gouvernance" n'est juste que le copié-collé de l'anglais d'entreprise Corporate governance qui illustrait au tournant des années 70, une nouvelle façon d'envisager le management directement issue de la critique artiste des soixantehuitards (lire Le nouvel esprit du capitalisme, de Luc Boltanski et d'Eve Chiapello).

FMI, Banque Mondiale, Commission européenne, Etat, tous ne jurent que par la "gouvernance"... pour une raison simple: celle de pouvoir parvenir à ce vieux rêve des oligarques qui consiste à vouloir se débarrasser une bonne fois pour toutes du Peuple. C'est ce que montrent dans un ouvrage roboratif, Philippe Arondel et Madeleine Arondel- Rohaut , Gouvernance: une démocratie sans le Peuple? (Ellipses).

En effet, les concepts de gouvernance et de souveraineté du peuple sont plus qu'antinomiques: grâce à un consensus mou bâti sur un prétendu dialogue avec la société civile (le remplaçant légitime et propret du Peuple pour les oligarques), la gouvernance tend à vouloir en finir avec le démos.

Mieux, la gouvernance choyée par nos amis cybernéticiens n'est que le faux-nez d'une idéologie d'un totalitarisme qui tend à vouloir faire sortir les nations de l'histoire et de toute sa dimension tragique au profit d'une nouvelle économie de l'intime, ou le management envahirait non seulement la Politique (avec un grand P) via sa cohorte de sophistes mais aussi l'Homme:

"L'homme nouveau, la salarié idéal rêvé par les grands prêtres de la religion postfordiste, c'est celui qui, s'étant délesté de sa prétention absurdement prométhéenne à transformer le monde, n'aurait plus d'autre ambition que d'actualiser sans cesse sous désir de durer, dans le champ étroitement balisé de l'entreprenariat de soi-même, de l'auto exploitation de son capital humain (NDA: Merci Bourdieu!)"

Les fadaises sur la flexicurité vont dans ce sens comme si le travailleur n'était qu'un ordinateur dont on devait reformater le logiciel...

La gouvernance est partout et a atteint toutes les sphères de la vie publique ET privée.A vrai dire, la gouvernance est l'outil antirépublicain par excellence puisqu'il dépossède le peuple de ses droits au profit d'instances non représentatives auto proclamées et avec lesquelles le pouvoir oligarchique trace le sillon de ces réformes mortifères qui assoiront définitivement le règne du pancapitalisme total, schizophrène et horizontal.

C'est clairement la philosophie qui préside l'Europe en ce moment car derrière le citoyennisme se cache la hantise de la chose publique au profit d'un face à face entre experts et intérêts particuliers (lobbies).

3 commentaires:

  1. Article parfait et particulièrement pertinent! je suis toujours abasourdi de voir qu'on accueille les mots "nouveaux" (surtout ceux qui apparaissent sans nécessité naturelle, qui remplacent un mot existant et très clair)avec indifférence ou enthousiasme, alors qu'ils cachent forcément, par nature, quelque chose qui n'est pas dit.
    Au delà des simples mots à la mode pour trous du cul (je signale l'inflation du mot "juste" en ce moment -ex: "je suis juste pas d'accord", ou "le concert de machin était juste génial", ou le très beau "c'est juste pas vrai ce que tu dis"), les expressions politiques ou économiques n'apparaissent jamais par hasard. On pourrait presque, comme dans les vieux romans conspirationnistes, imaginer des gonzes travaillant dans des bureaux secrets, composants des expressions nouvelles et les balançant dans le public via les Raffarins de service...

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  2. J'oubliais: ton article en lien sur le mot "citoyen". Je ne saisis pas bien la différence que tu fais entre l'usage traditionnel du mot et sa variante adjectivée actuelle.
    Au delà du grotesque qui suffit déjà pour qu'on la rejette, l'expression "débat-citoyen", par exemple, ne suggère-t-elle pas un débat ou les droits et les devoirs des citoyens seront évoqués et serviront de base aux discussions? Ne dit-on pas la même chose, mais de façon plus laide (je parle vraiment d'esthétique de la langue, de la version fainéante de son usage qui prétend qu'on peut dire les choses en associant les mots de façon brutale, à l'anglaise)?

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  3. Merci BEBOPER, à propos de l'adjectivation du mot "citoyen", elle correspond en fait à une forme de dilution de ce concept mais aussi de l'agora représentative.

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