12 avril 2007

Anniversaire à Mayerling

Il y a des jours comme ça qui commencent vachement bien et qui basculent dans la plus noire ignominie. Lundi fut l’un de ceux là. Je suis redescendu aux enfers le 9 avril pour une abominable soirée d’anniversaire. Pourtant, tout cela avait si bien débuté.
Putain de bordel de merde, j’ai du en faire des conneries dans mes vies antérieurs pour mériter une soirée pareille ! Toutefois je n’ai aucun souvenir d’un quelconque service dans un corps SS et je ne me rappelle pas avoir bossé pour la sainte Inquisition ou d’avoir descendu le Che en Bolivie.
Alors c’est quoi ce bordel ? Il est bourré le vieux la haut où quoi ?



Si je dois faire un constat sur ma vie ce sera celui là : j’attire les folles comme la merde les mouches. Pourtant elle était belle comme un ange et même si elle ne m’était pas à l’origine destinée (c’est la collègue de boulot d’une amie qui voulait la présenter à un autre pote, véritable manche à couilles du 5ème qui ne nous laisserait même pas les miettes), je dois dire que j’ai fait un bon boulot d’emballage en règle et que la sirène fut vite ferrée.

Je ne voulais pas aller manger, j’avais comme un pressentiment mais mes amis ont tellement insistés que nous sommes tous partis comme une belle famille (nous étions six) souper à Ménilmontant et Dieu que c’était bon ! En plus le chef fait de la reconstitution napoléonienne dans un régiment de grenadiers de la garde ! Que du bonheur ! C’était bien parti, c’est sûr, et le vin, le champagne la bière puis le cognac coulaient à flot.

Ensuite nous sommes partis en taxi au Highlander qui était blindé comme un panzer tigre et bourré comme un canon de marine. Il devait pas être loin de trois heures du mat et le rade était remplis de connards mon vieux, à se demander si on les ramassent pas dans toute l’Europe pour les amener en bus à Paris. Que du prix Nobel, et tous soûls comme des lanciers Polonais ! C’est là que j’aurais dû comprendre que la soirée allait virer au cauchemar. Mais bon, elle était tellement belle, ma muse d’un soir, que toute cette sainte et grasse bêtise a glissé sur mon âme comme la pluie sur les ailes d’un goéland. De fil en aiguille l’étreinte s’est resserrée et la belle a accepté de venir chez moi pour un dernier verre.



Méfiez-vous des aigles à deux têtes


Pour parler vulgairement on aurait pu alors croire que l’affaire était rentrée dans le sac. Or l’affaire n’était qu’un nid de vipères et le sac bien troué. Après un passage à l’épicerie de la rue Monge (qui est ouvert, merci Bacchus, jusqu’à 5 heures du matin) pour une bouteille de rosée nous voilà donc en amoureux à la maison à parler de mes livres et de mes dessins.

Et puis, allez savoir ce qui m’est passé par la tête (par la cravate ça je sais, des litres de gnôle) me voilà qui commence à lui parler de Jacques Rigaut et du film Le Feu Follet de Louis Malle d’après le livre homonyme de Drieu la Rochelle. Justement, j’ai un extrait assez intéressant de ce film bien glauque voulez vous le voir mademoiselle ? Oui, qu’elle me dit et voilà ce qu’elle a vu.



Toute la cathédrale est partie en morceaux. Les carreaux ont volés à trois milles à la ronde. Les voiles du galion se sont déchirés de haut en bas. Yukio Mishima est sorti de son tombeau le sabre à la main. Théodore Géricault est tombé de son cheval. Lord Byron est parti en Grèce sans se retourner et Lestat de Lioncourt s’est fait mordre à Paris. A Little Big Horn, les frères Custer se sont fait massacrés et il parait qu’ils ne l’avaient pas volé. Hannibal Barca s’est empoisonné, Gérard de Nerval s’est pendu et à Mayerling, le 30 janvier 1889, l’archiduc Rodolphe a dégainé son revolver devant les yeux de sa maîtresse, Mary Vetsera.


Une chouette soirée


Cette femme, que je ne connaissais pas la veille, voulait se tuer avec moi.
Mayerling. Village autrichien de la grande banlieue de Vienne. Pour moi Mayerling c’est surtout un film de Terrence Young avec Catherine Deneuve et Omar Sharif. Un film que j’ai vu beaucoup trop jeune et qui a changé ma vie à jamais. A cinq ans, je jouais avec ma petite amie de l’époque, blonde comme Catherine Deneuve, à Mayerling. Se furent les premières lèvres que j’ai embrassées et nous faisions semblant, sous la table du salon, de nous suicider d’amour.

Et voilà que plus de trente ans après Héros revient faire de l’œil à Thanatos. Et bien merde alors, celle là je ne l’avais pas vu venir ! Elle veut que je lui fasse mal. Je vais chercher un couteau dans la cuisine mais comme je n’ai jamais versé dans le sado-maso je n’y arrive pas. Elle, par contre, me laisse une estafilade de six centimètres sur l’avant-bras. C’est la maison de Kyoko, l’enfer parfumé, un jardin où toutes les feuilles sont mortes. Mais je peux vous jurer qu’on ne m’a jamais embrassé comme cela. Et puis d’un coup, elle est partie. Me disant qu’elle ne voulait pas d’une relation avec un mec comme moi. Qu’il y avait trop de plumes noires sur mes ailes. Elle est partie et j’ai essayé de la retenir, en vain.


L'auteur, plus Goth que jamais après cette triste aventure


Elle est partie et quelqu’un d’autre est venu. Un truc que je n’aime pas trop voir traîner chez moi : une grosse dépression. Les couvercles des cercueils ont sautés au plafond et les vampires sont sortis danser sur mon lit. Une nuit comme celle là, je ne la souhaiterais pas à mon pire ennemi. Et puis le soleil s’est enfin levé et j’ai pu sortir de ce trou insalubre qu’était devenu le nid douillet qu’est généralement mon appartement. Je suis parti noyer ma dépression au pub où j’ai rencontré le pote à qui la charmante dame était originellement destinée et qui m’a avoué sans rire qu’après m’avoir quittée elle était parti directement chez lui et qu’il l’avait honoré. Je crois que le pire, c’est que je ne lui en veux même pas.
J’ai relu une Saison en Enfer de Rimbaud et je pense avoir écrit d’une traite l’une de mes plus beaux poèmes que je n’ai finalement pas la force de poster ici. J’ai écouté Joy Division et un nouveau groupe qui s’appelle Ask the Dust que je vais certainement aller voir le 24 avril à la Flèche d’Or. J’ai repris la lecture de Is it just me or is everything shit ? de Steve Lowe et Alan McArthur et je peux vous dire les gars que ce n’est pas seulement vous. Sinon je viens d’avoir 39 ans. C’est la dernière ligne droite avant la quarantaine et en passant devant le Panthéon noyé de soleil aujourd’hui j’ai repensé au fils de Napoléon 1er, né Roi de Rome et mort duc de Reichstadt à Schönbrunn, à 21 ans. Finalement, il en a eu bien de la chance de partir si jeune.

Napoléon-François-Charles-Joseph Bonaparte




C’était en 1832. 57 sept ans après, à Mayerling, l’archiduc Rodolphe sortait son revolver. Je sais maintenant que Mary Vetsera, sa maîtresse, n’a jamais voulu mourir avec lui.




15 commentaires:

  1. Je me rends bien compte que commenter un billet de cette nature est quelque peu déplacé et j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je partage avec vous la sagesse d'un bon ami qui me disait souvent: "Batman, bordel, tu déconnes à plein tube!"

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  2. Je pense sincérement que c'est moi qui est "déplacé" ici bas. Enfin merci pour votre conseil.

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  3. Atlantis tu devais vraiment être bourré pour confondre éponyme et homonyme.

    Ton texte sonne juste : à côté de certaines nanas (très rares certe) t'as parfois l'impression d'être assis à côté d'un gouffre sans fond qui va t'aspirer. Attention rien a voir avec la passion, le cul, la séduction et autre connerie. C'est bien au-delà.

    C'est la chance des hétéros ça ! Y a qu'une nana (une sur mille OK) qui peut donner ce type de sentiment. Les pédés et leur attrait du même au même peuvent pas connaître cette sentation.

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  4. C'est fou comme une névrosé standard (ajoutée, il est vrai, à quelques litres de gnôle) tel qu'il en existe des milliers peut raviver le doute chez un homme qui pourtant semble posséder un certaine stature. Enfin, elle aura au moins eu le mérite de relancer vos instincts artistiques.

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  5. Tu reviens du pressing, à moins que ce ne soit du pressoir ... Veil au jus, il n'est pas pour toute. L'enfer semble t'avoir échappé. Loué sois-tu !
    Ta sold-à-desque mérite mieux. Happy Birthday by the way Mat ! Belathin

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  6. "Or c'était pour mourir qu'ils étaient venus là.
    Lequel des deux enfants le premier en parla ?
    Comment dans leurs baisers vint la mort ? Quelle balle
    Traversa les deux coeurs d'une atteinte inégale
    Mais sûre ? Quels adieux leurs lèvres s'unissant
    Laissèrent s'écouler avec l'âme et le sang ?
    Qui le saurait ? Heureux celui dont l'agonie
    Fut dans les bras chéris avant l'autre finie !
    Heureux si nul des deux ne s'est plaint de souffrir !
    Si nul des deux n'a dit : " Qu'on a peine à mourir ! "
    Si nul des deux n'a fait, pour se lever et vivre,
    Quelque effort en fuyant celui qu'il devait suivre ;
    Et, reniant sa mort, par le mal égaré,
    N'a repoussé du bras l'homicide adoré ?
    Heureux l'homme surtout, s'il a rendu son âme,
    Sans avoir entendu ces angoisses de femme,
    Ces longs pleurs, ces sanglots, ces cris perçants et doux
    Qu'on apaise en ses bras ou sur ses deux genoux,
    Pour un chagrin ; mais si la mort les arrache,
    Font que l'on tord ses bras, qu'on blasphème, qu'on cache
    Dans ses mains son front pâle et son coeur plein de fiel,
    Et qu'on se prend du sang pour le jeter au ciel. "

    (Alfred de VIGNY - Les amants de Montmorency - extrait)

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  7. Et tout à fait à propos. S'en est bluffant. Ca ne vous revigore pas un peu Atlantis?

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  8. Il faut bien finir par enlever sa pelisse de mélancolie. Je n'ai pas l'intention de laisser une succube me bouffer les foi toute la semaine.

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  9. J'aime beaucoup l'expression "manche à couilles"

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  10. Cher Atlantis, je vous tire mon chapeau! J'ai connu des filles un peu déglinguées, mais la vôtre m'a tout l'air d'être imbattable! S'il fallait tirer une morale de votre fable (histoire de tirer quelque chose quand même, hein), je dirais qu'il ne faut définitivement pas s'adresser à l'intellect d'une femme lorsqu'on veut la charmer, car on ne sait jamais face à quel abîme on va débouler (je suis 100% d'accord avec Todo là-dessus). Avec les sens, au moins, on ne se perd pas, et votre ami s'y est retrouvé... Ceci dit, vous aurez un joli souvenir de vos 39 ans sur le bras, c'est toujours ça. Merci de nous avoir fait part de cette histoire grotesque (grotesque à la Poe, s'entend...).

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  11. S'il fallait tirer quelquechose de tout cela ce n'est certainement pas une morale mais des coups de revolver.

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  12. oui, mais tirés sur elle, j'espère? Sinon, profitez à fond de votre spleen, vous avez la chance insolente de partager votre date d'anniversaire avec Charles Baudelaire! Rien que ça, mon salaud! Voilà de quoi ragaillardir un poète en moins de deux, non?

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  13. Je ne suis poète que quand ça va mal et heureusement ce n'est pas tout les jours.

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