19 mars 2007

C'est arrivé près de chez moi...

...juste sous mon nez. J'ai cessé de prendre mon air étonné et je me suis dit "pas le moment d'abandonner, faut tout donner, à toi de changer les données".

C'était un vendredi matin, le ciel était clair, la journée s'annonçait douce. Je m'installai derrière mon bol de café et mes tartines à la confiture de framboise Bonne Maman. J'ouvris tranquillement mon quotidien régional. Et là... ce fut le drame.

Dans la même rubrique locale concernant mon petit canton du Libournais, deux brèves terrifiantes trônaient en haut de page. Je vous les livre telles quelles (avec les coquilles) :

Du poème au slam
A l’occasion de la 13ème Fête du livre enfance et jeunesse intercommunale un atelier slam se tiendra le mercredi 7 mars prochain à la bibliothèque de Montussan. Un fête a laquelle participe le collège d’Arveyres* et ce, en montant une pièce de théâtre. Renseignements au 05.56 .. .. …

Le chiffre du jour

6,100. En kilos, les pièces jaunes récoltées par dix-neuf élèves de l’école maternelle Pauline-Kergomard de Sainte-Foy-la-Grande.
Je pensais vraiment qu’on allait bientôt en avoir fini avec les ateliers rap/hip hop et autres conneries du genre « made in USA ». Depuis pas mal de temps, les faits divers en la matière se faisaient plus rares dans les colonnes locales. Et puis voilà ti pas que pour relancer la machine à décerveler, ils viennent (les pédagogues en chef du marketing) de nous pondre leur dernier concept : le slam - évidemment toujours « directly imported from the States ». Et ça ne loupe pas. En moins de deux, le moindre évènement culturel estampillé « djeun » nous refourgue son atelier slam. C’est qu’il faut bien initier aux beautés et subtilités de notre langue tous ces jeunes en pantalons baggy. Et donc, quoi de plus logique qu’un atelier slam à l’occasion d’une Fête du Livre. Il est vrai qu’un atelier poésie, ça fait moins sexy et ça fait vendre des livres d’Eluard ou d’Apollinaire plutôt que les disques d’Abd Al Malik** ou de Grand Corps Malade. Financièrement et idéologiquement, c’est considéré comme « pas terrible » par les pédagogues en chef du marketing qui font répéter à leurs animateurs-vendeurs le mot d’ordre suivant : « Il faut se mettre à l’écoute de la culture des jeunes ». Evidemment on entendra aussi dire ici et là : « Oui, mais, si cela peut les amener à la poésie, c’est pas forcément un mal ». Or, l’expérience de ce procédé de séduction qui consiste à la mise en concurrence de la culture avec leur culture, montre plutôt que cela les amène à la confusion systématique entre les cultures durables et les modes passagères***, ainsi qu’à l’idée que « tout se vaut ». Et cet esprit du sympa et du ludique ne fait que les inciter à se détourner du principe qu’ « une génération doit faire l’éducation de l’autre »****.

Mais poursuivons avec nos nouvelles brèves. Comme le montre la seconde, intitulée « Le chiffre du jour », les animateurs libertaires, mandatés par nos élus qui sont eux-mêmes les mandataires des pédagogues du marketing, ne se contentent pas d’américaniser et de crétiniser nos jouvenceaux et nos jouvencelles, ils collectent également l’impôt sur les tirelires des enfants de 3 à 5 ans, l’impôt dit « de la petite souris ». Il est vrai qu’il n’est jamais assez tôt pour initier nos enfants au maniement de l’argent et à un de ses corollaires, la charité compassionnelle. Deux aptitudes sociales, pour ne pas dire réflexes, qui devraient largement suffire au citoyen libre rêvé par nos social-démocraties, pour s’accorder à leurs projets de société et se fondre, sans faire de vagues, dans leurs économies de marché. A quand, dès la maternelle, les ateliers carte bleue et les travaux pratiques sur le CAC 40 ? A quand le détectage précoce des prédispositions comportementales chez l’enfant, censées annoncer un parcours vers les places boursières ? Reste à savoir, dans le cas des pièces jaunes, si on a bien expliqué aux enfants, qu’aujourd’hui ce ne sont sont plus, comme au temps du franc, celles qui ont les plus petites valeurs. Dans le cas contraire, on pourrait bien parler d’abus caractérisé ou de mensonge sur le produit et ça devrait faire hurler dans les familles. Mais après tout qu’importe, les enfants aiment tellement ce balourd de David Douillet.

*c’est mon bled à moi (et c'est mon côté Patricia Kaas...je vous laisse méditer là-dessus).
** Abd Al Malik invité il y a quelques semaines sur la Chaîne Parlementaire (LCP) pour livrer ses pertinentes analyses politiques et sociales sur la France, considérations à peine dignes de celles d’un lycéen. S’il vous fallait encore une preuve de l’intérêt qu’il représente pour le système…Je n’ai pas souvenir que les Bérurier Noir par exemple, groupe pour le coup en réelle rébellion contre le système, ait été, en leur temps, invités sur un média équivalent dans une émission équivalente, pour exprimer leur vision de la France.
*** Jean-Claude Michéa, « L’enseignement de l’ignorance ». Leur culture n’étant qu’une modalité sans cesse renouvelée de la mode ou pour continuer à citer Jean-Claude Michéa, « un dispositif intra-générationnel ».
**** Expression employée par Dany-Robert Dufour dans « L’Art de réduire les têtes », à propos des thèses de Kant sur l’éducation.


6 commentaires:

  1. Très bon ça ! Je signe des deux mains.

    Non, Jack, tout n'est pas culture...

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  2. Ah les Zéducateurs modernes, quel beau monde ils nous préparent! Vraiment, ça va être chouette, tout un pays remplis de grands mouflets élévés par des tâches pareilles! Déjà que ma génération était "craignos"!
    Sinon, à propos de David Douillet, il faut avoir entendu au moins une fois LA chanson qu'il a inspiré aux Malpolis, petit groupe français "artisanal" assez fendard, j'ai nommé "Le cousin", sur l'album Piédenés. Ca vaut le détour...

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  3. "les zéducateurs modernes" ?
    enlève ton masque Dantec : t'es grillé.

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  4. Le commentaire de commentaire est ridicule et vain. Le mien vient d'exploser la limite du genre.

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  5. Damned, l'âne Onyme, tu es trop fort, je m'incline! Mais n'oublie quand même pas de passer par la caisse avant sortir pour me verser mon copyright, tu seras bien urbain.

    Complètement HS : Eh, guard of headlight, toi par contre je t'ai vraiment grillé. Une seule phrase et je t'avais reconnu, c'est pas beau ça? Tout est dans le style.

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  6. HiHAn HiHan !
    Oui, tu peux m'appeler âne Maurice N. Watchec. L'âne est un animal extrêmement mal vu et sous estimé par les imbéciles. Il est indiscipliné et n'en fait qu'à sa tête et en plus il a une grosse bite. Tout moi.
    Vive l'âne.

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