10 mai 2006

L’AC Attacks !

L’art, le beau, le vrai, l’utile… L’art contemporain est-il utile ? L’utile est-il laid ? L’art contemporain est-il laid ? L’art contemporain (AC) est-il devenu classique ? Déjà ?...

Utile ? Sûrement ! Une ballade dans les expo d’AC, c’est divertissant ! Divertissant à s’en épuiser étant donné le nombre (suspect ?) d’artistes et dirons-nous pour faire bonne figure critique, la multitude des matériaux d’expression et des concepts dégueulés... Les schèmes se percutent et se répercutent et vous upercutent ! Au point de rester coi face au petit reporter faisant la sortie, son micro en main brandi comme une arme de poing : « L’AC, j’en pense rien. Si : ce serait pas une putain d’escroquerie mondaine par hasard ?... Et ah si et surtout : l’AC, ça attire plein de belles meufs ! ».

Bastille donc le week-end dernier, pour un rendez-vous AC mais pas AC genre FIAC (Foire Internationale de l’Art Contemporain), plutôt AC genre FNAC (Foire Nationale) ou même FDAC (Départementale). Mais une pure effervescence d’idées en plateau, de l’émulation mosaïquée sur couleurs criardes ou incolores… Alors bien sûr, dans tout ce beau bordel, on a vu du beau et du laid, du vrai et de l’injustifiable…

A priori, l’art contemporain était victime de préjugés à la dent dure... Mais force est de constater qu’il s’est popularisé.
Notre conditionnement classique voulant que du chaos naisse l’ordre, a été parasité par cet art séculier qui lui, semble faire naître le chaos du désordre… La signification de l’AC quand elle se trouvait là, sous nos yeux, s’est donc longtemps dérobée à notre raison, en tout cas la mienne sous prétexte d’avant-gardisme hypocrite et -condriaque. Faut dire que je m’en battais et m’en bats toujours profondément la race… Mais cette balade et la réflexion passe temps… Tilt : l’AC shoot again ! L’AC ingéré, récupéré, coolifié, businessé… Et presque à portée de bourse de prolétaires dis donc !…

Son arme ? Du sens venu à la rescousse des sens déroutés voire dégoûtés du public, du sens venu de nulle part… Le désordre ordonné, toute sorte d’abomination scrupuleusement intellectualisée par le relativisme (merci Einstein) : tout est permis, tout est affaire d’émotion ! L’AC, ce jeu d’enfant, cet art du stade anal : « Mon Dieu que la merde de mes enfants est belle et sent bon ! »… La moindreuuhh, chose, aussi minimaliste soit-elle, pouvant philosophiquement être justifiée, expliquée et donc commercialisable… Si vous n’aimez pas, c’est que vous ne comprenez pas. Et si vous ne comprenez pas, c’est normal que cela coûte une fortune. Alléluia : le business a fait de nous des gens plus intelligents ! L’AC, cette régression...

L’AC en gagnant ses galons culturels a déjà perdu et n’est plus un art de son temps : il est devenu un art ancien, classique, c’était le corollaire obligé de sa vulgarisation… Il est déjà une imposture : nous sommes tous des artistes contemporains… Et cela d’autant plus, que nos élites intello bobo déjà se le sont approprié jalousement et l’ont adoubé en le subventionnant.

Piégés que nous sommes, on kif nos races devant certaines œuvres. Y’a du joli et du percutant. On se retrouve à s’extasier devant des tableaux nous rappelant nos peintures de cours élémentaire, on admire cet art monstrueux, hybride de démarches artistiques et technologiques, surfant sur la technique, l’utilisant en support (petits films holographiques en 3D par exemple), dans les matériaux (sculpture d’un bull-terrier en plastique, jaune), en concept brut (par exemple, une imposante structure d’acier ou encore une bombe, boule à facettes). Cet art méritoire ( !) qui réconcilie ou du moins concilie la mère et la fille, la technè (l’Art) et la technikos (la technique, fusion de la nature et de l’esprit), cet art de notre temps : le nôtre bordel ! Cet art qui colorise la perception naïve romantique de la technique, perçue comme une vision de mort, faisant le lien entre la technologie et le cœur et l’esprit, investissant la laideur technologique pour la maîtriser et l’inverser (beauté des photos de HLM). L’AC fait des objets tape à l’œil à l’image de ceux de notre société spectacliste et les détourne pour nous les révéler et nous révéler : il fait les objets artistiques de son temps, le nôtre, et engendre ainsi des sujets de leur temps, nous autres…

La technologie de raison dualiste (Corps/Esprit) transforme le monde en tas d’ordures ; l’AC y fait écho et c’est cela qui fait de lui un art.
Sa tête est pour longtemps ( ?) sauvée parce que le principe de Qualité inhérent à l’Art et donc la trinité Corps/Esprit (Passion/Raison)/Qualité qui se transcende dans un monisme conclusif... Mmmfff ! Désolé : j’étais en apnée.

Plus sérieusement, hum hum, l’AC tente de faire du beau avec notre laid quotidien… Il n’en ressort pas toujours gagnant mais fait perdurer la distinction du beau et du laid sans laquelle l’art disparaîtrait. « Sans art, la vie serait vivre » (Pirsig)… Bref ! Il détourne au minimum (photo d’une jeune fille reprenant son souffle dans un sac Vuitton) et esthétise la violence de notre temps (tableau d’un jeune garçon cagoulé, à côté d’un adulte couteau en main ; photo d’un lit conjugal et des pieds liés d’un couple dos à dos ; tags) dans un humour et une dérision salvateurs, l’AC subversif encore un peu...

« La laideur se situe dans la relation du producteur au produit d’où découle une relation similaire entre utilisateurs de technologie et objets utilisés. » (Pirsig again).

L’AC, c’est la fête, l’entertainment, le loisir ! Avec l’AC, t’es input sur le jus de nos jours ! L’AC se consomme, sans indigestion, car tu le dégueules aussi vite que tu l’as ingurgité : boulimie… L’Art Contemporain, l’Art Consumé, l’Art Consommé, l’AC. Tous au Grand Palais !

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