18 mai 2006

Haineusement votre



Selon nos classes moyennes sup’ citoyennes du monde, la France pue. Elles le disent avec d’autant d’aplomb car elles viennent de le lire dans la plupart de leurs journaux préférés (Libération, Les Inrocks, Télérama, Le Monde) et il est bien connu que nos plumitifs constituent l’élite éclairée de la Nation. D’ailleurs, la France a toujours transpiré la xénophobie, le populisme, la couardise et le réflexe munichois. Elle est vichyste dans son essence et putassière dans son mode de fonctionnement. Ô qu’il est bon de vomir la République et la Nation pour nos oligarques préférés… Les communautés, les stock-options, les golden-parachutes, Paris-Plage, l’Euroland - ça c’est moderne coco !



DE L’IDÉOLOGIE FRANCAISE

Ce grand mouvement de lapidation remonte, en vérité, à l’accession au pouvoir des Mitterrandistes. En 1981, le chef de file des nouveaux philosophes, Bernard-Henri Lévy, sort l’essai fondateur de la francophobie : L’idéologie française. Cet ouvrage dit historique avait pour seule ambition de démontrer que la France est une Nation criminelle et pathologiquement passéiste et réactionnaire. Bernard-Henri Lévy, dans cet essai tout en nuances, souhaitait démontrer que notre République est intrinsèquement fasciste et raciste (Battisti, lui est un grand démocrate). C’est ainsi que pour BHL, le régime de Vichy représente la substance même de notre pays et sûrement pas la Résistance ! D’ailleurs, elle était tellement minoritaire qu’il n’en parle même pas.

Les quarante millions de pétainistes d’hier sont ainsi devenus les 60 millions de lepénistes d’aujourd’hui, qu’on se le dise. Car le haineusement correct (expression de David-Martin Castelnau [1]) vingt-quatre ans après sa création n’est plus une tendance au sein de nos oligarchies mais carrément une lame de fond ! Le haineusement correct, c’est l’alpha et l’oméga de nos médiacrates, leur Saint-Graal.

LES RÉSISTANTS D’AVRIL

La France est moisie, la preuve ? Elle a voté en masse pour Le Pen le 21 avril. Sans jamais s’attaquer aux causes du vote Front National, nos chères élites médiatiques dans une campagne stalinienne nous l’ont joué « Ici, radio Londres » et journal Combat face à la menace nazie et à ses chars. Cet héroïsme de pacotille leur a surtout permis que l’on ne pointe pas leurs responsabilités dans la percée du Front National, et nul ne posa la question sur la pertinence de cet antifascisme commémoratif. L’abandon de la Nation représente la condition première chez nos oligarques pour l’instauration du pancapitalisme financier. En liquider tous les symboles, ou les confier aux idiots utiles du Front National, constituait la première étape.

MERDE IN FRANCE

Néanmoins pour nos classes dirigeantes cela n’allait pas assez vite : la France devait être mise en pièces, vassalisée, emprisonnée par l’européisme et valetisée par l’atlantisme. À l’instar de leurs homologues américains, il fallait tirer à boulet rouges sur cette nation fascistoïde récalcitrante qui ne voulait pas bombarder - pardon libérer - l’Irak. Certains scribes zélés tels qu’Alexandre Adler, Yvan Rioufol, Maurice Dantec, André Glusckmann ou Pascal Bruckner ruèrent dans les brancards, dénonçant une France couchée devant Saddam et Ben Laden. D’autres comme Serge July ou Lionel Jospin émirent des réserves sur la stratégie de Chirac et Villepin et surtout sur les motivations de ce peuple dégueulasse qu’est le peuple français. La France tint bon... Et l’Irak n’est toujours pas une démocratie.

FRANCE-EUROPE-EXPRESS

Dieu merci, il restait l’Europe comme instrument de nettoyage éthique et politique d’une France rétive à la modernité. Enfin, cette petite nation d’ordures allait devenir belle dans la gouvernance européenne, enfin celle-ci n’avait plus qu’à se fondre dans le magma financier de la corporate europe. Et puis… Patatras, ce beau programme ultralibéral empaqueté dans une charte des droits fondamentaux (le fondamental a remplacé l’Homme) a été rejeté…

Et ce n’est pas faute d’avoir essayé : les oligarques de France et d’ailleurs se sont bousculés au chevet de cette France de beaufs. Nos plus grands éditorialistes s’y sont mis à plusieurs (July, Colombani, Joffrin, Imbert), nos plus grands intellectuels se sont regroupés en comités de soutiens (Julliard, BHL), on a décongelé pour l’occasion nos plus grandes sommités (Jospin, Delors, Giscard), et rappelé nos éternels jeunes trublions (Dany Cohn-Bendit). Non, rien n’y a fait, pas même super Sarkozy pourtant le plus populaire dans les sondages… L’ignoble peuple de France a voté NON le 29 mai.

UN DÉLUGE D’INSULTES

Devant tant d’efforts non récompensés, nos oligarques se sont mis à cracher non pas de manière cyclique comme avant, mais de manière continue, leur haine de la France et du Peuple français. Ivres de rage, nos médiacrates se sont fait la spécialité de déverser toute leur exécration pour cette nation abjecte ! Du brillant édito de Serge July le lendemain du référendum, à l’ironie sublime de Pascal Bruckner dont je m’empresse de vous livrer quelques lignes [2] :

« Magnifique conquête que nous ne devons pas nous lasser de célébrer à chaque instant. Pas un jour, chez nous, sans des dizaines d'arrêts de travail et de protestations, jalousés par les chômeurs qui n'aspirent à un emploi que pour accéder au statut privilégié de gréviste. Ainsi, la France, dans un futur proche, et si nous le voulons bien, pourrait demeurer fidèle à sa vocation naturelle : rester la principale destination touristique du globe - mais au titre d'un tourisme intelligent, éducatif, où les hommes et les femmes de toutes nations viendraient s'initier à l'insoumission, au grand refus, sous la conduite de professeurs, agrégés ès révoltes. »

Comme dirait un certain Mr B., adepte du second degré dans sa réponse[3] à Pascal Bruckner :

« Quelle finesse, quelle hauteur de vue, quelle qualité dans le sarcasme, quelle glorieuse contribution à l’esprit français et à la pensée planétaire quel “amour du prochain” enfin ! ».

POUR VIVRE HEUREUX, VIVONS COUCHÉS

En vérité, pas un jour ne passe sans que l’on célèbre « la fin du modèle français » et que l’on abhorre les français et leur patrie. Et la défaite de Paris pour l’obtention de ces jeux qui se disent olympiques, donnent du grain à moudre à nos chers contempteurs : Libération du 7 juillet

« “C'est la France qu'on veut punir”. Pourquoi ?“ A cause du non à la Constitution et de Le Pen au deuxième tour des élections”, dit tout fort une Parisienne, sortant d'un resto des Champs-Élysées. Entonnant un refrain souvent chanté hier aux quatre coins du pays ».

On peut prêter foi aux déclarations d’une bobo, et à toute cette classe moyenne-supérieure, celle qui fait du roller et mange bio. Ces petits-bourgeois gentilshommes, ces cyber-gédéons et turbo-bécassine (Gilles Châtelet [4]) n’ont pas leur pareil pour intérioriser les diktats médiatiques. Citoyens du monde globalisé et absolument modernes, ils sont les moutons qui bêlent le catéchisme niaiseux et leur mépris des vrais gens à la manière des ovidés de la Ferme des animaux d’Orwell.

L’autoflagellation continue et continuera tant que le peuple de France ne se ralliera pas clairement aux vues des élites globales comme le prouve cette entrevue de l’inénarrable Bruckner au Figaro au sujet des attentats de Londres [5]:

« À se dresser trop violemment contre l'islamisme, nous explique la nouvelle sagesse du monde, on le favoriserait : il s'agit-là d'une théorie pour laquelle on fortifie son ennemi en le combattant ! Les gouvernants – à commencer par les gouvernants français – sont prémunis contre cette théorie bizarre. En revanche, celle-ci exerce une forte emprise sur l'opinion publique, notamment en France. Le réflexe expiatoire face au terrorisme est profondément inscrit dans l'air du temps. »

Oui, les français ont l’habitude de vivre couchés et timorés devant la terreur comme l’ont prouvé les attentats de 1995… On avait bien vu alors la France dérouler le tapis rouge au GIA.

Le haineusement correct est devenu le mode d’expression de nos oligarques et de leurs sbires, parce que la France hésite encore à se convertir à l’ultralibéralisme, parce que la France préfère l’assimilation au multiculturalisme communautaire, parce que les Français sont encore attachés à leur patrie. Le pire c'est que sur le modèle des petits marquis de la drôche caviar (mélange de la droite et de la gauche), de nombreux indigènes et autres "familles de victimes" depuis quelques générations reprennent en choeur ces accusations car l'école du ressentiment semble avoir de plus en plus d'élèves (gays, noirs, Bouteflika...)


[1] David Martin Castelnau, Les Francophobes, Fayard, 2002

[2] Pascal Bruckner, La France dont je rêve, Le Figaro, 14/06/2005

[3] MrB, courrier des lecteurs, Le Figaro, 16/06/2005

[4] Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs. De l'incitation à l'envie et à l'ennui dans les démocraties-marchés, Exils, 1998.

[5] Entretien Pascal Bruckner, Le Figaro, 09/07/2005.



2 commentaires:

  1. >parce que les Français sont encore attachés à leur patrie.

    Nous ne sommes pas les seuls, et nous n'y somme pas tant attache que cela. Nous sommes attache a notre culture...

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